Caroline Fourgeaud-Laville – La Grèce antique ou comment redonner vie à des milliers d’années d’histoire

 

 

Publié par les Éditions Perrin, dans la collection Vérités et légendes, le livre La Grèce antique de Caroline Fourgeaud-Laville est un condensé d’informations historiques et une démarche très réussie de revisiter les récits symboliques qui accompagnent ces faits. Bien documenté et richement soutenu par des citations convoquées à l’appui de la matière traitée, le contenu de ce livre évite à la fois la complexité d’un traité d’histoire et la rigidité d’un manuel qui risqueraient de diminuer son efficacité. Caroline Fourgeaud-Laville s’attache plutôt à un travail de vulgarisation dans le sens donné par Bergson, celui « d’une vulgarisation noble, qui respecte les contours de la vérité scientifique, et qui permet à des esprits simplement cultivés de se la représenter en gros » (Bergson, Deux sources, 1932, p. 253).

Les 22 sujets traités, reproduits plus bas – tous énoncés sous forme d’interrogation – nous offrent une panoplie de connaissances suffisante que nous pourrions facilement citer pour illustrer les propos déjà mentionnés plus haut. Rajoutons à cela la volonté de l’autrice de satisfaire une curiosité bien justifiée du grand public, et surtout de celui qui se passionne pour ce domaine de la culture antique, sujet d’inépuisables recherches et débats.

Choisissons quelques-uns à titre d’exemple.

Que sait-on de l’Atlantide, cette île disparue dont tout le monde a entendu parler et dont personne n’a vraiment retrouvé les traces ? Cette légende qui a fasciné les générations est mentionnée pour la première fois par Platon dans deux dialogues, le Timée et le Critias (40). Le philosophe précise même la date : « Il y a neuf mille ans », et l’endroit où se trouvait cette île, « les Colonnes d’Hercule, généralement associées au détroit de Gibraltar, signifiant symboliquement « le bout du monde » (41). Ce qui est encore plus passionnant, nous dit Caroline Fourgeaud-Laville, est la manière dont ce mythe a traversé les siècles et a galvanisé autant de chercheurs : « Une véritable saga va s’écrire sur plusieurs siècles, prise en charge par une espèce qui ne devrait jamais s’éteindre : les atlantologues ». Cette légende évoque « une civilisation brillante qui a vécu il y a fort longtemps qui, étant allée trop loin dans son désir de conquête ou de perfection, fut punie par la nature qui se rebella et la fit disparaître ».   (42) Remise en doute puis revenue dans l’actualité pendant la Renaissance, la légende attire encore la curiosité des esprits et déchaine les passions des chercheurs. Que sait-on aujourd’hui ? Pourquoi parle-t-on de « la plus ancienne ville submergée du monde » (50) ? Les explications fournies dans les pages qui suivent nous feront connaitre l’évolution de ce mystère.

Que sait-on de la guerre de Troie et du cheval imaginé par Ulysse pour provoquer la perte des Athéniens ?

Nous connaissons cette guerre grâce aux œuvres d’Homère, l’Iliade et l’Odyssée. Mais la question qui s’est rapidement posée aux chercheurs est la suivante : « Ces récits sont-ils les seuls fruits de l’imagination des hommes, ou l’écho de faits réels ? » (54) Il fallait donc attester de l’origine étymologique du nom de Troie et ensuite localiser cette cité. Une longue histoire commence et elle va durer des siècles, pour ne pas dire qu’elle continue même de nos jours, à la recherche de plus d’indices grâce à des nouvelles technologies.

Quant au cheval de Troie, le nom de cet objet est tellement connu aujourd’hui par sa symbolique d’objet intrus et dangereux qu’il s’est prolongé dans le langage informatique pour désigner l’agression d’un virus. Thucydide parle déjà de μῆτις / mêtis, la ruse incarnée justement par Ulysse, surnommé l’« homme aux mille ruses », πολύτροπος / polutropos. Là encore, il faut sortir du mythe pour retrouver des traces historiques et non pas se résumer aux décors de cinéma, comme le cheval en bois de la ville turque de Çanakkale, reconstitution réalisée pour les besoins du film américain Troy (2004). L’analyse de Caroline Fourgeaud-Laville retourne « aux plus anciens témoignages archéologiques (qui prouvent également l’inscription du cheval de Troie dans l’imaginaire grec dès le VIIᵉ siècle av. J.-C., puisqu’il fut représenté sur un pithos (une grande jarre) exposé au musée de Mykonos » (64).

