Hanen Marouani : Poèmes inédits

 

 

L’univers vous répondra, dit l’horoscope d’un Scorpion

Une voix morose danse son récit sur la pointe des pieds

Sur un mi-chemin mal écrit par ses bords gestuels

 Et au fond d’une mer que tu as imaginée,

Une trace meurtrière et séculaire souffre sur la voûte du ciel

Les échos, les bourreaux, les vents, les journaux

Quel avenir relate-t-il l’abri méconnu  

Quand tout est vide dans la foule cumulée ?

Aucun endroit n’est comme tes bras d’autrefois

Et que racontent alors ces repos, ces corps et ces morts sous les draps ?

Ont-ils vraiment quelque chose à dire aux nuages amoncelés,

À ce monde sans identité, 

À ces fleurs angoissées et mal arrosées ?

… 

Quand comprenez-vous alors toutes ces trajectoires,

Et chacun de nos desseins illusoires ?

Ne pas abuser de cet orphelin qui révèle les peurs et les parfums

D’un abyssal traversé par des remparts de riens…

Mourrons-nous tous pour que ce train de vie soit béni !?

Au moins, de loin…

(02.02.2023)

 

 

 La dernière demeure des éphémères 

Une traversée lointaine tue le décor nu

La noirceur des rues demeure un processus très simple

Ton errance donne son dos au vent

On sourit,

On se nourrit,

On s’apprécie,

On s’oublie.

Les bleus se déclinent au fond

Tu marches vers moi

Le rôle blanc

Le drôle sang

Grouillements provocateurs

Une coïncidence émoustillée nous prend

Toute la vie et ces trois petits instants

Elle nous abandonne sur le pont des arts

Une gare aubergine fait face au phare

Je cours embrasser les horizons 

Tu reviens sans avoir raison

Je frotte mon front, mon cou, mes seins et mes mains

Je t’attends,

Je n’entends pas tes pas, ni ta voix

Je retiens la leçon

Toujours absent ! Toujours réticent

J’offre du blé vide aux pigeons

Passionnément et dans l’égarement

Le tunnel que je vois n’existe pas

Mes larmes se dessinent en losanges

Personne ne nous console

Personne ne manifeste les choses que nous voulons

Vraiment.

L’horloge regorge de siamois

Le mal s’éveille en silence

Ta présence est désormais sans vie

Le chat noir miaule l’envie de la survie

L’infini n’est qu’un songe irréel

Ton départ gustatif est figé

Le temps est complètement négligé

Tu te transformeras en terre lisière

Et je danse ta chance dans l’air 

Encor…

Les bulles quittent ta terre

Vers la direction du désert 

Vers la dernière demeure des éphémères 

(22.01.2022)

 

 

L’alerte des vents alizés

La ville s’est complètement transformée

Beaucoup de murs sont bâtis puis détruits

Les souvenirs se prélassent

Le sommeil se déchire sous les toits pourris et crevassés  

Au tournant de chacune de ses rues désertées,

Un vent fort siffle la guerre

Le discours artificieux est valorisé

Il chuchote ce qu’il manque à la terre pliée

Des coudes, des regards et des fous rires

Echappés du long deuil des cérémonies

Un arc-en-ciel décoloré réapparait.

Aux alentours d’une ride hybride

Se détruit un nid de colombes et l’humain s’oublie

Les îles rêveuses s’y glissent

Les bombes, les séismes, les incendies fleurissent

Les absences s’élargissent

Les hanches, les vitesses, les attentes, les musiques  

Remplies de ces écrits volés et larmes crachées

On ne sait pas où aller

On ne sait pas quoi manger  

Ça s’appelle les étrangers ou les réfugiés ?

– Qui sait ?

Les autres villes inventent des passants et des ponts recousus

Les murs résonnent autrement et le sel remonte dans la gorge

La peur, la faim, la soif avaient mille noms comme avant

Les flammes et les parfums s’entremêlent dans les veines

Les cris des enfants s’y cachent à contrecœur  

Et fondent le froid polaire des régimes autoritaires 

Lors de cette occasion solennelle,

À vous le monde d’aujourd’hui

À nous le déclic des éblouis !

« Vivre ou survivre » n’est qu’un chant inventé par les incarnations.

Hier comme aujourd’hui,

La vie est une école qui ne ferme jamais ses portes devant ses alliés.

L’espoir résiste.

(01.01.2023)

 

Comme si tout allait bien 

 Un monde

Sans trace d’effort, aucune

Jamais explicité

Jamais manifesté

Tu as trouvé tes ressources dans l’insociabilité

C’est avec un certain frisson que j’ai pris mon stylo

Pour me mettre face à ma carte blanche

Pour essayer d’écrire les silences au milieu du silence

Après une heure, mon combat se fera à la pointe de cette plume

L’idée tourmente l’infini de mes innombrables vies

Une idée qui brûle de mille mots n’a pas peur de se taire à jamais,

Devant les chemins qui n’auront pas à connaitre l’effort

Un monde

Sans trace d’effort, aucune

Jamais explicité

Jamais manifesté

(07.02.2023)

 

 

Hanen Marouani est chercheure postdoctorante en sociologie, docteure en langue et littérature françaises, auteure de quatre recueils de poésie(s) et de plusieurs articles. Ces deux dernières années, elle a réalisé plusieurs entretiens et recherches sur les femmes et la poésie contemporaine entre les deux rives qui ont été publiés dans des revues internationales. Elle a contribué à plusieurs anthologies et ouvrages collectifs en France, au Canada, en Roumanie et en Italie. Elle est également traductrice littéraire et a traduit une anthologie d’un poète palestinien de l’arabe vers le français qui a été publiée par l’Harmattan en 2021 et qui s’intitule “Vainement, je chante”.

Bibliographie:

  • Tout ira bien…Editions Le Lys Bleu, Paris, 2021
  • Le sourire mouillé de pleurs, L’Harmattan, Paris, 2020
  • Le soleil de nuit, Alyssa édition&diffusion, Tunis, 2020
  • Les Profondeurs de l’Invisible, Edilivre, Paris, 2019

Et son cinquième recueil multilingue paraîtra au cours de 2023.

 

 

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