Portrait en Lettres Capitales : Claire Boitel

 

Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous ?

J’écris de la poésie et de la prose. Je m’appelle Claire Boitel, je suis française, femme du Sud et du Nord puisque j’ai des origines corse et bretonne, entre autres. Je suis née un dimanche à midi à la clinique du Belvédère à Boulogne-Billancourt, tout près de Paris, le 16 juillet 1972 après un orage monumental. Je vis actuellement à Paris.

Vivez-vous du métier d’écrivaine ou, sinon, quel métier exercez-vous ?

Après avoir été professeur d’italien, j’ai pu, grâce à mes capacités de repérage (je trouve plein de pièces et de bijoux par terre dans la rue depuis toute petite) et à ma formation littéraire, devenir lectrice-correctrice.

Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?

Avant que je sache lire, j’ai eu la chance que ma grand-mère me lise des histoires qui souvent me faisaient pleurer d’émotion. Dès que j’ai su lire et écrire, j’ai composé des poèmes rimés. C’était un instinct, personne ne m’y a incité et aucun membre de ma famille n’écrivait. À sept ans, j’avais dit à une amie que je souhaitais fonder une académie de poésie… Bien sûr, j’ai énormément lu, non pas de la poésie comme on aurait pu s’y attendre, mais des récits et des romans qui racontaient des histoires si prenantes et si « vraies » qu’elles me faisaient fuir ma propre réalité. Encore une fois, j’ai eu la chance de pouvoir me plonger dans la vaste bibliothèque de mes parents. Je vivais par procuration.

Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?

Je retiens pour la prose l’Italien Dino Buzzati (1906-1972), que j’ai pu lire dans sa langue (les différentes traductions ne parviennent pas à rendre la chaleur douce de sa syntaxe), dont le roman Le Désert des Tartares (1940), métaphore de la vie, m’a encore une fois fait pleurer. C’est sur son œuvre que j’ai rédigé mon mémoire de maîtrise (Il simbolismo della verticalità et dell’orizzontalità nell’opera di Dino Buzzati, 1994).

Pour la poésie, je suis actuellement en train de rédiger un essai sur l’œuvre d’un poète français, né aussi en 1972, que je place personnellement au ciel de cet art : Frédéric Tison (prix Louis-Guillaume 2021 pour sa Table d’attente).

Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?

Je pratique tous les genres, sauf le théâtre. Sans problème. À partir du moment où je commence à écrire, tout me vient facilement.

Comment écrivez-vous — d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?

J’ai remarqué que ce que j’avais fait de mieux avait été écrit d’un jet, sous le coup d’une nécessité jouissante. Plus le temps passe, plus j’ai un faible pour l’écriture à la première personne. Dans mon dernier manuscrit en date, un récit, chaque personnage dit « je ». Ceci donne une immédiateté, une intimité, déchire le voile entre l’auteur et le lecteur. Sans filtre.

D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’ils prennent vie comme œuvre de fiction ?

Sans être purement autobiographiques, mes livres puisent en moi comme dans une mine. On pourrait parler de fiction aménagée. Quand je me sens en phase, je m’assois devant mon ordinateur et je tape. Les choses viennent toutes seules, dictées à la fois par mon être intérieur et par le plaisir des mots. Le dernier manuscrit dont j’ai parlé a été écrit en trois semaines, une vraie rafale. Sinon, c’est trois mois maximum. C’est pour ainsi dire par à-coups, entre chaque création je n’écris pas. Sauf bien sûr des mails à mes amis, des posts sur Meta, des notes de lecture, des notes personnelles et de brefs poèmes.

Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?

Oui, je choisis toujours un titre quand je commence à écrire un livre, ne serait-ce que pour me repérer sur le bureau de mon ordinateur. Ce titre est la plupart du temps changé en cours d’écriture ou/et à la fin. Il m’est arrivé pour une seule œuvre de me pourlécher avec une dizaine de titres différents, car j’aime soupeser tout ce que contient un titre, dont son rapport avec le texte bien évidemment. Je vais même jusqu’à chercher dans mes anciens livres LA formule. C’est ainsi que le titre de mon avant-dernier livre publié, le roman Vitamines noires, est tiré d’un poème de mon premier recueil de poèmes, Le Chirurgien des braises : « Peut-être que l’Enfer est orchestrable. Vitamines noires. B1, B2, B3 : l’Harmonie ! » Quant au dernier livre publié, le récit La nuit est toi, c’est une phrase qui figure dans ce récit même.

Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?

Mes personnages naissent comme des fleurs. Ils proviennent en général de la réalité mais passent par le filtre transfigurant de la fiction. Je suis une autre dans mes livres, ce n’est pas moi et c’est moi. Les autres personnages, très peu nombreux d’ailleurs, sont des personnes que j’ai croisées, mais totalement refondues dans le chaudron magique. Parfois un intrus se glisse dans ma prose, un personnage inventé de toutes pièces. Mais c’est un personnage secondaire, comme ces humains qu’on n’a jamais vus dans la réalité et qui vivent leur heure de gloire dans l’un de nos rêves nocturnes.

Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.

La nuit est toi, qui vient d’être publié en avril aux toutes nouvelles éditions Fables fertiles, est un récit onirique assez violent où le temps et l’espace se télescopent. L’inconscient, qui d’habitude reste enfoui dans ses grottes marines, est brutalement mis au jour et prend le pas sur notre quotidien. En tout cas, il devient le quotidien du livre, une surréalité où l’on skie, où l’on boit, où l’on aime, où l’on tue, où l’on sent plus fort et où l’on voit mieux. Je n’ai jamais pris la moindre drogue mais d’après les témoignages que j’ai eus des effets de ces substances, je crois qu’il y a une proximité entre mon texte et une forme de toxicomanie, ce qu’a repéré dans sa critique Rémi Boyer : « On prend ce livre comme une drogue lente. Les mots fascinent, s’écoulent dans les veines du lecteur pour envahir toute la conscience et ouvrir les imaginaires les plus sombres, les imaginaires assassins, qui produisent de purs diamants étincelants. » (Extrait de sa chronique sur La nuit est toi, dans incoherism/Avant-gardes et Philosophies de l’Éveil, 2 mai 2022, https://incoherism.wordpress.com/)

Le poète et romancier Pierre Perrin a consacré un article à mon dernier livre La nuit est toi dans son blog littéraire Le Frais Regard ainsi que dans le numéro 24 de sa revue Possibles qui va sortir en juin : http://lefraisregard.free.fr/boinuit.php

 

J’ai en stock un recueil de nouvelles qu’il faut que je classe avant de le soumettre à la publication ainsi que ce fameux dernier manuscrit écrit en trois semaines sous le coup de l’inspiration. Je prépare également un quatrième recueil de poèmes et un roman va paraître en septembre, dont j’aurai peut-être l’occasion de reparler ici. Je suis très honorée d’avoir été accueillie dans ces merveilleuses Lettres Capitales, sous la forme de ce questionnaire ainsi que de l’interview menée par Étienne Ruhaud le 3 mai 2022.

                                                                                                       

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