Céline Debayle, Dans le jardin de l’hôtel Dean’s ou le plan maléfique du Serpent

 

Un avertissement en préambule de ce livre nous donne quelques indices qui guident la lecture du nouveau roman de Céline Debayle, Dans le jardin de l’hôtel Dean’s, paru en ce début d’année aux Éditions Arléa. Nous apprenons qu’il s’agit d’une histoire vraie qui s’est déroulée dans les années 1970, et dont le personnage réel est Charles Sobhraj, surnommé le Serpent. 

Rien du portrait de cet homme, devenu Joël Phong dans le roman, n’annonce la suite de ses agissements maléfiques, au contraire, tout semble montrer une délicate nature humaine qui «aimait flatter la nature, caresser une chair d’orchidée ou une touffe de zinnias, paraître l’ami des nymphes et des romantiques».

Très rapidement, les choses vont prendre une tournure digne du genre littéraire du polar. Ses codes vont se mettre en place et nous assistons à une vraie reconstitution des faits.

La force de l’écriture de Céline Debayle réside en sa capacité de bien délimiter la frontière entre l’espace réel de son action et celui de la fiction, tout en gardant intactes la cohérence et la plausibilité des personnages, ainsi que le suspense et la tension de la narration.

Le côté exotique des lieux permet à la narration de s’épanouir, aux phrases de dire la beauté de « cet éden jardiné » et d’inviter ces aventuriers partis découvrir l’Orient de s’abandonner «à l’insouciance» et de faire tomber toute précaution devant l’imminent danger qui guette derrière des apparences trompeuses.

La narratrice, Jules, son ami photographe et reporter et Loulou le chien sage et docile qui les accompagne forment un trio qui attire l’attention des habitants. Dans leur Dodge transformé pour l’occasion en caravane, ils ont décidé d’accomplir leur «projet fou de visiter le mystérieux Bhoutan».

Leur aventure connaît un répit bien mérité dans l’hôtel Dean’s, un endroit dont le nom invoque leur idole James Dean. Ses vérandas, les parfums qu’exhale la multitude de fleurs qui remplissent ses voûtes, les boissons fraiches servies par Baba Sangar, le vieux barman « qui déclinait le blanc du turban aux chappals », un Pachtoune d’une fierté de cerf » discret et nostalgique des temps lointains ». Le lieu leur permet aussi de bénéficier d’un bien mérité répit, avant la courageuse exploration du Bhoutan qui les attend.

Un personnage entre en scène à pas feutrés, un homme mystérieux dont le charme et les gestes inspiraient la sympathie et invitaient à l’amitié. C’est autour de ce Joël Phong que va se construire la suite du récit. Même si l’on connaît sa vraie nature et ses futurs agissements, annoncés dès le début du roman, la narratrice prendra le temps d’observer et de détailler les événements et de préparer le dénouement des faits.

Un contraste s’installe entre l’âge et l’innocence du jeune couple, leur candeur et le plan machiavélique mis en place par Joël Phong dont ils apprennent qu’il est Français et qu’il est petroleum engineer, selon sa vraie/fausse carte de visite.

La même dissemblance se met en place entre le lieu calme de ce jardin édénique et le plan criminel qui se trame derrière.

Céline Debayle mobilise tout un arsenal symbolique pour construire cette dichotomie : l’innocence contre l’intention criminelle, la naïveté, la candeur, l’inexpérience juvénile contre la préméditation et l’acte de torture. Tout ce qui va suivre entrainera les protagonistes du roman et leurs complices, appelés en renfort pour l’occasion, à une action dont le rythme alerte sera à la mesure de la gravité de ce qui va suivre.

Nous n’en dirons pas plus sur cette partie du récit, laissant le lecteur le plaisir de découvrir son dénouement. Précisons juste qu’il s’agit d’un kidnapping, de vol et de danger criminel.

Céline Debayle crée une fois encore, comme elle l’a d’ailleurs prouvé dans ces romans précédents, des personnages vivants, authentiques, construits sur la fragile fondation d’un passé ébranlé, des êtres qui ne rêvent qu’à s’accomplir et attendre des mains tendues pour panser leurs blessures enfuies. C’est pour cette raison que la question de la cicatrisation d’un passé abîmé revient souvent dans ses écrits, et c’est encore pour cela que ce besoin inachevé d’amour, cet appel au secours prononcé en sourdine traversent ses pages.

C’est pour cela que Dans le jardin de l’hôtel Dean’s est plus qu’une histoire ordinaire, plus qu’un fait divers ; c’est une page de vie qui une fois racontée devient aussi la nôtre avec tout ce qu’elle a d’imprévu et d’humain.  

Dan Burcea©

Céline Debayle, Dans le jardin de l’hôtel Dean’s, Éditions Arléa, janvier 2025, 145 pages.

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