La Venise et la Vénétie de Luisa Ballin : Entre amour, art et fantaisie se cachent nos rêves et les mythes qui les traversent

 

 

Venise La Vénétie est une fable de Luisa Ballin est un livre habité, un livre vivant. Il renferme comme dans un écrin « des personnages et des lieux qui témoignent des liens indissociables entre la lagune et la terre ferme, entre la Sérénissime et l’arrière-pays qui sont intimement liés dans leur histoire, leur architecture, leur gastronomie et leur identité », selon son quatrième de couverture.

Ce n’est donc pas par hasard que les Éditions Nevicata lui ont réservé une place d’honneur dans sa très belle collection L’âme des peuples dont la devise en dit long sur son contenu et ses ambitions : pour connaître les peuples, il faut d’abord les comprendre.

Luisa Ballin est une journaliste italo-suisse, ancienne responsable de l’information de l’Union Interparlementaire à Genève. Ayant elle-même des origines vénitiennes, elle réussit à graver en lettres d’or son attachement sans faille et sa fascination devant « cette conspiration de l’enthousiasme » pour reprendre ici les mots de Maupassant dans Bel-Ami qu’elle met en lumière au fil des découvertes auxquelles invitent les pages de son livre. 

Convoquer les grandes personnalités qui ont fait la grandeur architecturale et culturelle de la Cité des doges et offrir à nos regards la hauteur idéale pour atteindre la vision plus large de l’arrière-pays de cette ville majestueuse, nous parler de la Vénétie avec autant d’acuité et d’enchantement pour embrasser la mémoire et l’histoire uniques et éternelles d’un lieu qui ne cesse de se laisser découvrir devant ses yeux attentifs et enchantés, ce sont quelques-uns des points cardinaux tracés sur la carte qu’elle nous propose dans les pages de son ouvrage.

Il suffit de lire son argumentaire résumé ici dans une phrase convaincante : « Revoir la Vénétie, la plus séduisante des régions d’Italie qui offre une palette de richesses exceptionnelles : mer, lacs, fleuves, plages, thermes, montagnes, collines, vallées, parcs, cités d’art, ville venete («villas vénètes»), artisanat et tradition œno-gastronomique d’excellence». 

Cette carte imprégnée de tant de preuves de richesse et de grandeur a ses lieux et ses habitants familiers – architectes, artistes, écrivains, têtes couronnées, styliste de mode, restaurateurs et même des gondoliers – qui tout au long de son histoire ont su lui donner cet inégalable éclat. 

Le grand mérite du livre de Luisa Ballin consiste dans l’art de donner à chaque étape de son voyage une consonnance, un reflet de cette inégalable curiosité qu’elle puise à la fois dans le concret et le réel de cette palette qu’elle évoquait plus haut et dans la mémoire que renferment ces lieux. Rien, mais absolument rien de ce qu’elle décrit ne se soustrait au témoignage humain et au labeur des âges, au temps qui fixe ou érode une fragile et pourtant immortelle aura.

Vous visiterez désormais les villas accompagnés non pas d’un guide touristique sans âme, mais d’un passeport de cœur et d’érudition mis au service de l’histoire de ces lieux. Vous goûterez en connaissance de cause le prosecco de la province de Trévise et vous vous attablerez dans un restaurant comme celui de Arrigo Cipriani, fils de Giuseppe Cipriani, vous entrerez dans une des librairies de la Calle Longa Santa Maria Formosa comme la renommée Acqua Alta, «réputée être l’une des librairies les plus originales au monde», vous visiterez Padoue et son Universita degli studi avec son théâtre anatomique, la Capella degli Scrovegni qui abritent les fresques de Giotto di Bondone, les villas de Vicence ou la villa Foscari, surnommée La Malcontenta et son histoire unique, les cités tout aussi connues de la Vénétie comme Conegliano, Asolo, Cortina et tant d’autres merveilles.

Venise occupe, comme il fallait s’y attendre, une place privilégiée avec son architecture, ses canaux, ses secrets et surtout sa fragilité. « Être Vénitien, c’est faire confiance à l’eau » – nous dit Luisa Ballin, en reprenant une citation d’Hugo Pratt, l’auteur de Colto Maltese. Elle reprend en écho une autre citation, cette fois du réalisateur Stefano Knuchel, pour parachever le portrait métaphorique de Venise : « Venise est aussi un labyrinthe où l’on sait qu’il y a une sortie. Mais qui voudrait sortir de ce labyrinthe captivant de Venise ? »

Beaucoup d’autres surprises attendent les lecteurs de ce magnifique livre : des histoires de lieux, d’hommes et de femmes, de merveilles, de couchers de soleil enchanteurs qui laissent rêveur, ainsi qu’une série d’entretiens que Luisa Ballin a réalisée avec des personnalités des lieux, enseignants et recteurs d’université, styliste de mode ou anthropologues.

Je finirai quant à moi avec cette citation du sociologue Rodolphe Christin qui déplorait dans son Manuel de l’antitourisme le fait que « le tourisme a tué l’esprit du voyage » en parlant entre autre de l’épisode de aqua alta qui survint à Venise en 2019 auquel Luisa Ballin fait elle-même référence. 

Dans Venise La Vénétie est une fable Luisa Ballin réussit justement à contourner ce piège en gardant intacte cette curiosité, cette soif de connaissance, cette précision et ce souci de l’information, le tout s’accompagnant sous sa plume d’érudition et d’une subtile aptitude à rendre aux lieux et à leurs habitants l’intelligence et l’esprit, tout en gardant leur intimité. 

Le livre de Luisa Ballin se parcourt aux rythme paisible pour laisser au regard le plaisir de s’imprégner du mystère des lieux qui ne demandent que d’y revenir pour savourer avec délectation leur beauté et tenter de déchiffrer leurs secrets.

Cela porte un nom qui fit le bonheur de tant de visiteurs – la contemplation, occupation si chère à Chateaubriand, Hugo, Stendhal, Maupassant et tant d’autres contemplatifs dont Luisa Ballin rejoint la célèbre et incontournable liste.    

Dan Burcea

Crédits photo de l’auteure : ©  Ivana Mantese 

Luisa Ballin, Venise – La Vénetie est une fable, Editions Nevicata, nov. 2023, 90 pages.

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