À l’aube du sens
il y a cette jeune femme
qui jette à la mer
ses vêtements défaits
sa figure fière
qui défie le temps
et marque l’horizon
perce les mystères
elle est d’autant plus belle
que tout en elle
me fait craindre
qu’elle disparaisse au loin.
Au loin
des voiles s’enfuient vers la mer
certaines volent
dans la brise et les embruns
soulevant les vagues
elles font la course
d’autres du sur-place
grande sublime mer
le ciel s’y perd
l’horizon bascule
et le soleil sombre.
La terre natale
tient
dans le creux de ma main
à son début
et jusqu’à sa fin
les éphémères
y côtoient
les immortelles
parce que c’est là
que la vie m’échut
et que pour moi
la lumière fut
l’horizon bascule
et la peau me brûle.
Le plancher craque
le toit murmure
les poutres gémissent
et la fenêtre tremble
il faudrait l’ouvrir en grand
inspirer l’air
pour le sentir en soi
se mêler à la terre
et s’en emplir les poumons.
Accepter de n’être
en ce monde
qu’une voix discrète
et tremblante
mais tenace
prête à confier ses ombres
à qui veut l’entendre
et ainsi consentir
à naître encore une fois.
Dos courbé sur la feuille
où vient la main
tracer des signes
pour un peu
aussi légère qu’une aile
elle s’envolerait
depuis sa trace
au-dessus de la page
planant d’un cercle à l’autre
à la façon d’un ange
ou d’un rapace
et s’élèverait
jusqu’aux espaces ouverts.
Au lieu des mots
s’intercalent des espaces
des points où se poser
et des silences
comme des résidus
de là où ils viennent
qui les portent si bien
qu’ensemble ils composent
sur la page
aux allures de partition
rien de moins
qu’un moment de musique.
Filer les jours
les broder à petits points
puis les défaire la nuit
les démailler sous la lune
jusqu’aux premières heures
du lendemain
où tout est à reprendre
et retisser…
J’entends un bruit
au-dessus de ma tête
semblable à celui de la pluie
de l’averse
mais ce n’est que le vent
cinglant
qui secoue les branches
et les feuilles
au sommet du grand arbre.
Il en faut peu parfois
si peu
un grain de sable
dans l’équilibre fragile
des jours
des heures
et des secondes
qui inépuisablement s’écoulent
pour que brusquement
le sablier déborde
sans cause aucune
que tout dérape et s’écroule
et qu’advienne alors
sinon la fin du monde
du moins son bouleversement.