VOLUPTÉ
il y a une volupté de la vie
dont je ne peux me débarrasser
je comprends la souffrance
mais je ne l’aime pas
je la vois comme une errance
la mort
comme un retour à la maison
mais il y a une volupté de la vie
dont je ne peux me débarrasser
sinon
pourquoi la beauté de cette jeune femme me fait-elle mal ?
pourquoi son corps
une sorte de poire
avec une sorte de sablier
me semble invraisemblable
d’une beauté insoutenable
avec une telle mélancolie
avec tant d’infini
MA TABLE À ÉCRIRE
ma table
devient
dans la nuit
un igloo de lumière
je m’y cache
et rien ne peut me toucher
l’écriture
est un fleuve
comme celui d’Héraclite
il vient de loin
et s’en va, s’en va…
je tiens dans la paume de mes mains
de la lumière
une bouche
un œil d’eau
je tente de garder
de mettre sur papier
un dessin
un poisson
une graine
LA GRANDE LAURE
J’ai pris un selfie
à la Grande Laure
un lieu à la frontière du soleil
de l’ineffable
si je faisais un pas de plus il aurait été impossible
où le jour est un chapelet des heures
ce n’est plus possible
on ne peut pas te voir
j’ai pris un selfie
à la Grande Laure
ici où le temps guérit
et ne se perd jamais
Saint Athanase rit
me montre les plans du laboratoire des anges
et la mort de la mort
même elle doit être plainte
même la souffrance doit être aimée
semble-t-il dire
LIVRES DE POÉSIE
Arrêter de publier des livres de poésie épais
ils font peur
ils doivent être fins
comme une lame
d’un sabre de samouraï
pour couper court
d’un seul coup
l’âme
ils doivent durer
une heure maximum
comme un rendez-vous d’amour
à la vie, à la mort
AUTOMNE
l’automne est propice à faire l’amour
avec une femme aux cheveux roux
à la peau blanche
qui annonce la neige
l’automne est propice à la chasse au renard
elle est un renard
est propice aux pleurs et à la danse
comme on espère s’éteindre
comme une flamme
mais tu ne bouges pas
ta femme ne te comprend pas non plus
elle qui serait morte pour toi
elle te regarde étrangement
avec une sorte d’oeil de verre
qui transperce
il est trop tôt pour mourir
il est trop tard pour partir
peut-être que la femme aux cheveux roux
puisse prolonger tes pensées
sur le chemin du retour, elle
éparpille des feuilles hétéroclites
elle bruisse et gratte
le brun fredonne cyniquement des nuances de rouge
ici et là un or saturé de solitude
délavé comme une mosaïque de Klimt
sur l’asphalte
dans la tête un violoncelle
gémit lucidement
non
ne te trompe pas, mon ami,
l’automne ne se déshabille jamais volontairement
Laurențiu-Ciprian Tudor, né en 1973 à Brasov, est poète, essayiste, journaliste culturel, sociologue, formateur et pédagogue. Il est membre de la section de Brasov de l’Union des écrivains roumains depuis 2014. Il a fait ses débuts dans l’édition et la rédaction en 2003. Il a écrit jusqu’à présent huit recueils de poésie. Il est l’auteur de trois livres de dialogue (avec Daniel Drăgan, Teodor Baconschi et Liliana Ursu) et d’un livre d’entretiens (avec 22 écrivains). Il est présent dans des anthologies et a bénéficié de nombreuses contributions dans des magazines culturels roumains (entretiens, poésie, critiques littéraires). Depuis 2017, il est secrétaire de rédaction du magazine littéraire « Libris » de Brasov. En 2015, il a reçu, de la part de la section de Brasov de l’Union des écrivains roumains, le « Diplôme d’excellence pour l’événement littéraire de l’année 2015 » (pour avoir organisé la première édition des Rencontres de poésie BRAȘOAVE), et en 2017 et 2019, il a reçu le prix du LIVRE DE L’ANNÉE de la section de Brasov de l’Union des écrivains roumains, pour le volume « Licantropia poftei – poemele vârstei de mijloc » [Lycanthropie de la faim – poèmes de l’âge mûr ], respectivement pour « Jurnal de cuplu » [Journal d’un couple ]. Laurențiu-Ciprian Tudor est également connu en tant que promoteur culturel, et depuis 2007, il organise des lancements de livres et d’autres événements culturels presque tous les mois (seul ou en groupe). Depuis fin 2022, il est membre fondateur de l’association culturelle et du magazine en ligne « Epitet » [Epithète]
(Traduction du roumain, Dan Burcea)