Cet entretien n’avait pas vocation à relayer le scandale qui déferle en ce moment sur le monde du cinéma sur la Côte ouest des Etats-Unis. Après dix mois d’enquête, la police de Los Angeles, le FBI et le DEA ont mis en évidence les agissements criminels d’un réseau responsable entre autres de la vente illicite d’une importante quantité de kétamine à Matthew Perry ayant conduit à la mort par overdose de l’acteur.
Notre attention s’était tournée à la publication en juin dernier par la Maison Hachette Pratique de Friends Forever, Que sont-ils devenus, un livre coécrit par Anaïs Maquiné Denecker et Hervé Tropéa sur la légendaire série américaine. Les six chapitres de l’ouvrage sont de courtes biographies de Matthew Perry, Courteney Cox, Matt Le Blanc, Jennifer Aniston, David Schwimmer et Lise Kudrow les six protagonistes de la série.
Après avoir dédié un entretien à son précèdent livre consacré à Aniston[1], Lettres Capitales recueille le témoignage sous forme de regard croisé entre Anaïs Maquiné-Denecker et Hervé Tropéa autour de leur livre Friends Forever, Que sont-ils devenus.
Après le livre dédié à Jennifer Aniston, vous élargissez votre regard en cosignant avec Hervé Tropéa ce nouvel ouvrage. D’où vient le besoin d’une vue plus ample, dédiée cette fois à tous les six protagonistes de la série ?
Anaïs Maquiné-Denecker : Au cours de mon enquête pour la biographie de Jennifer Aniston, j’ai découvert de nombreuses informations plus larges sur la genèse de la série Friends et les relations entre les acteurs. Si Jennifer Aniston est celle qui a le mieux réussi à rester dans la lumière, le destin de ses cinq costars de la série sont très intéressants également. Lisa Kudrow et Matt Leblanc ont accepté de se laisser enfermer dans leurs personnages de Pheobe et Joey pour continuer à travailler, quand David Schwimmer, lui a tout fait pour se défaire de Ross. L’amitié indéfectible de Courtney Cox et Jennifer Aniston est sans doute due au fait qu’elles ont des histoires extrêmement similaires.
Vous êtes écrivain, journaliste et ancien chroniqueur de télévision. Vous êtes le co-auteur de plusieurs livres sur la vie des stars telles que Céline Dion, Angélina Jolie et Brad Pitt, Dr. House, etc. Dans quelle mesure l’histoire de la série Friends et de ses acteurs vous a donné envie de co-écrire ce livre avec Anaïs Maquiné Denecker ?
Hervé Tropéa : L’histoire du succès de cette série et de l’union entre tous les acteurs du feuilleton était pour moi dès le départ totalement unique. Très vite, il était m’a paru évident de raconter les coulisses de cette série culte et les aventures de ces acteurs totalement inconnus propulsés soudainement stars planétaires après seulement quelques épisodes.
Que pouvez-vous nous dire du titre de cet ouvrage ? Ne souligne-t-il pas le trait le plus marquant du lien d’amitié qui s’est créé pour la vie entre ces jeunes actrice et acteurs ?
AM-D : Personne n’aurait pu prédire que Friends deviendrait la série culte de toute une génération. Jennifer Aniston a coutume de dire que la célébrité leur est tombé dessus à la vitesse d’un bombardier. Alors, ils se sont soudés pour faire face ensemble à ce tsunami médiatique qui a bouleversé leur vie. Ils ont tourné ensemble pendant 10 ans, se sont mariés, ont eu des enfants. Ils ont partagé ces moments clé de leur vie tous ensemble comme une famille. Ils ont exigé d’avoir une égalité salariale parfaite. Ils gagnaient à la fin 1 million de dollars par épisode.
À la lumière de cette fabuleuse histoire de la série Friends, quelle serait pour vous la définition de la célébrité ?
HT : Un phénomène qui fait rêver tant de gens et qui suscite tellement de convoitises mais qui peut être fatale et se terminer tragiquement comme ce fut le cas pour Matthew Perry.
À plusieurs reprises, vous faites allusion au génie des réalisateurs Marta Kauffman et David Crane. Sans eux, rien n’aurait été possible. Pourtant, ils ont su s’adapter à plusieurs reprises aux exigences imposées par la réalité de ces dix ans et de ces 236 épisodes. En quoi consiste, selon vous, leur incroyable sens à la fois d’inventivité et d’adaptabilité ?
AM-D : Il y a d’abord eu la grossesse de Lisa Kudrow qu’il a fallu intégrer au scenario. Les producteurs ont eu l’idée de faire de son personnage, Phoebe, une mère porteuse, ce qui était très osé pour l’époque d’un point de vue sociétal. Ensuite, quand Matthew Perry a sombré dans les addictions, ils ont dû modifier le scenario pour lui permettre de se soigner. Sa première cure de désintoxication a d’ailleurs été un casse-tête pour les scénaristes qui ont imaginé que son personnage de Chandler était muté dans une autre ville. Ce subterfuge permettait de le faire tourner quand il était en état de tourner et d’accepter son absence dans quelques épisodes.
S’il y a quelque chose de profondément humain dans les six biographies des acteurs de la série, c’est d’abord la surprenante manière à travers laquelle ils font les premiers pas dans cette aventure. Doit-on comprendre que la célébrité que nous évoquions plutôt arrive toujours à pas feutrés, par surprise ? N’est-ce pas cela la vraie beauté de ce métier ?
HT : C’est en effet l’un des moments les plus beaux dans la vie d’un artiste surtout quand il est nouveau et soudain, mais il est indispensable d’être bien entouré pour savoir ensuite le gérer. Le revers de la médaille n’est pas toujours aussi beau et peut être dramatique.
