Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous ?
Je suis Camille Goudeau, je suis née en Touraine où j’ai grandi. J’habite à Paris dans le 18e arrondissement.
Vivez-vous du métier d’écrivaine ou, sinon, quel métier exercez-vous ?
Je ne vis pas de mon métier d’autrice, même si les revenus dus à mon roman et aux articles que j’écris m’apportent un confort que je n’avais pas avant. Lorsque je n’écris pas, je suis bouquiniste sur les quais de Seine, c’est un métier qui m’apporte la liberté et l’indépendance indispensables à mon travail d’écrivaine.
Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?
Je ne sais pas, ça a toujours été, du côté de la littérature comme de l’écriture. La littérature me porte et me donne les outils pour avancer, pour comprendre différents aspects du monde dans lequel je me trouve. À mon sens, c’est la fiction, ce sont les histoires qu’on reçoit et qu’on lit qui alimentent la complexité de notre réflexion.
J’ai voulu écrire quand j’ai appris à écrire. J’ai compris tout de suite que ça me donnait la possibilité d’inventer autre chose, de détourner la vie, de pouvoir toujours, quoiqu’il arrive, faire un pas sur le côté. L’idée c’était, exister autrement et ailleurs, faire exister un autrement et ailleurs pour les autres.
Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?
Il y en a plusieurs parce que le livre est, pour moi, un temps. Il s’accorde ou non à une période que nous traversons. Il est toujours difficile de savoir quand lire tel ou tel livre, je suis en permanence à la poursuite du livre qui résonne avec mon présent. Je peux en citer quelques-uns : Lumière d’Aout de William Faulkner, Une chambre à soi de Virginia Woolf, l’Âme d’Elsa Triolet, Printemps Noir de Henry Miller, Demande à la poussière de John Fante.
Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?
J’écris du roman, et parfois des textes hybrides, entre poésie et réflexion, notamment pour la revue Nrf. Écrire un texte court, à la forme libre, et sans obligation narrative me donne une aération dans l’écriture du roman. Donc oui, je passe facilement de l’un à l’autre.
Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?
J’écris à la première personne et au présent, toujours, pour l’instant. Je ne sais pas encore faire autrement, peut-être que ça restera comme ça. Je retravaille énormément mes textes, oui il y a beaucoup de reprises, et beaucoup de versions. Je coupe de très longs passages, je cherche à aboutir à un texte dont la lecture sera claire, directe, simple. J’ai toujours très peur d’ennuyer la personne qui lira plus tard, je suis obsédée, terrifiée par l’ennui. Je suis très attachée aux rythmes, aux chapitres courts, à la brièveté des descriptions, à montrer un décor très clair en quelques objets seulement, j’élabore une ponctuation légèrement dissonante parfois.
D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?
Je parle beaucoup du monde du travail, de la liberté, d’une forme d’anarchie qu’on peut développer pour soi-même, de la difficulté de ne pas tomber dans l’inertie. Mon premier roman raconte l’univers des bouquinistes. Il faut deux ou trois ans pour qu’un projet et des personnages mûrissent. Je puise mes idées dans la vie de tous les jours que je transforme en fonction de ce que j’ai besoin de dire.
Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?
Le titre vient tout seul au cours de l’écriture du roman. Il n’a en général rien à voir et tout à voir avec l’histoire. Il n’y a pas de chat dans les Chats éraflés. Le titre est une impression, une association libre, quelque chose d’intuitif pour moi et pour celui ou celle qui iit, il infuse. Il a souvent plusieurs origines pour moi et plusieurs sens.
Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?
Les personnages servent le discours de l’histoire, ils disent quelque chose des gens et de la façon dont je les aime. Certains viennent de personnes que je connais, d’autres sont le résultat d’un mélange, et d’autres encore, souvent plus secondaires, enrichissent le parcours et la pensée du personnage principal. J’écris beaucoup à partir de mes amis proches. Je considère qu’on écrit toujours mal un personnage qu’on n’aime pas, quels que soient ses défauts, et même si c’est un personnage négatif, il faut l’aimer pour pouvoir lui donner une consistance.
Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.
J’ai commencé à écrire Les chats éraflés en 2017, je pense qu’il y a eu une vingtaine de versions. C’est l’histoire de Soizic, 22 ans, qui arrive à Paris, toujours dans la galère, elle s’installe dans un hôtel au mois à Château Rouge, elle rencontre son cousin qui lui apprend le métier de bouquiniste. Si l’arc central est son avancée sur les quais et la reconnexion à une famille qu’elle ne connaît pas, j’aborde aussi la question de la recherche d’un sens, la phrase qui a guidé la construction du roman à travers Soizic c’est « qu’est-ce que je vais faire de ma vie ? ». Soizic a une façon d’être au monde colérique et joyeuse, elle est sur un fil, quelque part entre la marge et la « normalité ». C’est un personnage qui court après ses fantômes, les névroses et les addictions de sa famille, qui cherche une possibilité de devenir.
J’écris actuellement un second roman, et j’ai cette phrase en tête : « C’est l’histoire de gens qui blablatent et d’une fille qui en regarde une autre courir vers la mort ». Je travaille en ce moment un texte sur le Désir pour un collectif de femmes (Éditions Ramsay), et sur un spectacle de rue (scénario, chansons). Par ailleurs, j’organise avec ma collègue Elena Carrera le prochain festival des bouquinistes des quais de Seine, Paname Bouquine.