Interview. Madame Nicoleta Paninopol, directrice du Centre culturel Mihai Eminescu Unesco à Bucarest

 

Le Centre culturel Mihai Eminescu Unesco à Bucarest est connu pour être la plus ancienne institution de ce type en Roumanie. Sous son égide, un album de peintures intitulé “Avec le chevalet à travers le Petit Paris” a été récemment publié. Le titre de cet album a, comme on le verra, une double importance, d’une part en évoquant le nom donné à la capitale roumaine, en référence à la capitale française, et d’autre part par l’originalité de cette initiative, permettant de mêler les arts plastiques aux réalités urbaines, à l’histoire et aux habitants du lieu.

Nous avons invité Madame Nicoleta Paninopol, directrice du Centre culturel, à nous parler plus en détail de tout cela.

Bonjour Madame, merci tout d’abord d’avoir accepté d’accorder cette interview aux lecteurs du magazine français Lettres Capitales. Je voudrais commencer par le début, comme on dit, si vous êtes d’accord, avec l’histoire du Centre culturel Mihai Eminescu Unesco à Bucarest. Quand a-t-il été fondé, pourquoi est-il considéré comme le plus ancien centre de ce type en Roumanie et depuis quand le logo de l’Unesco est-il accolé à son nom ? Et une question personnelle, depuis combien de temps dirigez-vous cette institution ?

Bonjour !  Merci pour cette invitation. Le Centre culturel Mihai Eminescu Unesco est en effet le plus ancien centre culturel de Roumanie, puisqu’il a été fondé le 10 octobre 1939 par la Fondation culturelle royale « Prince Carol ». L’histoire de cette petite institution de Bucarest commence à l’époque de la royauté, elle a traversé la période communiste, et ces dernières années, elle a connu un développement continu, élargissant sa gamme d’activités et ses partenaires, devenant un partenaire de l’Unesco en 2021. Je suis à la tête de cette institution depuis juin 2017.

Qu’offre ce Centre culturel en termes d’image nationale et internationale à Bucarest et à la Roumanie ?

Le Centre culturel Mihai Eminescu Unesco ne se concentre pas sur le besoin de se faire ou de donner une image, c’est plutôt le résultat de nos activités qui est en soi sa plus fidèle image. Nous voulons toucher les gens, la communauté dont nous faisons partie, que ce soit à Bucarest ou en Europe. En répondant aux attentes des gens, quels que soient leur âge, leur niveau d’éducation, leur appartenance, ils nous envoient leurs commentaires et c’est ainsi que notre image en tant qu’institution se construit.

Notre offre pour Bucarest et pour le pays consiste dans des programmes culturels et éducatifs qui tirent la meilleure partie du patrimoine culturel existant et cherchent à découvrir les compétences artistiques des enfants et des jeunes afin d’assurer un avenir au patrimoine actuel.

Pouvez-vous décrire brièvement les activités menées par le Centre culturel, par domaine et par catégorie de projet ? Ils sont si nombreux et si importants qu’il serait impossible de les évoquer tous ici. Je vous prie donc d’en choisir deux ou trois, en dehors de celui dont nous parlerons plus loin et qui fait l’objet de notre entretien.

L’institution a une activité diversifiée, qui s’adresse à tous les citoyens : événements culturels et artistiques, programmes éducatifs et professionnels pour les enfants, les jeunes et les seniors, promotion des beaux-arts et des arts visuels, édition de livres et d’albums d’art promouvant les valeurs culturelles représentatives, encouragement du dialogue interculturel dans un contexte européen.

Il est difficile de choisir ici quelques projets, chacun a son importance dans la communauté et chacun nous tient à cœur car nous y avons mis beaucoup de cœur.

Cependant, je voudrais vous parler du projet « Journée de la Blouse roumaine”. Il s’agissait d’un projet qui a réussi à associer plusieurs genres artistiques, la peinture et la musique s’unissant dans un événement dont l’élément central était la blouse roumaine, ce vêtement porteur de traditions depuis des siècles. L’événement a réuni un groupe de peintres roumains et étrangers qui ont illustré leur propre vision de la blouse traditionnelle. Une exposition de costumes folkloriques de plusieurs régions du pays a également été inaugurée, et le programme musical proposé au public a mélangé la musique folklorique au jazz, présentée au public comme elle seule sait le faire, par la célèbre soliste Ozana Barabancea.

Un autre projet important a été la campagne éducative « Be cool, not a fool », une campagne destinée aux étudiants des collèges et des lycées du 2e arrondissement, qui vise à prévenir la consommation de drogues, un problème épineux de la société moderne dont sont victimes de nombreux jeunes. Il s’agit de la deuxième année d’organisation de ce projet. Il a débuté en 2019 et s’est poursuivi en 2021, nous y avons été soutenus par des spécialistes du ministère de l’Intérieur, des psychologues et des personnalités du monde artistique et des médias.

