Interview. Vali Irina Ciobanu : La peinture ne se fait pas seulement avec le pinceau et les couleurs, mais surtout avec l’esprit

 

 

Vali Irina Ciobanu, bienvenue à nouveau dans les pages de Lettres Capitales, dont les lecteurs sont impatients d’avoir de vos nouvelles concernant votre activité artistique. Que pouvez-vous nous dire sur votre dernière exposition à la Galerie des Arts qui a eu lieu en février dernier ? Qui a pris l’initiative de cette exposition, qui l’a accueillie et quelle ampleur avez-vous voulu lui donner ?

Merci de m’avoir invitée à parler une fois de plus de mon art dans les pages de votre revue, c’est un honneur ! L’invitation pour cette nouvelle exposition est venue de la part du Cercle militaire national de Bucarest, qui a accueilli ma grande exposition à la Galerie des arts de son Palais situé au centre de Bucarest. J’ai accepté avec grand plaisir, car c’était une très bonne occasion pour moi de montrer au public de la Capitale roumaine non seulement mes œuvres les plus récentes (il y a beaucoup de touristes du monde entier à Bucarest qui visitent cette galerie en raison de sa position ultra-centrale), mais aussi quelques œuvres plus anciennes réalisées à l’aide de ma technique spéciale sur le cuir. L’exposition a été inaugurée le 14 février par la critique d’art Luiza Barcan et l’artiste peintre Valentin Tănase en présence de plus de 100 amateurs d’art.

Le titre de cette exposition, Împletind vise [Rêves entremêlés], est très suggestif. Au-delà de sa sémantique secrète, qu’avez-vous voulu transmettre à travers ce syntagme ? Comment comprendre votre affirmation « dans les rêves, je trouve des solutions aux problèmes artistiques ».

La peinture ne se fait pas seulement avec le pinceau et les couleurs, mais surtout avec l’esprit. Dans votre esprit, vous essayez des compositions, des arrangements chromatiques, des variations successives, vous imbriquez des images, vous les complétez, vous les retravaillez et vous les soumettez à la distorsion pour tenter de transmettre le plus fidèlement possible le sentiment que vous voulez faire ressentir à la personne qui les regarde. L’esprit est parfois fatigué pendant la journée, alors pendant le sommeil, après que mon cerveau s’est reposé, les choses me semblent plus claires. La plupart du temps, le matin, je sais clairement comment résoudre les problèmes qui se sont posés au cours de la journée passée devant le chevalet.

Le nombre de 75 peintures est impressionnant. Est-ce que je me trompe ou est-ce que c’est la plus grande exposition que vous ayez organisée jusqu’à présent ?

C’est l’une des plus grandes expositions personnelles, oui. J’ai fait une rétrospective en 2022 au Palais de l’ASE à Bucarest, qui comprenait plus de 130 œuvres, mais elles provenaient de toutes les étapes de ma création, y compris de l’âge de 15 ans. Cette fois-ci, j’avais 75 œuvres récentes et très récentes. Je pourrais donc dire que c’est la plus grande, oui.

Quelles sont les collections présentées dans l’exposition ? Selon quels critères les avez-vous choisies ?

L’exposition Împletind vise [Rêves entremêlés] contenait, comme je le disais à l’instant, des œuvres récentes, c’était le critère. J’ai essayé de montrer mes toutes dernières créations. Mais je les ai aussi sélectionnées en fonction de leur couleur et de leur thème, de manière à ce que leur ensemble soit fluide. J’avais des œuvres de la série « La Serenissima » que j’avais réalisée il y a deux ans spécialement pour une exposition à Venise, en Italie, quelques œuvres de la collection « Stollen Kisses », que j’ai également exposée l’année dernière au Musée du Petit Paris à Bucarest, des œuvres réalisées en 2023 dans le camp créatif de Balchik, des œuvres peintes en plein air à Bucarest ou dans les environs avec mes amis Maria Jarda et Vitalie Butescu au cours de ces deux dernières années, une partie de la collection « Wings in Paradise » réalisée l’année dernière spécialement pour l’exposition au Centre culturel Mihai Eminescu, deux œuvres réalisées sur du cuir et ma toute nouvelle collection « The Mirror of Water ». 

Pourriez-vous nous parler de votre dernière collection « The Mirror of Water ». Qu’avez-vous voulu transmettre ?