Incroyable aussi c’est la solidarité qui lie les six amis pour la vie. Quel rôle a eu cette relation étroite entre les uns et les autres dans le succès de la série et de leur carrière en général ?
AM-D : L’histoire d’amour entre Rachel (Jennifer Aniston) et Ross (David Schwimmer) ne devait pas, à l’origine, tenir une place centrale dans le scénario. Mais l’alchimie entre les deux acteurs, en coulisses, a inspiré les scénaristes. Ils l’ont avoué plus tard, ils avaient eu un coup de cœur l’un pour l’autre et ne l’ont jamais concrétisé. Chacun a mis beaucoup de lui-même dans son personnage. Aujourd’hui encore ils se réunissent le plus souvent possible, s’entraident dans leurs carrières respectives. Jennifer a fait une apparition dans la série « Dirt » et Lisa Kudrow dans « Cougar Town » dont Courtney Cox était la vedette. Elles l’ont fait car elles savaient que cela mettrait de la lumière sur le projet de leur amie.
Sans public, rien n’est possible dans l’art, surtout dans l’art visuel. A quoi est dû, selon vous, le succès incroyablement rapide et durable de la série Friends ?
HT : C’est l’une des rares séries qui a ce potentiel de réunir un public de tout âge, de 7 à 77 ans. Les enfants et adolescents rêvent d’indépendance et de goûter un jour aux mêmes aventures des héros de « Friends ». Les jeunes adultes se retrouvent dans la vie de ces six amis tandis que les personnes plus âgées regardent avec nostalgie les péripéties de nos célèbres acolytes en se souvenant de beaux souvenirs.
Kristin Hahn dit de son amie Jennifer Aniston qu’elle est « une personne normale » qui vit « dans un monde rare ». Comment réussit-elle cet exploit ? Est-ce le cas aussi des autres acteurs de la série ou, au contraire, Friends a constitué un élément extrêmement marquant au point de les empêcher de poursuivre leur carrière ?
AM-D : Les filles de Friends sont très soudées et puisent leur force dans leur amitié. Elles sont aussi de redoutables femmes d’affaires. Jennifer Aniston est une brillante productrice, notamment de la série « The Morning Show », elle a une marque de produits capillaires qui cartonne aux USA, tout comme Courtney Cox qui a une marque de produits ménagers. Lisa Kudrow, l’intello de la bande produit des documentaires. Les garçons ont eu un peu plus de mal à capitaliser sur le succès de Friends. Matt Leblanc a interprété son propre rôle dans deux séries Joey et Épisodes et est revenu plus tard à ses premiers amours : la mécanique. Il a présenté l’émission Top Gear en Grande Bretagne. David Schwimmer a renoué avec le théâtre. Et, Matthew Perry, on le sait, a connu un destin tragique.
Quel a été selon vous le point le plus difficile à concilier dans la vie et la carrière de ces six acteurs ?
HT : Dès la première saison, ils ont dû apprendre rapidement que leur vie allait être « partagée » d’une certaine manière avec des millions de téléspectateurs. Chaque semaine, ils vont faire leur apparition chez des inconnus pendant des années dans le salon de millions de gens qui auront l’impression de les connaître comme des membres de leur famille. Cette proximité va peser lourd pour la plupart de ces acteurs de la série qui vont avoir en plus du mal à prouver qu’il existe une vie et surtout une carrière après « Friends ».
Et le bien le plus précieux, à l’écran, comme à la vie ?
AM-D : Oui, d’où le titre de notre ouvrage « Friends Forever »
Comment avez-vous vécu cette expérience de co-écriture ? Avez-vous des projets à l’avenir ?
AMD & HT : Écrire en collaboration avec une personne est toujours pour moi une expérience belle et riche car c’est avant tout un travail d’équipe. Une aventure durant laquelle chacun essaie de donner non seulement le meilleur de soi-même mais aussi et surtout de tirer le meilleur de l’autre.
J’ai toujours aimé le travail d’équipe. Hervé et moi, au-delà d’avoir chacun rencontré les acteurs de Friends dans le cadre de nos métiers de journalistes, étions des fans de la première heure de la série. Cela nous a rapproché et a grandement enrichi le contenu de notre ouvrage. L’exercice a été une super expérience de collaboration.
Que pouvez-vous nous dire de l’affaire de grandes proportions liée à Matthiew Perry qui secoue en ce moment le monde du cinéma à Los Angeles ?
AMD : Dans notre ouvrage, Hervé et moi, avions décidé de laisser une porte ouverte aux circonstances de la mort de Matthew Perry car nous avons eu très vite des informations selon lesquelles une enquête criminelle était ouverte. Matthew Perry serait malheureusement tombé dans le piège tendu par une association de malfaiteurs qui se seraient servi de lui comme d’une tirelire pour reprendre les mots du Procureur de Los Angeles. Ils ont profité de sa fragilité pour le faire replonger et dépenser des sommes astronomiques pour se fournir en produits illicites. À Hollywood, l’usage détourné des analgésiques à des fins récréatives est un fléau. La mort de Matthew Perry, le travail conjoint de la DEA (brigade des stupéfiants aux USA), du FBI et de la police de Los Angeles aura au moins permis de mettre la main sur l’un des réseaux les plus actifs de la cité des anges.
Propos recueillis par Dan Burcea
© Les illustrations utilisées dans cet article appartiennent à l’éditeur.
Anaïs Maquiné Denecker et Hervé Tropéa, Friends Forever, Que sont-ils devenus, Hachette Pratique; Illustrated édition (19 juin 2024), 224 pages.
[1] https://lettrescapitales.com/grand-entretien-anais-maquine-denecker-je-pense-que-ce-qui-caracterise-jennifer-aniston-cest-quau-dela-detre-une-immense-star-cest-une-femme-vraie/