Le silence sculpte l’espace, apparaissent alors les anges de pierre.
Parole et geste restent suspendus devant le regard impatient de l’homme empesé.
couronner la nature de brindilles
et de tous ces entrelacs couvrir
le monde de fleurs — les fruits
que les lambourdes promettent
ne sont utiles à personne – pas même à l’oiseau
s’abandonner aux vents
comme le sculpteur face à son œuvre
remplir la page blanche
de graphies arborescentes
germées en notre monde
intérieur et les rendre au visible
comme le poète que je ne suis pas
le poème est une pierre d’angle
autorisée à chacun
la pierre d’angle de l’édifice
vivant qui se tient
dans la mouvance de l’instant
il nourrit le souffle et rétablit la verticalité
Fie toi à ton oreille vive, écoute le la, et la musique venue d’au-delà des rocs se laissera entendre.
Elle invite à la danse jusqu’aux arbres évadés de l’art topiaire.
je resterai sous la frange de l’ombre
de mes yeux un rayon de jade
ouvrira la trajectoire
— une ligne de fuite vers l’espoir
je serai chat ou bien génie
les mots retrouveront mystère
pourquoi les charger de matière ?
leur grâce est hyaline
légère en mon esprit
ils neigent en boule de verre
on ne me lira pas comme livre
ouvert — il faut trop de patience
pour déchiffrer les signes gravés
par la nature sur le bois d’un cœur
qui prend ses larmes pour canif
Il y a toujours une présence, un mystère, qui échappe à l’immobilité de l’instant.
Seul un messager au hasard des jardins sait, sur le marbre ou le limbe, relever les confidences — qu’elles soient d’Art ou de Nature. Elles résonnent sur le bronze de son cœur.
par le regard indifférent du cormoran
je suis entrée dans l’iris du vent
je l’ai saisi par la taille
comme je l’aurais fait d’une guêpe
et son sillage noir (serait-ce venin ?)
a détourné la perspective
d’un destin que ma mémoire enchâssait
de fils______ tout blancs
Qu’est-ce qui dans la vie nous charme et nous enivre ?
La réponse appartient au vent —
toi – tissée de fils de tendresse
toi – l’attendue dans la soie des jours
où grêlent des escarmouches, noires
toi – la fleur crucifère
que de fines semelles
poussent toujours de l’avant
déchausse-toi, entre dans la maison
où veille la vielle sur le combat des nues
– celle qui engendre la lumière –
je sais, il lui manque un i
elle reste couchée
en attendant ta venue
être ta vigie n’est pas de tout repos
reconnais-la, autant qu’elle te connaît
elle restaurera tes forces
c’est cousue de fils d’or
qu’elle te laissera
retourner dehors
essuyer de nouvelles tempêtes
Ô souffle, chaque atome de notre être accueille ses lettres sympathiques —
Les paroles d’amour sont des sculptures invisibles qu’il traverse
l’arbre monde tend ses ramures
ses branches hautes – tu pourras
les faire ployer du ciel des désirs
au sol des manifestations
imagine ton paysage
il vibrionne au fond de toi
son calme Olympien
– l’état d’amour – ouvre sa geôle
la vie n’est qu’une sculpture
en constant inachèvement
on y marche entre deux décors
dans un espace sans mur
où volent les écureuils
et sautillent les oiseaux
La résonance devient le pont où circule le mystère des statues. Les sillons de l’âme enregistrent leurs empreintes angéliques.
le promeneur empiète sur le rêveur
là haut s’enlierrent les marches
il écoute le chant des mots
que les pages refermées
contiennent
abyssale – l’écriture
venue du fond des eaux
vient s’agenouiller devant lui !
il devient poète et croise les vers
comme il tresserait les cheveux
d’algues des belles de mer
pour écrire
il lui suffit de laisser
rouir le lin de la vie
et de se prendre d’ amitié
pour un souffle clair
qu’accompagne – en continu
le gazouillis du jet d’eau
il rythme la fluidité
dans tout organisme vivant
quand bat le cœur sur la trame des jours
j’honore la couleur des romances éternelles
dans les feuillages les amoureux
comme des oiseaux timides
viennent cacher leur chant
afin que les sirènes
s’en souviennent
et le reprennent
en dégradé de vœux
jusqu’à la crique
en attente
émeraude
Au Jardin Santa Clotilde, Maria a entendu le chant des sirènes et leur a donné corps.
entrer en amitié
c’est saisir la perche
de l’instant inévitable
quand l’espace
s’ouvre sur l’entente
qui est l’oreille ?
qui est le son ?
ce son, est-il musique ?
est-il saveur ?
est-il Liberté ?
jamais il ne retient
et un nouvel espace
au cœur de la nature
végétale
animale
humaine
à tout moment
peut tenter la brèche…
encore faut-il prêter son flanc
à la douleur de la lance !
Au James P. Kelleher Rose Garden, le parfum des inflorescences m’avait conduite auprès d’une sculpture de marbre de Joseph Llimona, père de Maria. Là-bas, le corps d’une femme éplorée passe les saisons à nourrir de sa peine toutes les essences du parc. Ici, dans ce jardin en Espagne, les sculptures joyeuses de la place des sirènes nous invitent à descendre jusqu’au mirador où le regard plonge dans la méditerranée. De père en fille, une escalade dans la beauté.
sortons sur la place
où l’esprit nous convoque
retournons vers le monde
sans plus jamais craindre
la critique — la parole est virale
quand elle circule libre — à chacun
d’en saisir des bribes et de construire
son langage… en résonance avec son cœur
et l’air du temps qui s’accorde à l’ ouverture
phénoménale — retournons vers les autres et constatons
le miracle de la langue et la renaissance de la tour de Babel
Ô les cœurs parlant !