Un Français tombé amoureux de la Moldavie. Fred Gonnetan : « J’ai découvert en Moldavie ce qu’il me manquait : La paysannerie, au sens noble du terme »

 

 

« La nature ne sera en définitive sauvée que par notre cœur », écrivait Jean Dorst dans « L’Univers de la vie ». Fred Gonnetan a fait l’expérience de cette recherche préfigurant à la fois l’union secrète entre un lieu et un mode de vie comme incarnation de ce qu’il n’hésite pas à appeler sa liberté et sa joie de vivre. Il en parle d’ailleurs dans ses vidéos qui font l’éloge de la vie en Moldavie où il a largué les amarres et où il vit depuis maintenant quelques bonnes années.

Bonjour Fred, on s’est connu grâce aux réseaux sociaux et surtout aux vidéos qui détaillent votre aventure moldave. Pourriez-vous vous présenter brièvement ?

J’ai 34 ans et je me suis expatrié en Moldavie il y a 7 ans, j’ai rejoint un projet associatif nommé Vent d’Est, qui m’a fait découvrir la vie dans un village reculé, de là j’ai acheté une petite maison typique pour la restaurer et y faire ma vie. J’ai été menuisier auparavant, et maintenant je recherche l’autonomie alimentaire, je fais également du fromage avec des amis, avec des technologies françaises, qu’on revend sur Chisinau.

Comment et surtout pour quelles raisons avez-vous décidé de quitter votre Jura natale pour vous installer dans le village de Horodiștea en Moldavie ?

Je recherchais l’autonomie alimentaire par pure conviction écologique. J’ai un peu voyagé en France, j’y ai découvert des communautés, des fermes, mais il y avait ce truc qui manquait, je n’ai jamais su décrire ce que c’était. Nous avons perdu un savoir-faire, et tout le monde s’est spécialisé dans quelque chose. J’ai découvert en Moldavie ce qu’il me manquait : Quelque chose qui a toujours été là, et qui restera. En tout cas qui doit rester : La paysannerie, au sens noble du terme. Ici les gens sont libres et autonomes, ils savent tout faire, et l’autonomie est une institution. Il est du coup beaucoup plus facile.

Dans vos vidéos vous faites l’éloge d’une vie que vous qualifiez de simple, d’authentique, de vraie. N’y a-t-il pas un peu d’utopie, dans le bon sens du terme bien entendu, dans ce choix ? Peut-on vivre encore de ses rêves aujourd’hui ?

Bien sûr qu’il y a de l’utopie, c’est ce qui donne de l’espoir et sert à avancer dans la vie. Je pense que nous sous-estimons notre capacité à être libres. La liberté, il faut apprendre à s’en servir, et dépasser le stade de travailleur/consommateur dont la société nous formate à être. J’ai passé trop de temps à croire que pour vivre, il me fallait un travail, un salaire, et rentrer dans un schéma qui ne me correspondait pas.

Vous êtes très attaché à l’autonomie et à l’économie solidaire. Comment se conjuguent ces deux principes avec votre quotidien et quelles sont les activités qui illustrent ce mode de vie ?

Exactement, mes convictions me poussent vers l’autonomie, d’abord au niveau individuel, puis ensuite à l’échelle du village. La majeur partie des problèmes actuels sont liés à notre mode de consommation, c’est pour ça que je souhaite revenir à un mode de vie paysan, tout en gardant un minimum de technologie.

Je m’occupe un peu de mes animaux, un peu de mon jardin, je fais un tour du terrain pour voir si tout va bien et ce qu’il y a à faire. Ensuite, suivant les saisons, je vais récolter quelques légumes pour en faire des conserves, ou je vais faire du vin. Ce que j’aime par-dessus tout dans ce mode de vie, c’est l’absence totale de routine, chaque journée est unique.

Parlez-nous de votre fromagerie. Avez-vous d’autres activités ?

Cette fromagerie est l’idée d’un ami au départ, je l’ai rejoint ensuite après m’être formé en France dans le domaine. C’est un projet solidaire qui permet de rémunérer les gens ici, alors qu’il y a très peu d’opportunités au village. Nous avons même offert quelques vaches à ceux qui étaient intéressés, pour ensuite leur acheter le lait à un prix équitable, c’est à dire 2 fois supérieur à celui du marché actuel.

