Au moment où elle fait son apparition dans le film d’Isabelle Mergault «Je vous trouve très beau» donnant la réplique à Michel Blanc, Medeea Marinescu ne sait pas encore à quel point elle va impressionner les spectateurs français dont beaucoup gardent encore en mémoire le charme inoubliable de la grande Elvira Popesco. Titulaire à son tour du Théâtre national de Bucarest, Medeea Marinescu a conquis le public français et international par son charme spontané et par la parfaite maîtrise de son art, deux qualités essentielles qu’elle possède avec un naturel surprenant. «Donnant-donnant», toujours sous la direction d’Isabelle Mergault, la hisse une fois de plus sur le haut des affiches du cinéma français, inscrivant son nom à côté de ceux de Daniel Auteuil et de Sabine Azéma.
Nous sommes allés à la rencontre de l’actrice roumaine qui nous partage ici son expérience et ses grands moments de bonheur passés avec ses complices français, devenus, depuis, de vrais amis.
Mes premiers pas dans le cinéma français – Isabelle Mergault
D’abord, je vous dirai qu’avant « Je vous trouve très beau » je ne parlais pas du tout français. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’avais refusé de participer au casting organisé en Roumanie pour le film qui s’appelait à cette époque « La fille de l’Est ». Je me trouvais aux États-Unis et je me suis dit que cela n’avait aucun sens de me présenter au casting juste parce que la réalisatrice avait vu une photo de moi et avait demandé à me rencontrer. Comme elle avait laissé un numéro de téléphone, lorsque je suis allée en vacances à Paris, je l’ai appelée, en lui parlant en anglais. C’est ainsi que mon aventure dans le cinéma français a débuté.
Isabelle, je l’ai aimée dès le début. J’aime les gens qui ont le sens de l’humour, qui savent ne pas se prendre trop au sérieux et qui cachent sous l’apparence de la nonchalance une grande sensibilité. Isabelle est une personne sentimentale, intelligente, fragile et en même temps forte, tumultueuse et courageuse, pleine de vie et capable de mesurer sa complexité. Par la suite, elle m’a témoigné à de nombreuses reprises son amitié. Dans un monde qui court sans répit après la gloire, après l’argent, après des reconnaissances de plus en plus notables, l’amitié me semble une chose extrêmement précieuse.
Celui qui a compris et qui a misé sur le scénario d’Isabelle Mergault a été Jean Louis Livi. C’était au début de la carrière de réalisatrice d’Isabelle. Et je crois que l’expérience de producteur de Jean Louis Livi a été très bénéfique pour elle.
Je vous trouve très beau – Michel Blanc
Je vous parlerai ensuite de l’un des acteurs les plus spéciaux que j’ai eu l’occasion de rencontrer dans ma carrière. Il s’agit de Michel Blanc. J’ai peu discuté avec lui. J’avais commencé à «bredouiller» quelques mots en français, surtout pour faire face au tournage, tout en gardant une timidité de débutante craignant les fautes de grammaire. De toute façon, Michel n’est pas un bavard. Il est plutôt introverti, d’une immense délicatesse, un des observateurs les plus subtils que j’ai eu la chance de rencontrer. Je ne parlerai pas ici de sa place dans le cinéma européen, mais de l’homme que j’ai rencontré sur le plateau de tournage. Il était extrêmement juste et correct. Vous me direz, qu’y a-t-il de « juste » dans l’art ? En effet, dans un domaine tellement imprégné par la subjectivité, la justesse peut faire la différence entre les bons acteurs et les très bons. Michel observait avec délicatesse tout ce qui se passait pendant le tournage. L’influence de ses très fines observations se retrouvait dans les scènes que nous étions en train de jouer. Il manifestait une exigence particulière pour les détails, attitude que j’avais ressentie et qu’il me transmettait surtout dans sa collaboration avec moi, au-delà des mots que moi, la petite fille de l’Est, maîtrisait si peu.
Donnant-donnant – Daniel Auteuil et Sabine Azéma
J’étais enceinte de mon premier fils Luca Ioan. J’étais en train de regarder un film, « The lost son ». L’acteur que j’avais déjà vu dans « Jean de Florette » ou « La Reine Margot » attirait mon attention. Je l’admirais et je me disais « ce serait merveilleux si je le rencontrais un jour » … et, comme il n’arrive que dans les films, une semaine plus tard, je reçois un coup de fil de mon amie Isabelle. « Medeea, me dit-elle, nous avons le projet d’un nouveau film. Sais-tu qui sera ton nouveau partenaire cette fois ? Daniel Auteuil ». Incroyable… Je suis restée interdite ; c’était l’acteur dont je me demandais peu de temps auparavant si je pouvais le rencontrer. J’ai bredouillé quelque chose du style « super ! mais, tu sais, j’ai un problème en ce moment… » et la réponse d’Isabelle ne s’est pas faite attendre. « Quoi, tu es enceinte ? », suivie d’un éclat de rire. Fantastique, continua-t-elle… mes deux acteurs principaux attendent chacun un enfant, tu sais, Daniel aussi sera père ». Ce qui fait que, lorsque nous avons commencé le tournage de « Donnant-donnant », moi j’étais la maman de Luca, et Daniel, le papa de Zack.
