Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous ?
Je suis Maryam Madjidi, née à Téhéran, habitant à Drancy, en banlieue parisienne.
Vivez-vous du métier d’écrivaine ou, sinon, quel métier exercez-vous ?
Je pourrais vivre du métier d’écrivaine mais j’ai fait le choix de continuer mon travail d’enseignante en parallèle de mon écriture. J’enseigne le français langue étrangère aux mineurs non accompagnés dans un centre d’accueil de la Croix Rouge française. Je suis salariée depuis 6 ans chez eux.
Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?
Ma passion de la littérature est née de l’ennui qui m’a toujours habitée. Enfant et adolescente, je lisais beaucoup parce que je m’ennuyais et puis à force de lire, j’ai eu envie d’écrire aussi. J’ai attendu longtemps avant de publier mon premier roman, je l’ai fait à 36 ans. Les livres étaient mes compagnons de solitude et des flambeaux qui me permettaient de mieux voir la réalité, ils m’ont appris à aiguiser mon sens de l’observation et ma sensibilité dans la quête de la beauté du monde. Née de l’ennui, la littérature m’est devenue très vite indispensable.
Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?
Le livre que j’ai lu et relu est Madame Bovary de Flaubert. J’y revenais régulièrement, parfois deux à trois fois par an. J’étais fascinée par l’écriture de Flaubert, par la destinée pathétique de la naïve Emma, par l’amour bourgeois mais touchant de Charles. Mais surtout je n’en revenais pas de constater qu’un auteur, homme, était rentré à ce point dans la peau de son personnage, femme.
Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?
J’ai beaucoup écrit de la poésie quand j’étais adolescente et jeune adulte puis petit à petit je me suis orientée vers le conte et enfin le roman. Il m’arrive d’écrire encore de petits textes en prose comme une gymnastique pour m’échauffer à écrire ensuite un roman.
Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?
J’écris et je réécris en permanence. J’aime beaucoup la première personne même s’il ne s’agit pas toujours de moi mais d’un double de moi-même. Je reprends toutes mes phrases. Je relis et je réécris, directement sur mon ordinateur, le travail de correction accompagne chaque phrase.
Puis quand je suis à l’extérieur, quand je marche, quand je prends les transports, je répète les phrases dans ma tête, je poursuis l’écriture, je corrige, et je note tout ça dans un carnet qui s’intitule « notes pour roman ».
D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?
Je puise les sujets de mes livres dans mon vécu, dans les choses vues, observées et ressenties, mais aussi dans ce qu’on peut me raconter. Le réel vécu est une matière fantastique, inépuisable. Il me faut environ deux ans entre l’œuvre qui se forme dans mon esprit et le point final d’un manuscrit.
Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?
Oui, le titre arrive toujours en premier. Il donne le sujet, le ton, la couleur de l’oeuvre à venir. Il est comme une clef qui ouvre la porte de l’écriture du livre.
Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?
Mes personnages sont souvent inspirés de personnes réelles ayant existé ou existant encore. Je les fais revivre autrement, je les sauve de l’oubli en quelque sorte. Mes livres sont comme un mausolée. Je vis avec eux au quotidien, ce sont de doux fantômes qui viennent me hanter chaque jour et nous parlons ensemble, nous dialoguons, ils m’accompagnent dans une sorte de vie parallèle, une vie intérieure que je vis à coté de la vie extérieure. Il n’y rien de plus beau, je crois, que la naissance d’un personnage qui gonfle, grandit, prend de l’épaisseur et se dessine de plus en plus nettement sur les pages d’un ordinateur.
Depuis que j’écris et que je publie, je ne sais plus ce que veut dire la solitude car je suis entourée de mes personnages quand je ne suis pas entourée de mes amis ou de ma famille.
Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.
Mon dernier roman raconte l’histoire d’une adolescente qui rêve d’ascension sociale. Elle vit en banlieue parisienne, à Drancy, et n’a qu’un objectif : conquérir Paris grâce aux études. Elle combat son corps qu’elle n’aime pas, elle veut échapper à sa classe sociale modeste dont elle a honte, elle veut fuir sa banlieue qu’elle déteste et comprendra finalement que sa fuite n’est que la fuite d’elle-même.
Je réfléchis à un troisième roman mais on raconte que cela porte malheur de parler d’un livre avant qu’il ne soit solidement ancré par l’écriture.