Portrait en Lettres Capitales : Hajar Azell

 

 

Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous ?

Je suis née à Rabat en 1992 et j’y ai grandi avant de poursuivre mes études supérieures à Paris en commerce et en philosophie. Je vis aujourd’hui entre la France et le Maroc.

Vivez-vous du métier d’écrivaine ou, sinon, quel métier exercez-vous ?

Je travaille dans le domaine des technologies civiques. J’ai par ailleurs cofondé un web-magazine et agence culturelle (www.onorient.com) qui célèbre les artistes et les cultures émergentes d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?

J’écris et je lis beaucoup depuis toute petite. En 2015/2016 j’ai entrepris un voyage de six mois qui m’a bouleversée. En revenant, j’ai écrit un premier roman que je n’ai jamais envoyé à des maisons d’édition. Depuis, l’écriture fictionnelle ne m’a pas quittée. C’est un moyen pour moi de coudre ensemble les mondes que je traverse.

Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?

Choukri, Houellebecq, Céline, Daoud, ils en commun un rapport transgressif à la littérature. J’aime les livres qui, par leur sincérité, portent un regard singulier sur le monde. J’aime les livres qui déconstruisent les mythes, arpentent l’inavouable, fouillent la psychologie des personnages.

Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?

J’écris assez facilement des nouvelles. C’est un genre court, tendu, efficace, idéal pour exprimer une émotion, une idée ou créer une atmosphère. Le roman est un genre plus laborieux mais aussi plus propice à restituer de la complexité. Selon moi, seuls certains sujets méritent vraiment un roman.

Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?

Mon écriture s’appuie souvent sur des fragments très courts que je tisse entre eux pour créer une histoire. J’écris sans plan, à l’instinct, car je cherche avant tout à maintenir une tension dans l’écriture, je suis mes personnages là où ils m’entraînent, j’aime être surprise. Comme vous pouvez le deviner, mon premier jet est donc très touffu.

La réécriture est, pour moi, un travail à la fois essentiel et fastidieux.

Pour l’instant, j’écris à la troisième personne. J’aime la multiplicité de personnages qui sont autant de points de vue différents sur une même chose.

D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?

Je m’inspire beaucoup de mes rencontres, de ce que j’observe, des univers que je traverse pour construire mes fictions. Mon écriture est aussi intimement liée au mouvement. J’ai grandi au Maroc puis je suis arrivée en France à 18 ans. En étant loin des miens, je commençais à ressentir les symptômes de l’exil. L’envers de l’été, mon premier roman raconte justement le rapport à la terre originelle, à la fois magnétique et fantasmée. Comme May, le personnage principal, nous revenons sans cesse sur les territoires qui nous ont marqués. Et puis le territoire lui aussi nous réclame, il y a quelque chose de presque mystique dans cet aller-retour. Le sujet du territoire m’inspire beaucoup. J’ai écrit ce premier roman en un an et demi.

Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?

Le titre arrive assez vite dans mon processus d’écriture. J’adore le trouver !

Au même titre qu’un court prélude que j’écris pour chacun de mes romans, il me sert de diapason pour garder la musique du texte. J’aime trouver un titre qui exprime un motif, un symbole, une image qui émerge organiquement du récit et en donne une certaine lecture.

Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?

Je construis mes personnages à partir d’un carnet où je les imagine dans plusieurs situations. Ils prennent vie petit à petit, c’est très amusant. Quand j’écris, je pense à eux tous les jours, mes émotions deviennent les leurs.

Mon problème est que j’ai souvent une foule de personnages différents dans la tête, je lutte pour me concentrer sur un ou deux et leur donner suffisamment d’espace.

Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.

Dans L’envers de l’été, tout commence dans la grande maison familiale au bord de la Méditerranée où Gaïa vient de mourir. May, sa petite-fille, qui a grandi en France, éprouve le besoin de passer quelques mois dans la maison avant sa mise en vente, en dehors de la belle saison. Elle y découvre, en même temps que la réalité d’un pays qu’elle croyait familier, le passé des femmes de sa lignée. En particulier celui de Nina, la fille adoptive de Gaïa, tenue écartée de l’héritage. Le paradis de son enfance se révèle rempli de blessures gardées secrètes.

Mon roman est un peu un adieu aux mythes de l’enfance : l’été, la famille, la terre. Cela m’intéressait de montrer comment une maison familiale – qui symbolise l’unité d’une famille – peut devenir l’objet de récits concurrents. Après la mort de la grand-mère, chacun de mes personnages écrit sa propre version des choses et emporte avec lui son lot de souvenirs. Au sein de la même famille, on n’est plus tout à fait sûr d’avoir vécu les mêmes choses.

En ce moment, je continue à écrire mais je n’ai pas encore de nouvel écrit abouti. Les sujets liés au voyage et aux territoires me fascinent particulièrement.

Pour la photo de l’autrice : Francesca Mantovani (c) Editions Gallimard

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