Daniel est un acteur extroverti, jovial, plein d’humour, une vedette complétement décontractée pour qui la célébrité est accessoire, chose à laquelle il semble ne pas accorder grande importance. Charmant lors des tournages, spontané, ludique, y compris dans sa manière de jouer son rôle. Par la même occasion, j’ai rencontré Sabine Azéma, une actrice charmante dans ses rôles comiques, une personne adorable, d’une grande féminité.
Deux hommes, deux rencontres inoubliables
Pour revenir à mes deux partenaires, je me suis rendue compte de la chance que j’ai eue d’avoir rencontré Daniel Auteuil et Michel Blanc, deux acteurs célèbres et si différents l’un de l’autre. Ils m’ont appris chacun des choses, m’ont fait comprendre les secrets du métier, ils m’ont montré ce que signifie d’être célèbre, mais aussi ils m’ont fait découvrir les nombreuses nuances du charme personnel que chacun d’entre eux possède.
Medeea Marinescu est une comédienne roumaine.
Elle débute à l’écran à trois ans, dans L’HIVER DU CANETON de Mercea Moldovan (1977). Elle grandit sur les plateaux de tournage, avec TEST DE MICROPHONE de Mircea Daneliuc (1980), MARIA MIRABELLA de Ion Popescu-Gopo (1981), SEUL EN GARDE de Tudor Marascu (1983), RETOUR DE L’ENFER de Nicolae Margineanu (1983), KILOMÈTRE 36 d’Anghel Mora (1989) et MISS CHRISTINA de Viorel Sergovici (1992).
Elle devient aussi la jeune actrice fétiche de la réalisatrice Elisabeta Bostan, pour LES SALTIMBANQUES (1981), PROMISES (coréalisé par Virgil Calotescu, 1985) et LE SOURIRE DU SOLEIL (1987).
Plus tard, elle brille dans MYCLOCHE de Danniel Danniel (1995), GARDEZ UN ŒIL SUR LE BONHEUR d’Alexandru Maftei (1999), LE LIT DE PROCUSTE de Viorica Mesina & Sergiu Prodan (2001), et intègre le Théâtre National de Bucarest, où elle joue Tchekhov, Goldoni ou Anouilh.
Elle entame aussi une fructueuse collaboration avec la France, dès ses rôles dans les téléfilms « Une mère comme on n’en fait plus » de Jacques Renard (1997) et « Le Record » d’Edwin Baily (1999). Elle planche aux castings roumains de « Natures mortes » de Patrick Malakian (2000), « Meurtres sous hypnose » de Gérard Cuq (2001), « Une femme piégée » de Laurent Carcélès (2001), « Accords et à cris » de Benoît d’Aubert (2002), « Ariane Ferry » (2004), et du film UNE PLACE PARMI LES VIVANTS de Raoul Ruiz (2003).
Isabelle Mergault la révèle ensuite au grand public francophone dans la peau d’Elena, jeune mère roumaine sélectionnée par une agence matrimoniale, pour contenter un agriculteur veuf français, incarné par Michel Blanc, dans JE VOUS TROUVE TRÈS BEAU (2005, photo). L’auteur-réalisatrice la rappelle pour DONNANT DONNANT (2010), où l’actrice incarne Silvia, jeune femme esseulée en quête d’ailleurs, et prête à tout pour faire disparaître sa mère adoptive (Sabine Azéma), face à Daniel Auteuil.
Medeea Marinescu continue aussi de briller sur les écrans roumains, dans la série « Médecins mères » (2008) et dans le film WEEK-END AVEC MA MÈRE de Stere Gulea (2009).
Elle a été désignée Ambassadrice pour le Climat 2015 et a été décorée avec l’Ordre Steaua României au grade de Cavalier par le Président de la Roumanie en 2006. En 2017 elle est devenue Chevalier de l’Ordre National du mérite français.
Actuellement, elle joue sur la scène du Théâtre National de Bucarest et sur d’autres scènes de théâtre du pays dans de nombreux tournées. Un des plus récents est à Paris en 2020. Elle est mariée avec le directeur photo George Dăscălescu avec qui elle a deux enfants, Luca et Filip, tous les deux élèves à l’Ecole française Ana de Noailles de Bucarest.