je tire au révolver je combats
je ne m’assoupirai pas avant
d’épuiser ma dose quotidienne d’adrénaline
que fais-tu quand, m’a-t-il demandé
et je n’ai pas
su trop bien quoi dire
tant d’années sont passées
les nuages coulent au-dessus des eaux dans la même direction
à la même vitesse les voitures écrasent
de petits animaux sur les routes étroites
mon esprit court en m’entraînant avec
tout le liquide de frein perdu en cours de route
j’ai tué moi aussi une fois
un petit animal et un
grand animal
il est venu mourir à côté de lui
il y a longtemps de cela
rien d’autre n’est plus arrivé &
je me tais lorsqu’on me parle
de violence &
je ne sais pas quoi dire
lorsqu’on me demande
ce que je fabrique dans ma peau depuis si longtemps.
(et moi non)
il ne s’agit pas de moi et
non plus de l’indécision
des accès d’affection ou de destruction, bien que
j’ai toujours été la femme-enfant
à la fois stupide et cruelle
serrant des couteaux ou de beaux corps dans mes poings
toujours en train de mener une guérilla contre les premières impressions parce que
le naturel semble vain
l’affection soumission –
et moi non
je répète
ce n’est pas de ça qu’il s’agit
mais de la nuit
comme un chewing-gum collé à l’asphalte des villes
du froid qui s’insinue dans le monde sur le ventre
et du remous des queues pendant que l’on prépare des représailles
de cyberattaques du sang sur le pare-brise des ambulances
des lycées en overdose des usines d’armement
et il s’agit de toi
de l’autre côté,
souriant le doigt appuyé sur la souris
et même de ça
Ligia Pârvulescu, poète roumaine de la nouvelle génération, a débuté en 2014 aux Editions Max Blecher, avec le recueil Fluvii de asfalt (Des Fleuves d’asphalte). Son premier roman, Translucid (Translucide) a gagné en 2021 le Prix du premier roman aux Éditions LITERA. Son dernier volume, Intracranian (Intracrânien) est paru en 2022, toujours aux Editions Max Blecher. Très active dans les cercles littéraires et les revues culturelles bucarestoises, Ligia Pârvulescu est l’une des voix les plus originales de la nouvelle génération de la littérature roumaine.
(Traduction du roumain, Alina Pavelescu)