Coralie Akiyama : Poèmes choisis du recueil Femme, si j’étais

 

 

I Genèse d’un malentendu

Des fois quand je ne suis plus une femme je suis un animal même pas mythologique une

fourmi ou un petit quelque chose j’aurais bien envie d’être jolie mais la féminité c’est très

compliqué ça ne se marie pas très bien avec mon cafard.

II Complications corporelles

Notre corps était attirant et nous ne le savions pas une bague de verre comme d’une parole s’incurvait un dialogue bleu clair de nos trouvailles adolescentes le corps quand ça danse mal comme il était vrai tout enfiévré de maladresses je voudrais revenir à ce faux pas

III Le poète qui n’écrivait pas de poésie et autres créations

Il m’a dit de surtout ne jamais dire aux gens qu’il écrivait de la poésie surtout pas de la poésie contemporaine c’est pire et ça fait fuir les gens de juste dire de quoi ça parle sans rien dire d’autre alors je fais très attention et je ne te nomme pas poésie mais ne crois pas que je suis fâchée avec toi ou que je t’ignore je lui ai dit d’accord mais ce n’est qu’un malentendu reviens moi scénique ou alluviale comme tu cieux et je crierai qui tu es.

IV Ce qu’il faut mettre dans une œuvre

Tu as vu une dépression dans mes toiles abstraites si elles avaient parlé elles t’auraient raconté à quel point tu étais nu mais voilà elles n’avaient pas droit de réponse alors elles se sont laissées voir interpréter mentir tu as dit la vie est belle d’une beauté qui exigeait une approbation et les peintures ne savent toujours pas quoi te dire

V J’étais vivante ensemble on dirait que le temps n’arrive plus à fuir

23.

Nous passions sous une arche en pierre les portes d’un bleu noble et éclatant les figuiers dépassaient des jardins mes yeux mûrissaient amers ces fruits qui s’alourdiraient sans nous j’en voulais à chaque pépin de survivre à notre absence les figues mûriront bientôt moi je me taisais affligée exclue de bientôt toi tu pensais simplement aux figues

VI vue panoramique sur l’animosité

Il faut aimer tout le monde même les affreux sinon c’est dangereux ils se transforment en méchantes fées de familles en peuples invitons-nous ne nous tribalisons pas la vie cette fête-là prenons son pouls avant qu’elle ne s’opacifie appelons les rancœurs de sous le tapis sors de là toi haï toi sous le paillasson avec ta peine tout à divulguer.

VII Des lieux qui ne nous adopteront pas

33.

J’ai surpris un paysage pour moi il est resté c’est ma part de château au tableau l’enfance vient à manquer même l’eau la toucher la rêver en attendant l’envie l’on s’invente des soifs on se console à contempler des orgueils des étés on respire des rendez-vous pour oublier que l’on attend écoute la source est en retard

Il fait trop noir pour se souvenir ma ville ne m’a pas reconnue où que je sois mes pas précédés de cette omni-absence possessive mélodie ou le mirage d’aimer ou la soif aboutie.

VIII Libre, vraiment

38.

J’ai lâché ta main ta griffe à la manœuvre moi qui n’étais même pas capable de liberté tant de mensonges à démurer après l’hôpital l’inextinguible internement dans les draps verts du monde ses complices ses cachets après moi si j’étais quelqu’un contre qui s’est aiguisé le givre

Je garde en moi un souvenir qui n’aura jamais lieu de nos deux destins idiots aurait éclôt un extragavant chemin l’amour était possible et moi seule le savait

IX lune nuit crocs forêt

43.

Je me croyais civilisée moi et ma bouche teintée d’un goût imposteur au paysage aride pour toi je peux mourir et tuer de ce suc initial pressé sous plafond vert menthe ravale mes crocs larvés sa mère c’est moi

X Possible m’attends-tu ceci pourrait être un épilogue

L’aspérité ne laisse aucun répit et ma chère raison me dit tu n’as qu’à voguer tiède le sens de l’eau ne fera plus conflit d’un train mauvais douce nuit d’une critique qui me fit naître à des vents amarrés de grands rêves homériques à des voiles pliées ivre, ivre trajet

Coralie Akiyama, Femme, si j’étais, illustrations de Jacques Cauda, Éditions Pourquoi viens-tu si tard, 2024

Diplômée de Science-po Lyon, Coralie Akiyama (1984) a vécu à Tokyo pendant 13 ans et partage désormais sa vie entre Paris et Tokyo. Elle est l’auteure de romans : Féérie pour de vraiDévorée, de recueils de poésie: Désordre avec vueVivante-moi, Shoshana, Éternelle Yuki et d’une pièce de théâtre, L’Étape ZéroFemme, si j’étais est son dernier recueil.

Bibliographie

Romans :

  • Féérie pour de vrai, Les éditions Moires, 2019 (ISBN: 979-10-91998-42-0)
  • Dévorée, Vibration Éditions, 2021 (ISBN: 9782490091423)
  • Lèvres bleu ciel (à paraître en 2025)

Recueils de poésie :

  • Désordre avec vue, suivi de Sidérations, Éditions Douro, 2021 (ISBN: 978-2-38406-002-3)
  • Vivante-moi, suivi de Toute fraîche agonie, Tarmac éditions, 2022 (ISBN : 979-10-96556-40-3)
  • Shoshana, Éditions Douro, 2023 (ISBN : 978-2-38406-223-2)
  • Éternelle Yuki, Éditions du Cygne, 2024 (ISBN : 978-2-84924-770-9)
  • Femme, si j’étais, PVST, 2024 (ISBN 978-2-38310-050-8)

Pièce de théâtre :

  • L’Étape Zéro, Éditions ExAequo, 2023 (ISBN : 9791038805668)

Anthologies :

  • Dirai-je oui, Revue Terre à ciel, anthologie sur le thème « Dire oui » initié par Florence Saint-Roch, 2020

Revues :

  • Femme, si j’étais, Extraits parus dans la Revue Décharge numéro 187, 2020
  • L’Oreille voit, Éditions du Cygne, Numéro 3, 2024

 

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