Made in Korea – Le retour aux sources de Laure Mi Hyun Croset

 

 

Avant même d’ouvrir le roman Made in Korea que Laure Mi Hyun Croset publie aux éditions genevoises Okama, on est attiré par son quatrième de couverture qui loue le caractère « réjouissant, mélancolique et tendre » de l’histoire qu’il renferme dans ses pages, « l’histoire d’une renaissance, sans faits glorieux ni émotions de pacotille ». On est donc loin de l’esprit railleur de son précédent roman satirique Le beau monde (Albin Michel, 2018).

L’écrivaine suisse d’origine coréenne met dans ce nouveau petit roman une partie d’elle-même, en prenant le risque de parler de ses origines, exercice, nous le savons, si délicat pour tout auteur qui s’aventure sur ce chemin semé d’embuches et qui réclame une mise à nu intérieure, intime, d’un territoire plutôt rêvé, enfui dans le souvenir et défiant le réel. Le défi est de taille, car il suppose le courage de la sincérité et l’effacement lui permettant à vivre en toute liberté ses personnages dans un récit qui passe la main à la fiction, même si, on le sait, on ne parle jamais que de soi, comme le disait François Mauriac.

Son personnage, un jeune français d’origine coréenne, décide de retourner dans son pays d’origine dont il n’a gardé aucun souvenir, ayant été adopté très tôt. C’est un passionné d’informatique, adepte de jeux vidéo, un geek, comme on les appelle dans le jargon. Son hygiène de vie sédentaire laisse à désirer et son  régime alimentaire le conduit vers le diabète dont il veut se débarrasser quitte à changer de tout au tout sa façon de vivre. C’est le moment de partir, de changer, d’aller vers un ailleurs qu’il ne connait pas mais qu’il aimerait connaître. Ce sera la Corée du Sud qu’il choisira, en toute évidence.

Un aventure qu’il veut salvatrice… 

Même si le récit de Laure Mi Hyun Croset ne prétend pas au titre de roman initiatique, beaucoup de choses nous font croire que sa toile de fond y renvoie avec subtilité à travers une riche suite d’interrogations et de secrètes recherches d’équilibre et de sens d’une existence que son héros n’a jamais osé se poser. Dès lors, la toile narrative s’étendra sur plusieurs plans, s’enrichissant de rencontres, d’expériences, de découvertes, sans jamais prendre le dessus l’un sur l’autre et faisant croire à une aventure multiple, sensible et tellement humaine par sa naïveté et sa sincérité. 

L’histoire porte son héros à travers Séoul en compagnie de l’Irlandais Tim, avec qui il tisse des liens d’amitiés, dans des lieux pittoresques qui finiront par l’attirer et éveiller sa curiosité de voyageur en herbe. Le taekwondo qu’il tente de pratiquer est censé le sortir de sa paralysie. Le régime alimentaire, le guérir ou du moins améliorer son état de santé.

Cela dit, on ne pourra pas se contenter de ces éléments qui ne finiraient que nous donner une image fragmentaire du tissu romanesque de ce livre.

Il faudra poser un regard plus attentif, plus humain sur son personnage.

N’est-il pas le reflet que tant d’êtres humains comme lui (comme nous) posent comme dans un miroir sur notre condition de contemporains désorientés, naviguant à vue, à la recherche d’une branche pour nous accrocher à un quotidien ardu, monotone, déstructurant, voire destructeur ? 

Tout est dans ce livre qui justifie ces éloges.

On ne trahira pas, quant à nous, le secret et le dénouement de ce roman, on ne vous dira pas si le voyage sera ou pas une réussite pour ce jeune homme. 

Il faut lire ce livre jusqu’au bout, ayant en tête cette citation de Saint Augustin : « Le monde est un livre et ceux qui ne voyagent pas n’en ont lu qu’une page ».

On vous parlera juste de l’incroyable et précieuse dose d’humanité qu’il contient. 

Rien d’étonnant, connaissant la sensibilité et le remarquable talent de Laure Mi Hyun Croset !

Bonne lecture !   

Dan Burcea

Laure Mi Hyun Croset, Made in Korea, Editions Okama, 2024.

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