Les Éditions Komorebi publient deux beaux livres sur le pays du soleil levant. Le premier, Un Guide Particulier du Japon, est paru en décembre 2024, le second, Ryokan – Les nouveaux visages de l’hospitalité japonaise, en août 2025. Richement illustrés, accompagnés d’amples explications et adresses, de coups de cœur et de témoignages, ces livres sont plus que des invitations au voyage, ils sont des manuels précieux où l’on peut puiser de nombreuses informations sur les secrets de la civilisation japonaise et ses liens avec le monde contemporain. Derrière tout ce travail se cache une équipe qui compte à sa tête un nom, une passion et des compétences incontestables. Il s’agit d’Alexandra Caulea, autrice, éditrice et photographe franco-roumaine avec qui nous avons le plaisir de nous entretenir.

De Sciences Po au passionnant mais difficile travail d’éditrice, de Roumanie en France et de la France à la passion pour le Japon, votre parcours a plus d’une raison d’impressionner. Quel est votre secret et quelle motivation vous anime pour endosser autant de casquettes ?
Depuis longtemps, ce qui m’anime, c’est l’envie de raconter les choses qui m’ont inspirée, et de partager les belles histoires qu’on m’a confiées. Cela peut paraître simple, mais c’est vraiment le fil qui relie toutes mes expériences : écrire, photographier, et même les projets de communication et de marque que j’ai développés dans mon parcours en entreprise. J’ai effectivement grandi entre plusieurs cultures comme vous l’avez deviné à la consonance commune de nos patronymes, ce qui n’a pas toujours été facile ! Mais je pense que c’est cela qui a développé ma curiosité parfois presque indisciplinée, mon envie d’entrouvrir des portes closes pour apercevoir ce qu’il se passe de l’autre côté, et le plaisir que je prends à aller à la rencontre de nouvelles personnes.
Comment avez-vous connu le Japon et comment avez-vous fait évoluer cette curiosité en un amour inconditionnel ? Comment tombe-t-on amoureux d’un pays ?
Mon premier contact avec le Japon est difficile à dater ! Ayant grandi dans les années 1990, j’ai naturellement été exposée à la pop culture japonaise tissée dans le quotidien des Français, qui l’avaient accueillie à bras ouverts la décennie précédente. Cette porte d’entrée par des productions culturelles “accessibles” m’a conduite vers d’autres domaines plus pointus, tels que la gastronomie, la musique, puis l’architecture et le design. Un moment décisif a toutefois été mon premier voyage au Japon en 2012. J’y ai retrouvé cette sensibilité si particulière et cela m’a beaucoup touchée. Je me suis empressée de chercher un stage pour y retourner au plus vite. Pendant plusieurs mois, j’ai alors eu l’opportunité de rédiger des contenus en tant que photo-journaliste bénévole pour une plate-forme de tourisme, ce qui m’a permis de voyager à travers plusieurs régions. C’est là que j’ai rencontré les personnes qui m’ont convaincue de revenir, année après année. Ce qui m’a le plus marquée dans cette expérience, ce sont les artisans, les hôteliers, les habitants croisés au détour d’une rue, certains qui sont devenus de véritables amis. Je ne dirais pas que je suis “tombée amoureuse” du Japon. On ne tombe pas amoureux d’un pays dans son ensemble, cela reviendrait à l’essentialiser ! Ce qui crée un lien aussi fort, ce sont les moments partagés. Ce n’est pas une simple histoire d’amour, c’est plutôt de merveilleuses histoires d’amitié.
Cette passion vous a même conduit à la fondation en 2024 de la maison d’édition Komorebi. Que signifie ce nom ? Quelle est son histoire ?

Les Éditions Komorebi sont nées d’une envie de célébrer les belles personnes et les beaux lieux du Japon. Il était impensable pour moi de parler en mon nom, et de présenter une vérité absolue sur une culture aussi multiple. À l’inverse, je souhaitais créer un univers porteur des différentes voix qui font le Japon contemporain, qui serve d’écrin aux histoires que les locaux souhaitent raconter eux-mêmes.
J’avais surtout envie d’inviter les lecteurs à prendre le temps de s’intéresser à cette culture au-delà de sa surface. Le mot komorebi désigne en japonais la lumière qui filtre à travers les feuilles des arbres. C’est une image qui suggère la contemplation : s’arrêter un instant, prendre le temps d’observer ce qui nous entoure, une invitation à un voyage plus lent et sincère. C’est exactement l’esprit que je souhaite donner à la maison : ralentir, regarder autrement. Proposer des livres qui révèlent ce qui échappe au premier regard.