J’ai passé beaucoup de temps à étudier les reflets, les distorsions et à expérimenter des effets d’aquarelle pour mettre en valeur la transparence et les traits, les sourires enjoués et les regards brillants. À travers ces œuvres, j’ai essayé d’offrir une perspective différente sur la façon dont nous nous voyons reflétés et d’explorer des idées liées à la perception de soi et à l’identité. Plusieurs idées et concepts philosophiques peuvent être associés à l’eau, au reflet dans l’eau, à la distorsion de l’image et au dédoublement. Ainsi, l’eau peut être associée à l’idée de dualité et de double, car lorsque nous regardons une image reflétée dans l’eau, nous voyons un double de l’objet réel. Ce double peut être interprété comme la représentation d’une réalité parallèle ou d’un monde alternatif (une cliente, mère d’une de mes modèles, m’a dit que dans le reflet elle retrouvait son visage de jeunesse, bien que le portrait soit celui de sa fille, la déformation faisait qu’elle lui ressemblait parfaitement).

La réflexion dans l’eau peut créer l’illusion d’une image déformée ou déformante de l’objet réel. Cela peut être associé à l’idée que ce que nous voyons ne reflète pas toujours la réalité telle qu’elle est, mais peut être déformé par des facteurs tels que notre perspective, nos émotions ou nos perceptions. On peut développer beaucoup cette idée, mais je laisse le spectateur regarder mon art, pas philosopher sur le sujet.

L’eau peut symboliser aussi la purification, la régénération et l’adaptabilité, mais aussi l’exploration du subconscient et des émotions cachées. Elle peut être utilisée pour symboliser la réflexion et l’introspection. Tous les portraits de cette série sont ceux de mes étudiants ou de mes amis. Des modèles que je connais depuis longtemps, avec leurs problèmes et leurs luttes intérieures. J’ai peint de nombreuses surfaces d’eau lisses et des miroirs pour suggérer l’idée d’autoréflexion et de recherche intérieure, ainsi que la profondeur intérieure du modèle. Je suis une grande amoureuse de la philosophie et c’est une expérience merveilleuse que de pouvoir partager ces idées et explorer ces thèmes à travers mon art.

Qu’en est-il de ceux qui illustrent « Les ciels et les fleurs de Balchik » ?

Le séjour artistique organisé par le centre culturel Mihai Eminescu l’année dernière pendant les Journées de la culture roumaine à Balchik a été une très belle expérience pour moi. J’ai peint des tableaux de fleurs à grande échelle dans le jardin de la Reine Marie, dans lesquels j’ai essayé de capturer l’énergie spécifique des Balkans. La lumière y est particulière, elle semble plus chaude, le calme du jardin (nous étions logés dans le jardin du château et avant et après le départ des visiteurs, le jardin restait à notre disposition) et la mer à mille reflets – tout cela m’a inspiré une série d’œuvres très belles, fraîches, colorées et sensibles.

Quel succès a eu l’exposition de cette année ? 

Ce fut un succès inattendu pour moi. Beaucoup de gens ont visité l’exposition parce que la galerie d’art, comme je vous l’ai dit, est située de manière ultra-centrale et a habitué les visiteurs, au cours des 30 dernières années, à entrer et à admirer les créations des artistes visuels invités à exposer ici. Nous avons également eu la chance d’avoir un temps chaud inattendu, ce qui a considérablement augmenté le nombre de visiteurs qui ont laissé beaucoup de bonnes impressions sur mon exposition dans le journal mis à leur disposition dans la salle.

Quels sont vos meilleurs souvenirs (je suppose qu’il y en a beaucoup) de la rencontre avec le public qui est venu visiter cette exposition ?

C’est la première fois de ma vie que je passe 17 jours à la galerie, 8 heures par jour. Au départ, je pensais que je m’ennuierais, c’est pourquoi j’ai pris mon chevalet et mes tubes de couleurs et j’ai commencé à peindre. Mais je me trompais. C’était une expérience magnifique. Les réactions des gens à mes tableaux ont été aussi belles et flatteuses que possible. Des enfants qui s’exclament « comme c’est beau ! », des dames qui pleuraient d’émotion parce qu’elles étaient émues par des fleurs ou des ciels, des messieurs qui me serraient la main avec révérence, des collègues qui admiraient ma créativité et ma technique… tout cela a fait que ces 17 jours sont passés en un clin d’œil, laissant derrière eux 26 pages d’impressions et d’éloges sur l’exposition, ce qui m’a rendue très heureuse !

Votre rêve d’exposer à Paris est-il toujours aussi fort ? Êtes-vous optimiste ?

J’espère vraiment exposer à Paris dès que possible, j’ai même fait un projet avec un ami et je l’ai soumis à l’ICR, nous espérons qu’il sera approuvé et que nous pourrons apporter une collection merveilleuse que le public français appréciera.

Propos recueillis et traduits du roumain par Dan Burcea

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