Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous ?
Je suis née en 1976, à Constanța, en Roumanie. Cette ville au bord de la Mer Noire, riche d’histoire, lieu d’exil et de mort d’Ovide, est très importante dans le pays. Le grand poète y est célébré, et la présence des civilisations grecque et latine prégnantes chez les intellectuels. Peut-être que la proximité de la mer m’a incitée à connaître au mieux l’histoire, la littérature et les langues étrangères. Je me suis établie à Limoges pour raisons professionnelles, après avoir fait mes études universitaires à Nancy.
Vivez-vous du métier d’écrivain ou, sinon, quel métier exercez-vous ?
Je suis chanteuse dans le chœur de l’Opéra de Limoges. Je vis de ma passion pour la musique. Mon métier de chanteuse induit mon mode de vie. C’est aussi une passion qui me permet de rester en contact avec d’autres disciplines artistiques, notamment la poésie et le théâtre.
Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?
Je l’ai sans doute attrapée toute petite. Ma famille m’a initiée très tôt, et j’ai grandi entourée de volumes et de disques. Mes parents, tous deux enseignants, ont transformé le salon de leur appartement en une véritable bibliothèque. Ils ont stimulé mon intérêt pour les livres, et encouragé mon imagination. Je fréquentais dès l’âge de trois ans la section enfant de la bibliothèque municipale. Je me délectais écoutant la lecture des œuvres de la littérature roumaine ou étrangère adaptées ou écrites pour les jeunes. Une fois l’apprentissage de l’écriture acquis, j’ai tâché de donner vie à mes propres histoires, à mes rêves, par écrit.
Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?
J’ai découvert les pièces de Shakespeare, dans une édition très joliment illustrée. Si je me rappelle bien, elle regroupait : La tempête, Le roi Lear, Le marchand de Venise, Roméo et Juliette, Hamlet, Les deux gentilshommes de Vérone. Je n’avais que douze ans, mais j’ai ressenti la révélation d’une véritable attirance pour la littérature. Dès lors je n’ai pas voulu perdre ce merveilleux saisissement. J’ai recherché la même sensation de bonheur, d’effervescence intellectuelle. D’autres ouvrages ont marqué mon esprit, mais quel livre peut-il rivaliser avec son premier coup de foudre littéraire ?
Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?
J’ai fait des poèmes, à un âge où n’importe qu’elle fantaisie aurait fait sourire mes parents. J’aimais aussi composer des analyses d’œuvres magistrales. Avec le temps, j’ai annoté mes lectures personnelles, rédigé des appréciations après avoir visionné des créations au théâtre, des spectacles de ballet ou d’opéra. Certains articles ont été publiés, d’autres dorment toujours dans mes tiroirs.
Je me suis aussi essayée à la prose poétique, à l’écriture théâtrale. Mais la poésie constitue l’essentiel de mes écrits.
Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?
J’écris selon l’inspiration du moment. Pour mon premier volume, en roumain, j’ai voulu rester sur un terrain plus impersonnel. J’ai opté pour le neutre, la troisième personne, pensant que le féminin aurait amoindri la force du vers. Je me méfiais un peu de la tournure que prendrait une poésie imprégnée trop fortement du lyrisme féminin, surtout lorsque l’auteur/l’autrice l’a composé et publié très jeune. Aujourd’hui j’emploie aussi bien la première que la troisième personne dans mes textes.
D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’ils prennent vie comme œuvre de fiction ?
J’ai suivi des cours dans trois universités, passé un temps assez conséquent dans leurs bibliothèques ou dans des musées. J’ai écouté des conférences, des présentations, j’ai assisté à des vernissages, à des concerts. J’ai conservé mes cahiers, et parfois je me relis non sans une certaine émotion. Il est plaisant de se ressourcer « sur ses propres terres ». Avec le recul je découvre de nouvelles choses, et je réalise le chemin parcouru. De cette distance naît une sorte de concentration propice à l’inspiration et qui m’incite à écrire. Je nomme cette disponibilité et cette disposition particulière l’état de grâce.
Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?
Je donne un titre à tous mes textes, avec le souci qu’il réponde le plus fidèlement possible aux exigences qu’impose la poésie ou le roman. Il se doit de servir au mieux la consistance textuelle, sans la trahir, la dénaturer ou l’escamoter. Son choix est délicat et exigeant. Il demande à la fois simplicité et puissance, un pouvoir de synthèse et d’abstraction. Trouver un bon titre revient à trouver un petit diamant. Il n’existe pas, selon moi, un moment spécifique pour cette étape. Je prends donc tout mon temps pour en faire le meilleur choix. Bien évidemment l’élaboration du texte subit des variations, des changements parfois brutaux ou surprenants, et le titre suit ces aléas.
Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?
Je m’amuse beaucoup à composer des personnages pittoresques dans mes petits récits poétiques. Ils projettent des attitudes, des considérations, des affects, des réflexions. Je ne pars pas en guerre contre quelque chose ou quelqu’un lorsque j’imagine un personnage. Chacun est doté d’une part de moi, mais j’observe aussi ce que la vie apporte comme expériences et rencontres, gardant dans l’esprit la pluralité existante dans chaque être humain. J’ai côtoyé beaucoup de personnalités intéressantes dans mon parcours, et la réalité dépasse parfois les plus prodigieuses imaginations. La mémoire et l’évolution de la temporalité intérieure tiennent une place importante dans mon processus de composition. De même que la musique. Le fait d’être chanteuse implique un certaine sensibilité qui se retrouve dans mes vers.
Mes personnages ne sont nullement des boucs émissaires, des avatars vindicatifs ou des supports pour un défouloir psychologique, tout au plus des prolongements de mes réflexions personnelles. Ils supportent des allégories, ils représentent des témoins de la recherche d’une harmonie entre soi et le monde. Des repères émotionnants et signifiants pour exprimer les fondamentaux qui me définissent, corroborent mes convictions et témoignent de ma singularité.
Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.
J’ai publié en 2019 Artisans de l’Invisible, un recueil de poésie franco-roumaine, une discrète suggestion des anciens codex. J’ai introduit quelques illustrations à l’acrylique, extraites d’une grande toile que j’ai peint à l’occasion d’une exposition, il y a quelque temps déjà. Des chapitres reprennent des thèmes comme la présence sacrée, la Nature et ses secrets, l’art au sens large, l’introspection et l’acceptation de l’inéluctable, l’écriture et l’art comme moyens d’espérance et de transcendance.
Parmi quelques références de la Renaissance jusqu’au XVIIIe siècle ont pris place au cours des pages: Galileo Galilée, Titien, De Vinci, Michel-Ange, Le Caravage, Filippo Brunelleschi, mais aussi Palestrina, Monteverdi, Albinoni ou Vivaldi…
Des projets ? Je souhaite aborder une forme poétique plus narrative et encore plus tournée vers le merveilleux. Dans mon travail, je continuerai à entrecroiser les fils du lyrisme entre le vers libre et la phrase musicale.