Notre logo reprend d’ailleurs un symbole passionnant, le wakagi (若木), jeune arbre gravé sur la pièce de 1 Yen. C’est un symbole qui a été trouvé par le graphiste Akira Nemoto : bien qu’il s’agisse de la pièce la plus commune au Japon, et par extension l’un des arbres que les Japonais voient le plus au quotidien, beaucoup ignorent son histoire ! Il s’agit d’un arbre fictif proposé comme symbole par un citoyen, qui incarne l’idée de croissance, de potentiel, et d’espoir pour l’avenir. J’ai tout de suite adoré cette idée lorsque Akira me l’a proposée : cette image fait parfaitement écho à notre mission de valoriser les détails parfois invisibles, d’amplifier des voix et histoires que l’on entend moins.
À la lumière de ce que vous venez d’évoquer, comment qualifieriez-vous vos livres ? En aucun cas comme de simples guides touristiques, au contraire, comme des portes d’entrée vers un monde rempli de mystères, je dirais. En quoi sont-ils différents d’autres livres ?

J’ai souhaité penser nos livres comme des guides touristiques parce qu’ils ont une dimension universelle. Leur vocation est de donner les clés pour accéder à des expériences extraordinaires. Tout ce qui est mentionné dans les livres peut être aisément réservé, et vécu. Mais je voulais que ces recommandations soient beaucoup plus intimes et narratives qu’un guide classique, souvent plus verbeux sur les informations pratiques, et cartographié au millimètre. Je propose ici une sélection plus personnelle. Il s’agit d’une invitation au voyage, mêlant récit, regard d’auteur, et des photographies originales. Pour simplifier, je présente souvent Un Guide Particulier du Japon comme un ouvrage entre le guide de voyage et le magazine. Il met en lumière des initiatives locales, des artistes, des expériences culturelles, tout autant que des adresses.
Dans la Préface du livre Un Guide Particulier du Japon, j’ai noté surtout deux syntagmes qui invitent à célébrer l’exceptionnel et à saisir l’inoubliable, alors que dans celle de Ryokan – Les nouveaux visages de l’hospitalité japonaise il est surtout question d’un échange subtil entre un lieu et une culture. Que pouvez-vous nous dire de l’esprit qui a guidé dans les deux cas votre démarche d’écriture ? Y a-t-il des approches différentes, des antinomies, voire de contradictions ou, au contraire tout se dessine dans une unité géographique et culturelle ?
C’est intéressant que vous ayez relevé ces deux citations, car elles ont servi de fil directeur aux ouvrages ! Pour Un Guide Particulier du Japon, il s’agissait de célébrer l’exceptionnel dans l’ordinaire. Voyager, c’est porter un regard neuf sur ce qui, pour les habitants, devient invisible à force d’habitude. Un simple geste, une odeur, une atmosphère peuvent marquer l’esprit et rester gravés dans la mémoire du visiteur. Un seul détail est suffisant pour avoir envie de revenir, encore et encore. Le mot exceptionnel a aussi un second sens. Le voyage, c’est l’occasion de s’autoriser des choses extraordinaires, qu’on ne ferait pas dans notre quotidien : manger au restaurant chaque jour, réserver une belle chambre d’hôtel, ou même se dépasser sur une randonnée un peu difficile là où on serait habituellement plus casanier. Les vacances sont un moment où l’on s’autorise à faire plus, et j’ai voulu que le livre facilite cela en allant chercher les plus belles expériences.
Pour Ryokan, l’approche est différente. J’ai voulu insister sur l’échange subtil entre un lieu et une culture, pour montrer que les auberges traditionnelles japonaises ne sont pas des reliques immuables, mais des structures vivantes, perméables aux évolutions de la société. Elles maintiennent certaines traditions, parfois jusqu’à alimenter des attentes figées de la part des visiteurs, mais elles absorbent aussi des influences modernes, qui leur donnent une nouvelle vitalité. C’est précisément ce qui m’intéressait : voir comment ces établissements reflètent à la fois la continuité patrimoniale et les transformations sociales du pays. Le ryokan est un miroir : il façonne la culture autant qu’il en est façonné.
