Lundi, 22 juillet 2024, avait lieu dans les jardins du Musée de la littérature roumaine de Bucarest le lancement du recueil de poésie de Loreta Popa, Simplu [Simple]. La présence de nombreuses personnalités culturelles ont souligné la générosité et l’amitié avec lesquelles elles ont su répondre à cette invitation. Lecture et musique ont complété cette soirée de fête. Lors de la séance de dédicace qui a suivi, Loreta Popa a pu témoigner de son attachement à chacun de ses invités. Ainsi, pour quelques heures, le ciel de Bucarest a pu entendre l’écho et le rythme de la poésie.
Voici, traduits en français, deux de ces poèmes qui font partie de ce nouveau recueil.
Toi
Ma seconde est restée bloquée
à t’attendre.
Du côté de mon cœur.
Là où
toutes les secondes se rassemblent
quand elles ne peuvent rien faire.
Et l’aiguille des minutes
avait des instants à partager avec quelqu’un
et je l’ai laissée.
Il le fallait.
Je savais qu’il faudrait un certain temps
avant que cela n’ait un sens.
Encore une fois.
Tu as envoyé un messager de paix
pour voir si j’étais arrivée,
pour voir si je le suis toujours,
comme je l’avais promis.
C’était encore elle, la mouette.
Elle a déposé dans mes paumes
le plus beau moment.
Et j’ai souri.
Au-delà de la mort, tu es.
Au-delà de la vie, je suis.
Et les secondes sont sans voix.
Et les minutes aussi.
La mouette a appelé mon nom
et j’ai su.
J’ai su que mes larmes
fleurissaient ta venue.
Que la terre où je suis
est ma maison.
Que tu viens.
J’ai arrosé mes joues
avec l’eau bénite du non désir
et j’ai labouré de mes mains
mon libre choix de toi.
J’ai vidé mon horloge de toute pensée
et j’ai offert à la terre
tous les moments du passé.
Devant l’entrée de mon cœur
la seconde s’est mise à respirer.
Neige de mots
recouvre maintenant
tout ce qui signifie chez-soi
et ainsi dans leur chaleur,
ta venue reçoit pas à pas.
Rien de ce que tu es pour moi
ne peut m’être arraché.
Et la racine de la vie est profonde.
J’ai des marques de mon dernier sommeil.
Mes mains sont endolories.
Des ailes poussent à nouveau sur mes épaules
et la mouette m’attend
au bord du monde.
Et elle sait que je ne peux pas faire le pas
tant que tu ne seras pas là.
Respiration.
Inspiration.
Horizon.
Toi.
Égarée de chez soi
Comment ai-je oublié que
à travers moi
tu passes à chaque instant… ?!
Comment me suis-je éloignée
de ta bouche
pendant un temps ? !
De tes bras
Comment ai-je pu rester si lointaine ?
Comment n’ai-je pas compris
que même le temps ne peut être mesuré,
comme l’est l’amour ?
Comment la rugosité de tes genoux,
durs dans la lutte devant l’infini,
n’a montré ton visage, en me regardant
illuminé par l’incommensurabilité de notre amour ?
Comment se peut-il que ton pas ait touché la terre
qui ne connaissait pas la générosité de la lumière ?
Comment ai-je été le prix de la paix ?
Comment ton armure
est attachée à toi par mes larmes ?
Dis-moi, où me suis-je laissée enfermer jusqu’à présent
et pourquoi ne m’as-tu pas cherchée ?
Ou peut-être est-ce pour cela que je ne te vois pas,
tu es là pour me retrouver.
Aujourd’hui, j’ai posé mon front
sur ton désir de moi
et soudain
tout ce qui n’était que des larmes
s’est inscrit en lettres profondes
dans mon âme
sa fin.
C’est une chaîne brisée la larme pour toi,
et à travers ce chainon affaibli
mon souffle te ramène à la vie.
Je t’ai appelé à nouveau,
car ton nom
est écrit dans ma main,
et ma main est l’arc
que j’ai brandi pour me révolter avec toi,
et je sais que de là où tes pas t’ont mené,
tu as vibré.
Je sais que tu t’es arrêté
et que tu as embrassé le sol
libérant l’impuissance de me serrer dans tes bras.
Les coquelicots ont porté à mes lèvres la mesure de ton désir,
sanctifiant mon éveil.
Ton armure s’est détachée
et je sais que seule l’absence de mes larmes
te guérira et te ramènera
là où nous savions tous les deux
que nous serions
après la fin du combat.
Je garderai mes racines jusqu’à la fin,
et quand mon nom t’appellera de l`intérieur de toi
ouvre grand les bras et embrasse-moi,
je serai le premier arbre sur ton chemin !
Lorsque ton cœur me reconnaîtra,
laisse Dieu parler !
Car lorsque Dieu m’a reconnue
c’est là que toi tu es venu au monde !
(Traduction du roumain, Dan Burcea)