Sandra Mézière publie La Symphonie des rêves aux Éditions Blacklephant. Il s’agit de son deuxième roman après L’amor dans l’âme publié en 2016. Nouvelliste, lauréate du concours Nouveaux Talents des Éditions J’ai Lu, mais également critique de cinéma, elle est diplômée en droit, sciences politiques et médiation culturelle.
Dès lors, rien d’étonnant de voir ses thèmes de prédilection liés au monde du cinéma et de la musique couronnés de succès auparavant réapparaître dans son nouveau roman et plongeant ses personnages au cœur d’une vive recherche d’une harmonie semblable aux rêves et à la soif de vivre. À ce sujet, les questions surgissent dès le début du roman mettant en scène quatre personnages, quatre vies, quatre destins, ceux de Carole, de Rebecca, de Catherine et de Stéphanie, qui veulent encore croire à l’amour fou, en faisant de cela « une raison de vivre ». « Peut-on encore tomber éperdument amoureux dans cette société du zapping et de l’immédiateté dans laquelle ce sentiment este devenu une denrée consommable et si vite périssable ? » Cette première interrogation annonce déjà la couleur et, disons-le, le message porté par ces quatre personnages se donnant rendez-vous dans ce roman qui déroule à tour de rôle son tapis narratif, mettant en scène et croisant leurs histoires de vie passionnantes.
Sandra Mézière utilise avec intelligence autant le fond que la forme littéraire de son récit. Pour elle, la construction romanesque suit intimement le titre de son histoire, étant structurée en quatre mouvements dont on reconnait, s’il fallait encore le rappeler, ceux d’une symphonie. C’est au fil de cette structure que le lecteur est invité à suivre les histoires de ces quatre personnages, dans une évolution bien maîtrisée et qui ne manque pas de lui faire découvrir, à chaque étape ou plutôt à chaque partition, le chemin que chacun emprunte pour arriver à accomplir leur rêve.
Comme Rebecca qui choisit comme devise la réplique de Blanche Dubois, l’héroïne de Tennessee Williams : « Je ne veux pas du réalisme, je veux de la magie », tous les autres personnages vont suivre le même cheminement semé d’embuches et d’expériences avec des renversements souvent spectaculaires, contredisant « le cours ordonné des choses » auquel rêve Stéphanie ou en voulant cueillir le mystère de l’instant vécu par Catherine dans le paysage romantique de Venise ou comme Carole devant le miracle architectural d’Acropole dont elle tombe follement amoureuse.
Les références nombreuses au monde du cinéma, l’ambiance des festivals et les accords de la musique remplissent un espace suffisant, une scène dans le sens propre du terme. Sandra Mézière maîtrise avec tout autant de talent à la fois cette ambiance dorée, placée sous les feux de la rampe que l’introspection du récit intime qui lui permet d’exprimer le vécu intense, passionné, souvent dramatique des protagonistes de son roman. L’évolution de ses personnages le prouve amplement et témoigne de la complexité qu’elle souhaite donner à ce qui va petit à petit se transformer, se constituer en destins et s’anoblir d’une exemplarité digne des héros de littérature ou de cinéma, semblables à ceux dont toutes ces femmes rêvent sans cesse, elles interprètent parfois ou elles admirent.
De ce point de vue, La Symphonie des rêves fonctionne comme un double spectacle qui laisse autant de place aux actrices censées jouer le rôle de leurs vies et de leurs rêves et à la narratrice prête à ressurgir derrière chaque scène pour nous assurer que tout cela est vrai et profond, beau et réel dans ce monde romanesque en quête d’harmonie et de magie. N’est-ce pas ce que Charles dit à Catherine, en s’étonnant de la capacité de celle-ci de contredire l’idée d’une « vie chaotique » et de mériter de sa part une admiration sans réserves. Rebecca, à son tour, sera bien consciente qu’elle était la seule à s’octroyer ce qu’elle appelle « un faire-valoir » pour réussir à assumer ses rôles. Qui pourrait ensuite oublier les larmes, la fierté retrouvée de Stéphanie, après une chute vertigineuse dans le réel de la vie, en pensant à son père, dont on ne dévoilera pas ici l’identité, laissant aux lecteurs la joie de suivre le parcours tenace de cette héroïne.
C’est d’ailleurs avec cette idée que l’on pourrait clore cette chronique.
Le roman de Sandra Mézière confirme son talent et sa capacité très remarqués de construire des personnages complexes, d’une vraie beauté et d’une authenticité incontestables. Plus encore, mais à cette question elle seule serait capable d’y répondre, n’est-ce pas à se demander si derrière Carole, Rebecca, Catherine et Stéphanie ne se cacherait pas une seule et unique personne ? Peut-être la narratrice elle-même ? Peut-être l’autrice ?
La réponse, en lisant ce passionnant roman !
Dan Burcea©
Sandra Mézière, La Symphonie des rêves, Éditions Blacklephant, 2023, 410 pages.