Une autre dimension traverse ces deux ouvrages : il s’agit de la dimension temporelle. Faisons référence cette fois à Ryokan – Les nouveaux visages de l’hospitalité japonaise qui nous propose une expérience irréelle de voyager hors du temps. Comment décrire ce concept si particulier du Ryokan ? Quelles sont ses règles, son histoire et ses défis pour notre époque ?
Le concept de ryokan est fascinant ! Bien qu’il s’accompagne d’un imaginaire extrêmement riche, sa définition en elle-même reste étonnamment floue. Il n’existe pas de cahier des charges officiel pour ces auberges, et même les chercheurs ne s’accordent pas : certains estiment que la présence de bains thermaux est nécessaire, d’autres insistent sur l’héritage des lieux à travers l’architecture, la gastronomie, ou la transmission familiale. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’en parler avec Yumi Yamaguchi, autrice, journaliste, et petite-fille du fondateur du célèbre Fujiya Hotel à Hakone. Elle souligne à quel point ce concept a évolué à travers l’histoire, et les nombreuses inspirations dans lesquelles il a puisé. Pour elle, le fil directeur derrière les différents ryokan, c’est une forme d’hospitalité toute particulière, appelée l’omotenashi. Elle a une manière très personnelle de la définir, c’est pourquoi j’ai souhaité lui confier l’introduction de l’ouvrage pour qu’elle puisse présenter son analyse avec ses propres mots. Je ne vous en dis pas plus pour que vous puissiez la découvrir à votre tour !
Aujourd’hui, les défis sont nombreux. D’abord le vieillissement des propriétaires et les difficultés de succession, qui menacent directement la pérennité de nombreuses maisons. On le lit dans les chiffres : après un pic de 83 226 établissements en 1980, le nombre de ryokan a chuté à 38 662 en 2018, dernière date de leur recensement comme “catégorie à part” par le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires Sociales. Ensuite, la transformation des usages : la baisse du tourisme domestique, les attentes différentes des visiteurs internationaux, pour lesquels il faut savoir s’adapter. À cela s’ajoutent des questions de société, comme la redéfinition des rôles, tel que l’a souligné Rie Yoshii, une ancienne okami qui reprit ses études en tourisme à l’université de Kyoto. Elle s’interroge quant à elle sur la pertinence de ce rôle genré dans le monde actuel.
Mais on peut voir ces obstacles comme un vrai levier de création. Ils ont suscité un nouvel élan chez certains aubergistes. Une bâtisse en ruine pourrait être complètement restaurée et repensée avec des matériaux modernes. L’impossibilité d’assurer des repas en demi-pension, en raison de la hausse des coûts d’exploitation, ouvre la voie à des collaborations avec des chefs ou des restaurants locaux. Nous vivons une période de réinvention très inspirante. Yumi Yamaguchi parle dans son article de la “seconde vague” des ryokan modernes, qui s’étaient alors ouverts au monde après la bulle économique. Peut-être qu’on pourrait alors dire qu’on entre désormais dans une “troisième vague”, celles des ryokan qui mettent au défi leur propre définition avec audace, et qui proposent une hospitalité déconstruite.
Qui sont vos collaborateurs et dans quel esprit travaillez-vous ? Comment s’organise l’immense travail, je suppose, de documentation, de prises de vues, de rédaction des textes et jusqu’à la publication du livre ?
Tout part évidemment d’une idée, et d’une grande curiosité. L’ouvrage sur les ryokan en est une bonne illustration. Mon intention était d’apporter un regard renouvelé sur ce concept, fascinée à la fois par l’héritage des maisons séculaires et par la vitalité de cette nouvelle génération d’auberges en pleine émergence. J’ai voulu en révéler les nuances, mais aussi la diversité des personnes qui leur donnent vie. La première étape est toujours la recherche. Je lis beaucoup, mais ce qui me passionne le plus, ce sont les travaux universitaires. Les sites de publication de thèses sont un véritable laboratoire d’idées, où se déploient des hypothèses passionnantes sur la société contemporaine. C’est là que j’ai notamment découvert la thèse de Rie Yoshii. Son travail m’a énormément inspirée, et j’ai eu l’honneur de lui dédier une partie du prologue du livre, à la suite de l’introduction de Yumi Yamaguchi. J’aime que ces voix expertes nous confient leur regard, et de la même façon je cherche à faire intervenir les propriétaires des lieux que je mets en avant, pour qu’ils puissent partager eux-mêmes leur vision. Ce sont eux, mes principaux collaborateurs. Ensuite, il y a tout ce qui touche aux adresses, qui est une autre partie essentielle de mon travail. Pour rester à jour, je consulte la presse spécialisée, je suis l’activité de mes contacts sur les réseaux sociaux, mais je passe aussi beaucoup de temps à explorer les applications d’itinéraires, à observer les commerces qui ouvrent, à lire les avis des visiteurs. Je souffre d’une véritable collectionnite : mes cartes croulent sous les épingles au point qu’on peine parfois à distinguer les rues elles-mêmes, ce qui fait souvent rire mes proches.
