Certes, les temps que nous vivons depuis deux ans sont durs. Chacun trouvera à cela ses raisons et ses urgences. La poésie, elle, risque de perdre de sa sève, non pas celle de ses ressources que l’on sait inépuisables, mais sur l’amputation qu’on lui impose de tendre vers ses lecteurs, obligés, eux, à un exil forcé dans la peur. Voilà pourquoi cette phrase de Giovanni Pascoli retrouve ici toute sa puissance et sa vérité : « Sans le rêve, il n’y a pas de poésie possible. Et sans la poésie, il n’y a pas de vie supportable ».
Depuis 1983, Le Marché de la poésie célèbre offre tous les ans à un nombre très important d’auteurs, d’éditeurs et de revues de création, l’occasion de se faire connaître et de partager l’amour pour ce genre littéraire sans égal.
Monsieur Yves Boudier, vous êtes le président de cette manifestation. Pouvez-vous nous dire brièvement quelques mots sur son histoire, sur sa nature et sur le rayonnement dont elle a su s’entourer depuis sa création ?
Crée en 1983, le Marché de la poésie est avant tout une vitrine de l’édition de poésie contemporaine et de l’édition de création.
C’est le plus grand rassemblement de poésie en France, qui réunit une grande partie des éditeurs de poésie contemporaine (cette année, plus de 650 nouveautés sont d’ors et déjà annoncées pour l’occasion ainsi que près de 500 signatures d’autrices et auteurs sur les stands. Nous avons également une scène qui accueille des lectures, tables rondes, rencontres, remises de prix, hommages…
Où se tient cette manifestation et sur combien de jours ? Est-elle présente à Paris seulement ou dans d’autres régions de France, ou à l’étranger ? Comment va-t-elle s’appeler cette année ?
Le Marché de la Poésie se tient place Saint-Sulpice (Paris 6e) et dure cinq jours, en l’occurrence cette année du 20 au 24 octobre (mais notre calendrier habituel est au mais de juin). Il est entouré d’une Périphérie du March é qui se déroule un peut partout en France, voire à l’étranger (cette année, 38 événements vont rythmer cette Périphérie, durant plus d’un mois, autour des dates du Marché, permettant ainsi au public de découvrir ou d’aller à la rencontre de poètes contemporains.
Cette année, nous consacrons nos États généraux permanents de la poésie à la thématique des Finalités du poème.
Qui est concerné par le Marché de la Poésie, à part les auteurs ? Y a-t-il aussi des éditeurs, des journalistes qui y sont présents ?
Le Marché de la Poésie réunit près de 500 éditeurs et revues de poésie, place Saint-Sulpice, pendant cinq jours.
La plupart des amateurs de poésie (y compris journalistes) s’y donnent rendez-vous, pour avoir ainsi accès à une production de poésie peu visible dans la chaîne traditionnelle du livre, et également pour un contact direct avec les éditeurs et poètes ; en quelque sorte, un marché direct, du producteur au consommateur. Mais c’est également un lieu d’échanges d’une grande richesse.
L’événement de cette année 2021 revient après une année d’interruption. Comment avez-vous vécu cette coupure imposée par la crise et comment comptez-vous remettre cette manifestation sur les bons rails acquis depuis ses presque 40 ans d’existence ?
Après deux années sans Marché, cette édition est quelque peu spéciale : tout d’abord parce qu’elle se tient à l’automne, et ensuite parce nous souhaitons plus que jamais mettre l’accent sur le travail des éditeurs, et donc, plus encore, des poètes.
Cette année la Présidente d’honneur du Marché de la poésie est l’écrivaine et dramaturge Hélène Cixous, Prix Médicis 1969, pour son roman Dedans (Grasset). Pouvez-vous nous en dire plus sur le choix de cette personnalité littéraire ?
Nous avons choisi de ne pas forcément demander à des poètes d’être présidents d’honneur, pour ne pas rester dans « l’entre soi ». Hélène Cixous, grande figure de la littérature et de l’engagement – sans être pour autant poète, est très sensible à l’univers de la poésie, et c’est ce qui nous importe avant toute chose
Chaque année un pays étranger est accueilli comme invité. De quel pays s’agit-il cette année ?
Exceptionnellement nous n’aurons pas de pays invité d’honneur : nous reportons à juin 2022 l’invitation faite au Luxembourg).
Quant aux auteurs invités, que pouvez-vous nous dire des critères auxquels sont soumises les invitations ?
Notre objectif est de montrer la diversité de la poésie contemporaine, et l’on devrait même ajouter, des poésies contemporaines tant ses univers d’écriture et d’oralité sont variés. Donc nous essayons de faire intervenir des poètes venant de tous horizons.
Que pouvez-vous nous dire des états généraux de la Poésie ?
Lorsque nous avons souhaité, il y a 4 ans, mettre en place des États généraux de la poésie, c’était pour mener ensemble, avec les structures, les poètes, les éditeurs et les institutions une réflexion sur la poésie contemporaine. Mais le sujet est si vaste qu’il nous aura fallu continuer. Et quel lieu plus naturel que le Marché de la Poésie, où cette réflexion a lieu partout pendant les cinq jours, pour mener ces États généraux, devenus désormais permanents car nous nous attachons à faire découvrir des écritures mais également à poursuivre cette réflexion sur la poésie d’aujourd’hui.
Et le journal Marché des lettres ? De quoi s’agit-il ?
Initialement, ce journal avait été crée pour parler de poésie, autour du Marché, avec des articles de fonds, des critiques, des entretiens. Malheureusement les moyens économiques ne suffisaient pas pour en faire un journal rédactionnel. Aujourd’hui, c’est plus un support de communication sur le Marché de la Poésie et sa Périphérie. Généralement il est accompagné d’un supplément consacré à la poésie du pays invité (avec un article de fonds retraçant la poésie du pays en question, ainsi qu’une brève anthologie des poètes invités).
Où peut-on trouver plus d’informations sur cette manifestation qui se tiendra cette année du 20 au 24 octobre ?
Le mieux est d’aller sur le site du Marché de la Poésie (www.marche-poesie.com) que nous alimentons en permanence des informations du Marché, de sa Périphérie, des biographies des auteurs, ainsi que des informations sur les éditeurs, leurs nouveautés…
Propos recueillis par Dan Burcea