Que répondre à la question récurrente : le cheval de Troie a-t-il réellement existé ?

Inutile de répondre à ce stade à cette question. On préfère laisser les lecteurs le découvrir dans les pages de ce passionnant livre.

Finissons avec un autre chapitre, toujours sous forme d’interrogation. Choisissons un sujet plus actuel :

Les Grecs étaient-ils écolos ?

Disons avant tout que le mot « écologie », terme créé au XIXᵉ siècle, est d’origine grecque, combinant les racines éco/oikos pour « environnement » et logos pour « raison », ce qui signifierait donc le fait de « bien » penser son environnement. S’appuyant sur William Pillot, maître de conférences en histoire du monde grec antique à l’université d’Angers, Caroline Fourgeaud-Laville reproduit cette citation selon laquelle « Aristote évoquait la nécessité dès le plus jeune âge d’être en harmonie avec son environnement » (1532). Si l’écologie est l’art de vivre le plus intelligemment avec celui-ci, il se pourrait que les Grecs en aient été les pionniers. » La Grèce est un ensemble d’îles soumises aux tremblements de terre et aux inondations, l’architecture pratiquée tient compte de ces réalités. « Diogène Laërce (180‑240 apr. J.-C.) observe que l’Artémision d’Éphèse repose sur un sol marécageux qui devait le rendre moins sensible aux secousses. » Les mêmes précautions pour les sites soumis à l’inondation. Face au climat chaud, ils ont construit des maisons bioclimatiques, « utilisant de la brique crue, inventée au Proche-Orient lors de la phase d’urbanisation […] Les vestiges attestant l’usage des briques sont peu visibles, car ce matériau fragile disparaît aisément. Mais les soubassements en pierre sur lesquels elles reposaient sont eux toujours observables » (158). L’agronomie imposera des cultures intensives, et la conservation des récoltes exigera la construction des moyens de stockage adaptés. « Théophraste, disciple d’Aristote, passe pour être l’inventeur de la botanique avec son Histoire des plantes et Des causes des plantes. La philosophie a accompagné cette réflexion. Si l’homme est un animal politique, selon Aristote, il n’en demeure pas moins un animal, c’est-à-dire un être de nature. L’écologie était donc déjà bien à l’œuvre. » (161)

Par souci d’exhaustivité, voici la Table qui illustre le contenu complet de ce livre :

Avant-propos

Les Hellènes étaient-ils grecs ?

Les Grecs parlaient-ils grec ?

Avons-nous retrouvé l’Atlantide ?

La guerre de Troie a-t-elle laissé des traces ?  

Le cheval de Troie a-t-il vraiment existé ?  

La musique des Grecs a-t-elle disparu ?

Les Grecs étaient-ils croyants ?

 La Pythie était-elle une voyante ?

Les Grecs étaient-ils gourmands ?

Le vin coulait-il à flots ?

Le premier marathonien fut-il un grand sportif ?

L’homosexualité avait-elle droit de cité ? 

Athènes fut-elle une démocratie modèle ?

Les Grecs étaient-ils écolos ?

Les femmes vivaient-elles cloîtrées ?

Hippocrate fut-il le père de la médecine ?

Les Grecs étaient-ils les champions de la beauté ?

Les Grecs ont-ils inventé les robots ?

L’olympisme est-il un pacifisme ?

Les Amazones sont-elles de purs fantasmes ?

Le Parthénon est-il révolutionnaire ?

Alexandre le Grand fut-il un dieu sur Terre ?

La lecture de cet ouvrage est comme une clé de voûte des précédentes publications de l’helléniste passionnée qu’est Caroline Fourgeaud-Laville. La Grèce antique, qu’elle vient de publier, l’atteste pleinement pour la grande joie de ses lecteurs passionnés, avisés ou néophytes, qui trouveront dans ses pages des trésors qui viennent vers nous à travers des siècles. Les faire revivre, c’est sans conteste un acte nécessaire et bénéfique de culture.

Dan Burcea

Caroline Fourgeaud-Laville, La Grèce antique, Éditions Perrin, 2025, 272 pages.

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