Enfin, il y a l’organisation, et là aussi je me surprends moi-même : les feuilles de calcul et les tableaux croisés dynamiques sont essentiels ! J’y consigne tout ce qui pique ma curiosité, je filtre par préfecture, type d’établissement, commentaires personnels, et le plus important, je m’appuie sur une seconde feuille pour suivre le statut de mes prises de contact avec les nombreux intervenants. Cela peut paraître rigide, mais il est essentiel pour moi de collaborer de manière fluide avec les hôteliers, les chefs, les créateurs qui sont au cœur des contenus. Le bon suivi des échanges pour faciliter la gestion de leur temps est clé. Lorsque nous planifions une interview, écrite ou orale, j’envoie toujours mes questions à l’avance, ainsi que le format final pour leur laisser un droit de regard. La plus grande partie du travail, finalement, ce n’est pas la rédaction, qui se fait au fur et à mesure, ou la prise de photos, qui est très naturelle une fois sur place. C’est vraiment la préparation et le suivi de mes échanges, et l’établissement d’un itinéraire optimisé.
La publication touche ensuite une tout autre partie du projet, qu’on peut appeler la chaîne de production et distribution. Si cela peut sembler rigide, c’était en réalité un processus passionnant et il a été jalonné de merveilleuses rencontres ! Nous imprimons désormais en Italie, avec Printer Trento, une imprimerie familiale nichée entre le Lac de Garde et les Dolomites. C’est le dernier ouvrage qui nous a motivés à nous rapprocher de ce pays expert en papier et textile, pour sublimer le visuel de couverture imaginé par le graphiste Ren Morita avec de beaux matériaux. J’ai aussi été séduite par leur engagement, notamment par l’usage d’encres végétales. Une fois le livre imprimé arrive la logistique – ici, j’ai également eu un coup de cœur : nous travaillons avec Greenlog, la seule plateforme de logistique verte en France. Ils reçoivent nos livres et les expédient. Même la colle qu’ils utilisent est végétale, ce qui permet un recyclage complet des plis contrairement à ceux utilisant des bandes plastiques, un détail souvent méconnu. De fil en aiguille, grâce à une superbe équipe de collaborateurs, même les aspects les plus complexes ont été une source d’enthousiasme. J’espère que cela pourra inspirer d’autres personnes à se lancer à leur tour.
On ne peut pas continuer notre discussion sans s’arrêter sur la diversité et le choix de vos photos. Paysages, lumières, perspective se forment et se reforment. Qui et comment ont été réalisées ces photos ?
Il s’agit à 95% de mes propres photos, prises au fil de mes voyages au Japon entre 2012 et 2026. Ce que je cherche avant tout, ce sont des instants suspendus, éphémères. Ma technique n’est pas parfaite : je prends mes photos de manière très spontanée, et j’ai un matériel léger qui se glisse dans une petite sacoche pour faciliter les prises intuitives. Pour Un Guide Particulier du Japon, j’ai souhaité adopter une approche cinématographique et faire découvrir un Japon spectaculaire. J’aime jouer avec la lumière, les ombres et la colorimétrie pour suggérer plutôt que montrer, afin de laisser une place à l’imaginaire. L’image devient alors une invitation : chacun peut se l’approprier, y projeter son propre vécu ou ses rêves. J’ai voulu donner un aspect onirique à ce livre.
