Cinq poèmes de Gabriela Toma

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Images magnétiques 1

Le public est invité à fermer les yeux :

ce n’est que maintenant que le rouge de la framboise s’intensifie

en ce soir de juin, avec des passants sur la balustrade tournante,

une goutte d’encre, une goutte de sang,

un feu rouge vif, rouge érable.

Youhualli est né une nuit de mai,

quand les balayeuses de Biriuzova

glissaient dans les poches des mendiants

des cerises jaunes.

Nous écrivions des messages sur des pelures d’orange

et attendions le prochain train dans la longue gare,

Le frère est resté dans la vieille maison pour se battre jusqu’à la mort, pensait-il.

Dieu se faisait entendre dans une prière

prononcée au-dessus de l’ours en peluche,

dont le soldat enlève la balle et la garde jusqu’à son retour à la maison,

entre la pluie de la forêt de cèdres et la musique de Gillespie,

où le compte à rebours commence,

la lumière de secours.

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Images magnétiques 2

Ce soir, nous le passons dans une clepsydre avec de la poudre de fer et des aimants aux extrémités,

« mince, légère, flexible »,

dehors, il neige sur la voie ferrée du train postal.

Regarde un peu à gauche, un homme attend sagement que la barrière se lève,

les coquillages et les algues ralentissent la vitesse du navire,

du ferry pour Kristiansand, je saute dans la mer.

et je me rends compte que la mer n’existe pas.

plus loin, regarde plutôt à droite,

le prédicateur porte une toute petite fleur à la main,

devant lui, la femme aux yeux verts essaie d’affermir sa foi.

tu écartes les bouteilles de champagne

d’un bestiaire oublié,

le cube de brouillard se dirige vers toi,

le ciment a durci,

choisis la case quatre et saute la marelle,

une porte claquée avec force efface l’image.

continue :

ici, il t’est plus facile de courir sans armes,

tu cherches des milliers de couleurs.

la femme tétra-chrome les connaît,

elle donnera probablement naissance à des enfants qui accrocheront le monde

du bout noir et blanc, blanc et noir.

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seule sa voix correspond à mon nom

je me prépare à sauter dans l’eau à une distance considérable,

pour un sable mouvant qui me conduit lentement à lui.

mon mantra peut être un petit geste déclencheur : des yeux couleur d’ambre,

un bras trop beau qui rappelle celui de David,

un corps allongé sur la plage qui ressemble à une leçon d’anatomie de Rembrandt,

un souci épuisant de ne pas faire de mal.

l’histoire se construira avec des décalages : quand il tombera amoureux, je partirai.

J’entends l’écho : tu le sais et rien n’est fortuit.

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Liberté

Je bois lentement mon verre de vin avec ceux qui vont bientôt mourir,

nous faisons notre valise, on nous dit de ne rien prendre, d’autres nous le donneront,

au-dessus de nous, il y a une petite porte en bois, une petite fenêtre.

et les dix commandements de la liberté et de la révolution,

nous tirons le treillis pour dormir

loin du monde vivant et de sa captivité.

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Secondaire

Quel dessin vois-tu dans ton verre d’eau aujourd’hui ?

les bulles transparentes s’approchent de ton œil, tu es là, prenant la forme la plus étrange

un souffle et tu additionnes, tu additionnes.

La divinité a besoin de silence pour se faire entendre,

C’est une question de temps, tout ce qui reste, 

la traversée de ce fil barbelé par un oiseau très puissant,

la tombée du brouillard qui recouvre tout et la mort du père,

Les rides de l’asphalte, les marques des nuages qui se séparent.

Les traces se construisent de l’intérieur et la rétine les reconnaît.

Combien de temps dure la trace de vos mains mouillées sur une pierre ?

Dans le ciel, le père immaculé et lumineux

or,

sur la terre, le sable perdu dans le vent, les taches du soleil,

en moi, deux êtres sans lesquels je ne peux rien construire :

l’un indifférent et l’autre qui se laisse pénétrer, posséder.

L’un et l’autre composent mon existence.

Je remplis ma chambre de choses transparentes ou du moins difficilement visibles, difficilement saisissables.

je retourne à l’anonymat de l’escargot, à l’histoire inconnue d’une chèvre de montagne,

à la maison.

Je mets la clé sous le paillasson, j’attends sagement le verdict.

Gabriela Toma (Chiltzinacani Ohtli) est née le 27 février 1981 à Bucarest. Elle a débuté avec le recueil Cântecul geamănului (Editura Humanitas, 2009), lauréate du concours Debut. En 2022, elle a publié le livre Crivacul, lauréat du prix de la Art Agency dans la section Poésie. Elle a voyagé et exploré de nombreuses cultures en Europe et en Amérique latine. L’espace culturel qui l’a le plus marqué est le Mexique, où elle s’est rendue trois fois et où elle espère retourner. Elle y a mené des entretiens et a assisté à des cérémonies préhispaniques Nahua dans l’actuel Mexique. Elle est passionnée par l’éducation non formelle, le dialogue interculturel et les contes. Lectures publiques : Eurydice, Blecher Institute, Noche Bohemia et La Ruenca de Gandhi Bookshop (Xalapa, Veracruz), Primer Encuentro International de Mujeres Poetas en la Cuenca de Papaloapan (Tuxtepec, Mexique), Festival international de poésie de Bucarest ; Festival Strada de C’Arte ; Marathon de la poésie et de la poésie Jazz ; V.I.P. (Wine. Intimacy. Poetry) – Festival de théâtre indépendant UNDERCLOUD. En 2022, elle a publié le volume de poésie Crivacul, à la maison d’édition Tracus Arte. Elle a traduit : Schiller et le classicisme (2022), Lakatos et Feyerabend (2022), Campanella (2022), Frantz Fanon (2022), Franz Rosenzweig (2022) de la collection Découvrir la philosophie des éditions Litera, Dissonance cognitive (2022), Leadership (2023), Mémoire. Remembering and Forgetting (2023), The Social Mind (2023), Motivation (2023), Psycholinguistique (2023), Mindfulness (2023), Psychological Assessment (2023), High Skills (2024) de la collection Discover Psychology des éditions Litera. En 2024, elle publiera un livre fantastique pour les enfants et les parents, intitulé Posh. Elle travaille actuellement sur un volume d’entretiens. Ses poèmes ont été traduits en espagnol, en français et en macédonien.

(Traduit du roumain par Dan Burcea)

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