Qui êtes-vous, où êtes-vous né, où habitez-vous ?
Je suis né en 1950. Fils unique, de paysans de peu de terres, je me suis donné la chance de poursuivre des études, puis d’enseigner les Lettres. Comme je n’ai pas accédé à l’enseignement supérieur, je ne me désigne pas « professeur ». Inutile d’ajouter à la confusion générale. J’ai habité cinquante ans à côté de la ville natale du peintre Courbet. Pour mes dernières années, j’ai emménagé dans le Jura. Ces éléments font-ils subodorer au lecteur que je goûte l’exactitude ? Au risque de déplaire j’exècre la paresse intellectuelle dont se regorgent les baudruches.
Vivez-vous du métier d’écrivain ou, sinon, quel métier exercez-vous ?
La vingtaine de volumes que j’ai publiés appartiennent pour moitié à la poésie. Tous se sont vendus, sans que je puisse prétendre en vivre. Je suis retraité.
Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?
La passion de la lecture m’est venue très tôt. J’ai fait corps avec le héros de Sans Famille, puis d’autres enfants abandonnés. La passion pour la littérature accompagne l’admiration portée aux plus grands auteurs étudiés dès le collège. J’ai découvert à treize ans que je pouvais écrire un sonnet ou autre sans difficulté. Le mouvement était donné. Le travail a suivi de bon gré.
Quel auteur/livre vous ont marqué le plus dans la vie ?
Essais de Montaigne, Fables de La Fontaine, Les Confessions de Rousseau, Journal de Jules Renard, Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar. Je dois relire Proust.
Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?
La poésie m’était familière. Le peu que j’ai publié est épuisé depuis vingt ans. Des poèmes figurent sur mon site. Je pratique moins le roman. L’âge venu, l’essai ou plutôt la réflexion me passionne. Rien n’est moins simple qu’essayer de comprendre le sens d’une existence. Tout frais : « Le moyen de porter la profondeur à la surface s’appelle la clarté. »
Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?
Une œuvre un peu sérieuse est le résultat d’un long travail. La personne importe peu. Le Je s’éloigne de moi. Malraux vomissait « le misérable petit tas de secrets ». Il faisait pourtant grand cas de son admiration pour Mao. Cette erreur aussi personnelle qu’historique n’écorne-t-elle pas son piédestal ?
D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’un prenne vie comme œuvre de fiction ?
Rien ne vaut l’expérience, fruit du vécu, à mes yeux. Mais l’étude en soi est aussi très enrichissante. Ainsi un Courbet proposé à mon éditrice m’a coûté un an, Le Modèle oublié en 2019. Un bref roman personnel à paraître a occupé plusieurs milliers d’heures de travail, je crois, sur des années. Le propre de la littérature est d’offrir la meilleure compréhension possible dans une langue portée à la perfection.
Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?
Le titre fixe un horizon, mais les « grands éditeurs » devant des auteurs confidentiels retravaillent souvent le titre.
Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?
Ils encombrent peu mon souvenir ; leur vie ne dépend guère de mes suites. La question de leur invention demeure assez mystérieuse. [Il faudrait que réfléchisse à partir d’un volume de nouvelles inédit pour le moment].
Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.
Le Modèle oublié a vécu sa vie en librairie, sauf exceptions. Il reste aimé d’un public curieux et intéressé.
Les projets : Accompagner mon roman d’apprentissage, Le Soleil des autres, autant que je le pourrai.
Un recueil de nouvelles, brèves et longues en alternance, La Fin du monde peut attendre, prend le lecteur de notre temps à rebrousse-poil. Le consensus actuel fermente pire qu’un compost. On verra.
Reprendre enfin les poèmes en partie corrigés de La Vie crépusculaire, des Jours de pleine terre — en constituer un volume définitif augmenté peut-être d’un segment inédit, Vendanges tardives. Ce dernier point n’est pas arrêté.
Mettre en forme un volume, Grandeurs indivises, constitués d’essais [Écrire, que vous avez repris sur Lettres Capitales, le Mal, la Culture, la Colonne Vendôme, etc.] et de notes de lecture [Saint-Simon, Hugo, Mallarmé, Cluny, Pérol, Réda, etc.] en un tome ou deux si nécessaire.
Trouver un fil conducteur à mes notes [plus de 720 000 caractères à ce jour depuis 2015], sachant que je dois en éliminer au moins la moitié.
Proposer un ensemble de textes-poèmes pour une heure et demie de lecture sur scène, d’abord en Haute-Marne puis, si le public y trouve son compte, à Paris.
Né en 1950, Pierre Perrin a publié, parmi une vingtaine d’ouvrages, Manque à vivre, en 1985, La Vie crépusculaire, prix Kowalski de Lyon, 1996, Le Cri retenu, Cherche Midi, 2001, Le Modèle oublié, Robert Laffont, 2019. On peut consulter son site ainsi que la revue mensuelle, Possibles, qu’il héberge : http://perrin.chassagne.free.fr