Toutefois, les projets les plus importants de cette année ont été ceux consacrés au 65e anniversaire de l’adhésion de la Roumanie à l’Unesco, une année qui a également coïncidé avec l’affiliation de notre institution comme partenaire de cette prestigieuse institution mondiale. Ainsi, les projets « 65 ans – la Roumanie à l’Unesco », « Histoire et art en Roumanie », « La Roumanie et l’Unesco – l’Arc au fil du temps » et « Gala de l’Unesco » ont été le fruit d’une collaboration entre des institutions prestigieuses, parmi lesquelles nous avons eu l’honneur de faire partie : les clubs, les centres et associations Unesco en Roumanie, la Délégation permanente de la Roumanie à Paris, l’Académie roumaine, la Commission nationale de la Roumanie pour l’Unesco, la Commission permanente mixte de la Chambre des députés et du Sénat pour les relations avec l’Unesco, la Maison royale de Roumanie, le Patriarcat roumain, l’Institut culturel roumain, le ministère de la Culture, le ministère de l’Éducation. Dans le cadre de ces projets, par les moyens d’expression des différents arts, nous faisons référence ici à la peinture, à la musique chorale ou instrumentale, à des conférences et des expositions documentaires, au patrimoine matériel et immatériel avec lequel la Roumanie a contribué au patrimoine mondial de l’Unesco qui a été mis en valeur, un patrimoine dont nous pouvons être fiers car il représente l’esprit même de notre peuple.

Revenons au splendide album présenté « Avec le chevalet dans le Petit Paris ». Avant de parler de sa forme et de son contenu, je vous demanderais de nous dire ce que signifie cette expression « Petit Paris ». Comment le définissez-vous, peut-il être circonscrit sur la carte et où se situe-t-il sur la carte de Bucarest ?

Le Petit Paris est un nom qui a commencé à être attribué à la capitale roumaine quelque part au début du 20e siècle, lorsque le développement de la ville, sous l’influence des grandes capitales européennes, dans les domaines de l’architecture, de l’art et de la mode a apporté un changement rapide au visage de la vieille ville poussiéreuse connue jusqu’alors. Si nous devions le définir dans le paysage géographique actuel, le « Petit Paris » se trouverait dans les anciens bâtiments qui subsistent dans la zone centrale, bâtiments que le 2e arrondissement a encore la chance d’en posséder.

Qu’y a-t-il de pittoresque dans cette partie de la ville et quelle est son importance historique et archéologique ? L’objectif de ce projet est-il de faire connaître ce patrimoine urbain, mais aussi de le protéger ?

Le vieux quartier de la capitale a un charme particulier, il donne aux visiteurs un sentiment de bohème mêlé d’élégance, exactement la « saveur » du grand Paris. C’est un trésor qui me semble être actuellement en danger, qui risque d’être englouti par les immeubles en acier et en verre et surtout par le temps qui passe et la dégradation qu’il apporte. Notre objectif a en effet été de promouvoir ce patrimoine, de le protéger, nous ne pouvons pas le protéger aussi fortement comme nous le souhaiterions, mais nous espérons éveiller chez nos concitoyens ce sentiment d’amour et d’appartenance à la communauté qui nous fera tous le défendre contre les intempéries et les temps. Et si cela ne devait pas arriver, nous aimerions que ces bâtiments restent au moins immortalisés dans des œuvres d’art pour être préservés  de l’oubli dans notre mémoire.

À qui appartenait cette initiative d’inviter les peintres et quels moyens ont dû être mobilisés pour la mener à bien ?

Le projet a été proposé par notre institution, nous avons été soutenus par un groupe d’artistes visuels talentueux et enthousiastes, et les moyens ont été simples : leur œil attentif, un chevalet, des pinceaux et des couleurs, suivis par la recherche de jours avec la bonne lumière.

Combien de peintres ont participé, de quelles régions (ou seulement de Bucarest) et quelles instructions leur ont été données pour les peintures en plein air ?

Quinze artistes visuels ont participé à cet événement, originaires de tout le pays, de la République de Moldavie, mais qui connaissent leurs lieux et leur signification. Une partie d’entre eux étaient présents à l’exposition organisée par notre Centre culturel.

À la fin de l’album se trouvent des photos des peintres alors qu’ils réalisent leurs tableaux en groupe. Comment ont-ils été reçus par les habitants de ce quartier ?

Les habitants du quartier ou ceux qui passaient par là lorsque les artistes travaillaient étaient intéressés par ce qui se passait dans la rue devant leurs maisons, ils ont apprécié l’idée et beaucoup ont demandé des informations sur le lieu et le moment où ils pourraient voir les résultats du travail des artistes. En résumé, les sentiments des résidents étaient l’appréciation, la curiosité et l’intérêt.

Les peintures ont fait l’objet d’une exposition ? Où s’est-elle tenue et quel a été son impact ?

Le projet culturel « Avec le chevalet dans le Petit Paris » a donné lieu à 37 œuvres d’art réalisées par les artistes invités. Nous avons ressenti le besoin de partager avec le grand public ces créations, qui sont merveilleuses par leur savoir-faire et leur sujet, et nous avons donc organisé une exposition à la Galerie 2 Art. L’exposition a suscité un grand intérêt de la part des critiques, mais aussi d’un public divers, des amateurs de peinture jeunes et pas seulement, intéressés par l’architecture, l’histoire, le sujet des œuvres d’art étant intéressant pour de nombreuses catégories de personnes.

Quelles sont vos principales initiatives pour les années à venir ?

Pour la période à venir, nous voulons étendre les activités de l’institution, passer à l’étape suivante où nous pourrons faire connaître au public du pays et même de l’étranger le patrimoine artistique que l’institution possède actuellement, car, oui, nous pouvons parler actuellement d’un patrimoine composé de centaines de tableaux d’artistes importants, avec des sujets extrêmement attrayants : sites Unesco, monuments architecturaux du patrimoine national, personnalités de la culture et de l’histoire et autres.

Propos recueillis et traduits du roumain par Dan Burcea

Crédits photo des reproductions © Centre culturel Mihai Eminescu Unesco à Bucarest

Print Friendly, PDF & Email
Partagez cet article