Pour Ryokan, j’ai voulu essayer une autre méthode. Ici, une grande partie des photos proviennent “directement de la caméra”. Certaines ne sont pas recadrées, on peut y déceler un déséquilibre intentionnel. Pour certaines, la luminosité comme les contrastes n’ont pas été retouchés. J’ai voulu que cet ouvrage soit plus documentaire. Le fait de m’être entourée de chercheurs et de spécialistes, et d’avoir longuement échangé avec des hôtes, m’a incitée à privilégier une approche plus journalistique, fidèle à la réalité des lieux. Mais c’est un exercice facile quand les lieux sont aussi merveilleux ! Je pense qu’il est même difficile de discerner cette différence de traitement d’image, sans l’avoir su au préalable !
Vous publiez cette année, à des dates rapprochées, deux ouvrages impressionnants comme qualité et volume d’informations. Comment avez-vous mené ce chantier si vaste et combien de temps vous a-t-il été nécessaire pour le mener à bon port ?
Je présente souvent le premier ouvrage comme le fruit de presque quinze ans à sillonner ponctuellement l’archipel, en capturant des notes et des images. L’idée d’imprimer un livre n’est apparue qu’il y a deux ans, mais mes premières véritables recherches ont commencé en 2013 lors de mon expérience en photojournalisme. C’était le début d’une longue série de voyages documentés. Les deux livres puisent dans tout cela ! Ils n’ont par ailleurs pas été pensés à la suite ni en opposition, mais en parallèle. De ce fait, il est difficile de vous donner une estimation claire du temps de réalisation, mais il est certain qu’il faut se laisser le temps de faire germer une idée, d’identifier les histoires nécessaires pour l’étoffer, préparer les rencontres qui viendront la nourrir, et bien sûr, se lancer sur la rédaction et la publication. Si vous souhaitez publier un livre, un an de conception me semble être une durée idéale !
On dit que le tourisme de masse a fini par tuer l’envie de la découverte des autres pays. On dit en même temps que la carte du monde est devenue, à cause des nouvelles possibilités de voyager, un territoire où il n’y a plus rien à découvrir. Qu’en est-il, selon vous, du Japon, ce pays si mystérieux et dont la spiritualité, les habitudes et la culture se laissent si difficilement découvrir ?

Je trouve l’angle que vous mentionnez très intéressant. Le Japon traverse lui aussi une crise liée au tourisme de masse. La question est délicate : comment partager sa culture au plus grand nombre sans la standardiser ? Comment responsabiliser les visiteurs aux dérives du sur-tourisme ? C’est un équilibre fragile, qui mériterait un ouvrage à lui seul.
Pour autant, au Japon comme ailleurs, dire qu’il ne reste plus rien à découvrir en raison du tourisme de masse est assez réducteur. Même les lieux que l’on croit connaître se renouvellent d’année en année, grâce à l’énergie de celles et ceux qui les habitent. C’est ce dynamisme qui me fascine. Dans Un Guide Particulier du Japon, nous avons choisi de montrer la façon dont des destinations emblématiques comme Tokyo et Kyoto sont réinventées par des individus créatifs. Nous avons également souhaité aller au-delà de ces destinations, en mettant en avant des lieux hors des circuits habituels de Hokkaido à Okinawa, qui recèlent des savoir-faire et de secrets qui n’attendent qu’à être partagés.
Enfin, je ne pense pas que le Japon soit mystérieux. Les différentes cultures et sous-cultures qu’il abrite savent accueillir celles et ceux qui prennent le temps de s’y intéresser. C’est cette posture que j’invite les lecteurs à adopter : mettre de côté les idées reçues, ralentir, et se mettre à l’écoute des récits des gens qu’ils rencontreront.
Si vous aviez un conseil à donner aux futurs voyageurs au Japon, quel serait-il ? De quel regard doivent-ils s’armer pour mieux comprendre ce monde si différent et pourtant si riche ?
Précisément cela : se détacher de toute idée reçue, de voyager avec une posture d’écoute et d’humilité, au Japon comme ailleurs. La véritable richesse d’une culture, ce sont les personnes qui l’entretiennent – si vous arrivez à établir un dialogue qui a du sens, votre périple n’en sera que plus mémorable.
Propos recueillis par Dan Burcea
© les droits des photos présentes dans cet article appartiennent aux Éditions Komorebi
Alexandra Caulea, Un Guide Particulier du Japon, Éditions Komorebi, 25 février 2025, 320 pages.
Alexandra Caulea, Ryokan: Les nouveaux visages de l’hospitalité, septembre 2025, 360 pages.

