Le livre « 100 Menaces qui pèsent sur la planète et l’humanité » de Laurence Biava dresse un inventaire sans concessions des principaux dangers que l’humanité et la planète connaissent à l’heure actuelle. Loin d’être un simple inventaire défaitiste du monde dans lequel nous vivons, il se veut une prise de conscience conduisant à une réaction volontaire inscrite dans l’urgence de la situation présente et préfigurant, sans conteste, les conséquences de demain.
Si l’on regarde de près, le mot menace renvoie directement à la notion de danger imminent, et s’exprime de manière figurative par l’image très connue de l’épée de Damoclès. Dans quel sens utilisez-vous ce mot dans votre livre ?
Dans le sens de danger imminent, ou décalé dans le temps, mais imminent quand même puisque, comme chacun le sait, le temps fait son œuvre pas si lente, mais certaine et inexorable.
Quelle est l’urgence à laquelle répond vote livre et de quelle manière vous sentez-vous concernée par ce sujet, en tant qu’écrivain et citoyenne ?
C’est l’urgence de vivre et d’être qui me brule, que je sois écrivain ou citoyenne, et dans le cas précis, les deux à la fois. J’aimerais que les politiques prennent davantage conscience des dangers imminents qui nous guettent. J’écris pour la génération de mes enfants qui risque de vivre dans un monde totalement numérisé et tourneboulé, sans plus de cycles ni de saisons, avec des tempêtes, des ouragans, des inondations, des canicules, des fontes de glaces non plus accidentelles ou ponctuelles, mais permanentes. Pas envie de me résoudre à supporter pour les miens et moi-même et le reste de l’humanité, des étés à plus de 50 degrés, et des colossaux typhons dévastateurs. Sans parler du reste, qui ne relève pas de l’aspect proprement climatique.
Comparée par votre éditeur au Titanic, l’inventaire de votre livre utilise comme préalable l’état insouciant de toute une humanité, vaquant à ses occupations avant le choc fatal du naufrage aux conséquences dramatiques que l’on connait. Comment avez-vous procédé pour bâtir ce catalogue ? Comment est structuré votre livre et quels sont ses axes principaux ?
C’est mon éditeur qui m’a proposé de suivre ce sommaire et ce plan. C’est lui qui a hiérarchisé les menaces et les a classé selon des catégories propres. Il a bien fait. J’ai tout respecté. Sur deux ou trois menaces, nous avons fait du deux-en-un, ou du trois-en-un craignant de nous répéter, mais globalement, nous avons été d’accord sur ce qu’il fallait traiter. Tout traiter, c’est ce que nous avons fait, car les menaces sont de toutes sortes. Au fur et à mesure de mon travail d’exploration, je prenais des idées à droite et à gauche et notais ce qui pouvait être complété ou à parfaire. J’ai commencé de travail en juillet 2019.
Compte tenu de la diversité des sujets abordés et de l’attention que vous accordez à chacun d’entre eux, ce serait intéressant de savoir comment avez-vous réalisé le travail de documentation sur lequel repose la structure très riche de votre ouvrage. Quelles ont été vos sources et combien de temps a nécessité ce travail documentaire ?
Il m’a fallu presque deux ans entre la signature du contrat et la publication. Deux ans à me documenter sur Internet principalement, mais aussi dans les bibliothèques et médiathèques. J’en ai parlé autour de moi également, et ai recueilli quelques avis divers et variés qui m’ont servi pour exploiter les chapitres. Ce ne fut pas simple, honnêtement. Mon éditeur m’a demandé de m’y reprendre à deux fois, il n’était pas forcément satisfait. Mais l’exercice est maintenant convaincant et je suis satisfaite du résultat obtenu grâce à lui, à sa bienveillance et sa rigueur.
Difficile de parler ici de tous les sujets que traite votre livre. Je vous propose de nous arrêter sur quelques-uns pour essayer de comprendre leurs mécanismes et leur impact sur la santé de notre planète. Prenons l’exemple du « développement durable » que vous qualifiez d’imposture. Que pouvez-vous nous dire du greenwashing, cette technique publicitaire trompeuse et, de ce fait, extrêmement dangereuse ?
Vous le dîtes, qu’ajoutez de plus ? : le greenwashing est également une imposture à part entière : rien de biologique ou écolo là-dedans. Il ne suffit pas de mettre de la couleur verte, quelques feuilles ou un logo qui s’apparente à celui qui pourrait sérieusement provenir d’un laboratoire pharmaceutique sérieux ; non, c’est uniquement l’œuvre des publicitaires mal intentionnés pour vendre un produit qui n’est pas en totale conformité avec sa promesse. Les personnes informées ne se laissent plus prendre, encore heureux. Au lieu de s’en prendre aux laboratoires pharmaceutiques qui œuvrent pour le progrès de l’humanité, il vaudrait mieux dénoncer les actes délinquants des publicitaires. Ce n’est que mon avis.