Nous vendons dans un marché le samedi à Chisinau, et sur les évènements dans toute la Moldavie.

Ensuite, le restant de mes activités se concentre sur mon autonomie alimentaire et la restauration de ma maison. Mais c’est pas un travail à plein temps, loin de là !

Qu’avez-vous découvert d’inédit, d’unique, si le mot n’est pas trop fort, dans ces contrées moldaves et comment décrire l’âme de ces lieux ?

Le plus unique, c’est sans doute la Pâque orthodoxe, ou tout le village se retrouve au cimetière, chaque tombe familiale dispose de bancs et de tables, et les gens partagent dans la bonne humeur. C’est une fête très colorée. Et l’atmosphère est unique, ça me change des cimetières en France, ou je n’avais plus l’habitude d’y aller, car c’est un endroit triste et gris en général.

Comment s’est passée votre intégration du point de vue culturel ? Que ressent un Occidental habitué au confort au beau milieu d’une totale rusticité de l’Europe de l’Est ?

Les Moldaves sont un peuple très chaleureux et accueillant, je n’ai eu aucun mal à être accepter. En ce qui concerne le confort, certains ont plus de mal à s’habituer que d’autres. Mais une fois qu’on a compris que le confort n’était pas forcément matériel, cela se fait tout seul ! Prendre le petit déjeuner sur ma terrasse, avec mes oies qui viennent me dire bonjour, regarder les écureuils au loin. Ou se doucher dehors en plein soleil avec vue sur la végétation. Le confort il est là !

Beaucoup de clichés circulent concernant les réalités de vie des Moldaves. Que pourriez-vous nous dire pour balayer ces images souvent faussées et leur opposer la joie de la découverte des gens qui vous entourent ?

C’est difficile de parler de ça en tant qu’étranger. Après tout, il y a aussi beaucoup de clichés sur les Français aussi. On entend souvent que les Moldaves sont fainéants. Ce qui est vrai entre autre. Mais il est facile de faire une généralité. Il y a aussi beaucoup de Moldaves qui sont des sacrés travailleurs, qui tiennent un rythme que je serai incapable de tenir.

Un vecteur important est sans doute la langue du pays. Parlez-vous le roumain ? Comment l’avez-vous appris ?

Bien-entendu, j’ai appris le roumain, ou plutôt le moldave, puisque j’ai aussi tendance à placer quelques mots en russe, sans me rendre compte que c’est du russe. J’ai surtout appris sur place, à l’aide d’un guide de conversation pour commencer.

Mon blog accorde une importance particulière au dialogue culturel, à l’échange entre la France et la Roumanie. Ce dialogue ne date pas d’hier. Quelle est l’image de la France dans la mémoire collective des habitants de ces lieux et comment voyez-vous cette possibilité de dialogue ?

L’image à tendance à s’effacer je pense dans les villages. Très peu le parle couramment. Contrairement à la période soviétique, ou tout le monde apprenait le français. Je connais des anciens ici qui sont encore capables de chanter l’hymne national Français ( la Marseillaise ) mieux que moi !

Comment sont les gens qui vous entourent ? Vous ont-ils adopté ? Qu’avez-vous appris auprès d’eux ? Vous imaginez-vous, dans vos projections d’avenir, vivre encore longtemps dans ce univers, parmi ces gens, comme un villageois de Horodiștea ?

Les Moldaves sont un peuple très chaleureux et accueillant, je n’ai eu aucun mal à être adopté. Ils m’ont appris la patience, le fatalisme, qui est l’acceptation des choses telles qu’elles sont, et surtout la générosité. J’envisage de faire ma vie ici, j’ai encore bien des choses à faire, bien des projets. Peut-être même me ferai-je enterré ici ! Et mes voisins viendront boire un verre sur ma tombe !

Pour conclure, quels sont les adresses utiles pour permettre aux gens de mieux s’informer et connaître votre aventure ?

Sur Youtube, Facebook ou Instagram: Fred in Moldova

Propos recueillis par Dan Burcea

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