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Dimanche dernier, j’allume la radio, juste au moment où s’y exprime Yann Queffelec « Je pense que cette période a besoin de beaucoup de sédimentation pour se prêter à la littérature » explique-t-il au micro de Nicolas Carreau dans La voix est livre. Je songe alors que tout est dit. Car les journaux de confinement et leurs affres plus ou moins captivantes m’ont fait redouter que l’après rime avec angoisse, dans le réel mais aussi dans les pages de nos essais et romans. Car combien de variations sur nos existences enfermées allons-nous nous hâter de composer pour nos éditeurs ? Dans quelles proportions la déferlante covidienne va-t-elle s’emparer des rayons de nos librairies ? De quoi infliger une double peine aux lecteurs dont le quotidien se résume depuis deux mois au périmètre de leurs quatre murs, à l’énumération des gestes-barrières, au terrifiant décompte des chers disparus… Ou à fournir le combat de l’impossible à armes inégales s’ils font partie du personnel soignant.
Alors, Mesdames, Messieurs, les auteur(e)s et écrivain(e)s, je vous fais comme Boris Vian, une lettre que vous lirez peut-être si vous avez le temps pour vous prier de ne pas abandonner vos inspirations antérieures, de les tisser et les retisser avec passion et assiduité et ne pas tout sacrifier sur l’autel du coronavirus. Même si le monde que nous allons connaître désormais va rimer avec gravité, continuez à nous conduire vers des ères d’insouciance, à nous faire vibrer au rythme d’histoires d’amour où les peaux fusionnent sans peur et sans distance et où à nous concocter des polars où le crime et la haine exultent en tombant les masques.
Transportez-nous partout sauf ici et aujourd’hui, dans ce présent qui ne se laisse pas facilement oublier sauf peut-être grâce à vos lignes. Il ne sera pas trop tard, quand les mois ou les années auront passé, pour ausculter cette drôle d’époque et en faire un matériau propice à la création.
Mais offrez-nous auparavant quelques passerelles vers la joie d’être vivants.
Bénédicte Flye Sainte Marie, mai 2020
Bénédicte Flye Sainte Marie est journaliste en presse magazine et auteure de trois ouvrages parus aux éditions Michalon “Le pouvoir de l’apparence”, “PMA, le grand débat” et le dernier en date “Les 7 péchés capitaux des réseaux sociaux”, sorti le 8 février 2020 qui évoque les divers biais par lesquels les réseaux sociaux influencent et déforment nos comportements quotidiens.