Concernant les menaces sanitaires, ce serait un lieu commun de dire qu’elles sont d’actualité aujourd’hui. Permettez-moi de m’arrêter sur un sujet qui fait moins l’actualité, mais qui est hautement important : celui de la malbouffe. Comment définir ce terme ? En quoi ce phénomène peut-il être qualifié de menace ?
La malbouffe est une menace dans le sens où elle nous promet une société de gens obèses ou pas bien portants. Ne pas s’alimenter convenablement peut mener loin : ne plus être capable de se déplacer normalement pour aller travailler, prendre le risque de tomber malade quand on se découvre diabétique du jour au lendemain, se découvrir atteint de cancers ou de maladies auto-immunes. Se priver d’hygiène de vie, ne pas se prendre en charge physiologiquement peut, en effet, mener loin. Je connais des personnes, qui, à force d’avoir bu, et de s’être mal nourris, ont fini par perdre toutes leurs dents. Authentique.
Les conséquences d’une mauvaise alimentation ou d’une hygiène de vie assez dégueulasse peuvent condamner les progrès d’une société de consommation en action, qui se souhaite humaniste en même temps que productiviste.
Dans la catégorie des menaces économiques, je vous propose de discuter brièvement de la surconsommation. Elément de réflexion à la fois dans le domaine de l’énergie et des ressources, ce phénomène risque de mettre en danger la planète. De quoi s’agit-il ?
Oui, en effet, la surconsommation est sans nul doute une des menaces les plus évidentes, et les plus difficiles à juguler tant elle se confronte aussi bien à la biodiversité, qu’à la sécurité, qu’à la santé et au bien-être des populations. Mais vous voulez me faire parler du BlackFriday que je cite dans mon livre, qui est le symbole même de l’hyperconsommation rugissante, venue des Etats-Unis. Personne n’imagine les effets néfastes de cette journée censée se faire précipiter un français sur deux dans les boutiques. Ce n’est pas seulement une pollution de l’espace sonore avec des spots publicitaires qui tournent en boucle, ces sont des suppléments d’énergie inconsidérément dépensés (sans énergie, pas de production ni d’activité économique). En 2017, il faut rappeler que la consommation totale d’énergie dans le monde, sous forme d’énergies renouvelables, de produits pétroliers, de charbon, de gaz, de biomasse et de nucléaire a augmenté de plus de 2,2%. En 2050, on n’ose imaginer le taux de croissance ….des déchets, cette fois-ci. Clairement, à coups de surconsommation et de coups d’accélérateur donnés à une croissance économique qu’il semble impossible à arrêter, le monde court à sa perte à vitesse grand V. Sommes-nous devenus fous ? Je le crains.
L’idéologie peut à son tour engendrer des menaces. Penchons-nous sur celle du capitalisme sauvage, terme difficilement saisissable à première vue. Pourquoi dites-vous qu’une telle idéologie est « complètement dépourvu de légitimité » ?
Le capitalisme est sauvage quand il n’est pas encadré, cadré, pourvu d’une réglementation tangible. Il porte bien son nom en ce qu’il est dit « sauvage ». Et c’est bien pour cette raison qu’il est dangereux, apparaissant dépossédé de toute raison, de toute rationalité.
Faisons nôtre la conclusion de votre ouvrage et parlons ici du « monde nouveau » qui s’ouvre malgré tout devant nous. Comment expliquer cet enthousiasme en plein milieu de ce déluge presque annoncé ? D’où vient cet optimisme qui resurgit de votre inventaire pourtant assez pessimiste ?
Je suis optimiste car je pense que des solutions précisément rationnelles et humanistes peuvent être trouvées pour sauver notre planète de l’inertie, des désastres qui la rongent. J’en connais quelques-uns qui se fâchent et sur les éoliennes, et sur le nucléaire, mais globalement, à part ces feuilletons d’humeur qui nourrissent notre actualité quotidienne, je pense que les mesures prises par les gouvernements successifs vont dans le bon sens, la prise de conscience est enfin réelle depuis plus de dix ans. Simplement, il faut que chacun d’entre nous apporte sa pierre à l’édifice pour nous sauver du désastre qui s’annonce. En dépit du marasme dans lequel nous nous trouvons, « j’ai envie de croire qu’il n’est pas trop tard pour bien faire ». Comme nous n’avons rien sans rien et que je ne suis pas plus royaliste que le roi, j’annonce ici qu’un livre de 1000 Solutions aux 100 Menaces va suivre en 2022.
Vous pouvez vous procurer le livre de Laurence Biava, « 100 Menaces qui pèsent sur la planète et l’humanité » à partir de ce lien :
https://www.editions-paradoxalement-votre.fr/boutique/-p353578065
Propos recueillis par Dan Burcea
Photo de Laurence Biava : © Sté Kyndt
Laurence Biava, 100 Menaces qui pèsent sur la planète et l’humanité, Éditions Paradoxalement vôtre, 2021.