Laurent Sallé : Six poèmes inédits

 

 

Si tu veux voler

écoute le gazouillis du silence

qui chante dans le nid d’une larme

quand celle-ci égoutte le sommeil d’un oiseau

Tandis que l’ombre d’une fleur dessine un océan sans fond

Tandis que l’étincelle du silex époumone sa flamme lunaire

Je raccommode la cambrure d’une caresse

avec tes mains transparentes

si seulement elles tressent les cils du vent

que la fraîcheur de son chagrin ondule

Je continue à sculpter la houle du soupir pour trouver

une île sans sable dans le rêve d’un palmier

qui déracine l’absence de tes lèvres

N’oublie pas que le bleu d’une voyelle enlace

la couleur d’une consonne quand elle démaquille le mascara de l’alphabet

J’imbibe la sève de l’écriture sur le linceul de nos haleines pour qu’elles

ennuagent le berceau des mots sur la page du souvenir

***

je brode l’enfance

autour de mon silence

je la tresse pour extraire

la sève de mon souffle

qui flotte sur une mer invisible

quand celle-ci creuse

la larme d’une vague

devenue source

de la mémoire de la vieillesse

***

je sculpte le silence

je façonne son visage

je lui demande de me parler

de l’ivresse du vent

de me raconter les cicatrices

de son enfance

de sa chaleur qui sommeille

dans les plis de son rêve

de me coudre un manteau

avec la peau d’un secret

pour végétaliser la guirlande

d’une éclaircie au cou de l’aube

le silence se déhanche

pour danser autour de tes cheveux

il fait fleurir la couleur du mot

sur le rebord d’un reflet

pour délivrer le secret

d’un souffle empierré

***

assis face au crépuscule

j’ai lu une page d’un recueil poétique

dans le berceau du rayon de lune

qui tresse l’aube de ma rime

que la corolle de la nuit défleurit

mais dans l’attente que mon imagination

dénoyaute un fruit invisible

j’ai mis le couvert aussitôt

pour deux lorsque l’on attend

le pouls du rêve battre la chamade

qui surgit à pas chassé pour dîner

je suis comme l’hêtre qui s’effeuille au crépuscule

quand l’ écorce de son âme

panse la plaie du silence

à l’aube d’un chapelet de perle

que l’absence de tes larmes enlace

***

je pêche le silence

j’écaille sa peau

je le fais sécher

dans le nid du vent

je tamise sa transparence

sans âge à la boutonnière de l’azur

dans l’attente qu’il escalade

l’encolure de ma nuque

pour rajeunir l’enfance de ma vieillesse

***

J’écris pour sertir les bleus de l’enfance évaporés dans la craie de la marelle

J’écris pour égoutter la sève de la mémoire que les souvenirs du chiffonnier désarchivent

J’écris pour dessoûler la calligraphie d’une plume que son encre enivre

J’écris sur le cuir chevelu d’une rime que la couette de ton absence déracine

J’écris sur le duvet du nuage que le nid du silence réchauffe

J’écris sur la peau du frisson que la bouture d’un secret emperle

J’écris sur la couleur du vent que son reflet tresse autour de ton cou

J’écris sur la feuille du baobab que le buvard de nos entrailles absorbe

J’écris dans la rosée du rire que le marbre de nos larmes traverse

J’écris dans le cœur d’une pierre pour sonder le pouls de sa fissure

J’écris sur l’argile de nos hanches que le lierre de notre douceur enlace

Et surtout, j’écris dans le fumet de ta profondeur, à la cime du postillon d’une émotion,

qui imbibe la page de nos âmes, devenue jumelle

Laurent Sallé est né en Afrique en 1968. Emerveillé par le cinéma qu’il découvre à l’adolescence, il dévore les films en boucle ! A Paris, il s’entiche pour toutes les salles afin d’assouvir cette passion. Autodidacte, son destin en bandoulière, il enchaîne différentes activités. La loterie du hasard, le guide vers une rencontre improbable, lumineuse avec Marcel Moreau ! Cet écrivain atypique, inclassable, le fascinait. Il sera une révélation, une « dynamo » dans la naissance de sa pulsion pour les mots… Depuis, il utilise les réseaux sociaux pour partager sa poésie, en parallèle, avec son métier dans les télécoms.

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