Muriel Augry est poète, nouvelliste et essayiste, docteur ès lettres de l’Université de la Sorbonne. Elle a enseigné à l’Université de Turin et travaillé pour les services culturels de l’Ambassade de France en Italie, au Maroc et en Roumanie comme directrice d’Institut français. Elle a publié à ce jour 11 recueils de poésies. Elle est lauréate de plusieurs prix littéraires, dont le « Prix Roland de Jouvenel » de l’Académie française pour son essai Le cosmopolitisme de Stendhal et Mérimée (éditions Slatkine) et le « Prix Vénus Khoury Ghata de la Poésie illustrée » pour son livre Les lignes de l’attente (éditions Voix d’encre) en collaboration avec le calligraphe Abdallah Akar.
Votre biographie donne à voir une si grande richesse d’activités. Mais tout d’abord, permettez-moi de vous demander d’où vient votre passion pour la littérature ?
Ma passion pour la littérature remonte à l’enfance et n’a fait que croître au fil des années. J’ai vécu dans une famille d’enseignants et les livres couvraient les murs de notre appartement. Mon père n’allumait la télévision que pour les informations, les soirées étaient donc réservées à la lecture. La bibliothèque de quartier était mon lieu de prédilection. Je dévorais les œuvres des grands classiques en plusieurs tomes : Zola, Les Rougon Macquart, Duhamel, Chronique des Pasquier, Balzac, La Comédie Humaine, puis plus tard évidemment, Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Voilà les principaux dont je me rappelle ! Des livres « cultes », des romans surtout qui ont été très formateurs. J’ai suivi tout naturellement une filière littéraire au lycée, puis j’ai fait une Hypokhâgne et Khâgne au lycée Lakanal de Sceaux, où la littérature était la matière qui retenait le plus mon attention, discipline enseignée par des professeurs d’une très grande exigence.
Professionnellement, quittant la France après ma thèse de Doctorat, j’ai enseigné la littérature française à l’Université de Turin, en tant que lectrice à la Faculté de Sciences politiques, puis Faculté des Lettres. Lors de mes fonctions de directrice d’Institut culturel auprès de l’Ambassade de France, j’ai continué à faire la promotion de la langue française à travers l’invitation de nombreux écrivains francophones. J’ai pu, grâce à une rigoureuse organisation, concilier ma carrière et mon activité personnelle d’écriture.
Vous voyez donc que la littérature ne m’a jamais quittée !
Le sujet de votre thèse de doctorat à la Sorbonne était « Le cosmopolitisme dans les textes courts de Stendhal et Mérimée » pour laquelle vous avez reçu en 1991 le Prix de l’Académie française, Roland de Jouvenel. Dans quelle mesure ce domaine d’études a marqué votre univers littéraire ? Je pense surtout au genre de la nouvelle mis à l’honneur à travers votre thèse.
J’avais étudié les Chroniques italiennes de Stendhal, les Souvenirs d’Egotisme, Racine et Shakespeare pour ma maîtrise et je m’étais délectée de ces formes courtes, resserrées où l’essentiel est dit en peu de mots, dans une langue épurée. Stendhal avait sans conteste ma prédilection parmi les écrivains français. Je n’avais pas envie de me pencher sur ses romans, mais bien davantage sur ses nouvelles peu connues du grand public. J’ai donc décortiqué les mécanismes de la nouvelle à travers ces deux écrivains français, mais aussi auprès d’écrivains étrangers comme Gogol, Edgar Poe, Dino Buzzati…
Mon approche à l’écriture s’est donc faite par la rédaction de nouvelles. J’aime beaucoup les contraintes qu’exige la nouvelle. C’est un exercice très stimulant intellectuellement. Il peut se réaliser en quelques heures, mais il fait appel à une très forte concentration et implique une relecture vigilante pour ne pas décevoir le lecteur. Je suis aussi très attirée par l’originalité, l’absurde et la nouvelle prête parfaitement ses limites pour ces dernières. Par ailleurs, je trouve que l’existence quotidienne est riche de situations cocasses, étranges et qu’il suffit d’être observateur pour ensuite avoir un précieux matériau sur lequel travailler et moudre, selon son imagination… En 2010 est paru mon recueil Rien ne va plus aux éditions l’Harmattan. J’ai écrit ensuite à rythme régulier des nouvelles pour des anthologies thématiques.
Et la poésie ? Je mets à part à dessein ce genre littéraire que l’on qualifie souvent comme une catégorie qui réclame, nous dit-on, des dons particuliers. Est-ce le cas pour vous ?
Je suis un peu étonnée en effet de la position que l’on attribue à la poésie. C’est en France que je le découvre surtout. La poésie est un genre littéraire et comme tel, il ne convient pas de la dissocier de la Littérature avec un « L » majuscule. Cette mise à l’écart ne me paraît pas offrir une vision positive du genre, comme si l’on s’en méfiait ou comme si on la réservait à une élite fantasque. Certes, la poésie classique requiert aujourd’hui un effort consistant pour le lecteur, elle peut aussi faire preuve d’un certain hermétisme, mais la poésie en prose a quelque peu rendu l’abord plus aisé. Quant à la poésie contemporaine, la poésie urbaine, elle cible un plus grand nombre de lecteurs. Les avis divergent quant à cette dernière. Personnellement, je m’en tiens à une exigence de qualité.
Mais je n’ai pas encore répondu à votre question… Oui, la poésie demande des dons particuliers. Il faut selon moi s’échapper un peu aux autres, parfois à soi-même. Un ami poète marocain m’a dit qu’il était essentiel d’échanger au-delà de toute frontière par « devoir de poésie » ; j’ai beaucoup apprécié cette expression. L’écriture poétique est devenue pour moi une nécessité. Presque au quotidien.
J’ai toujours dans mon sac, mes poches, des bouts de papier pour pouvoir griffonner des mots. Je peux écrire de la poésie dans un lieu public, comme un café du moment que je n’y connaisse personne. J’écris aussi très facilement dans le train ou dans l’avion. De nuit, aussi, je me réveille souvent et j’écris quelques mots qui jaillissent sans contrôle et que j’utiliserai le lendemain. J’aime cet éloignement du rationnel. J’ai eu un métier qui exigeait de la réactivité, du pouvoir décisionnel, une rigueur administrative. La poésie faisait alors un heureux équilibre.
S’il fallait vous définir par rapport aux thèmes que vous abordez justement dans vos œuvres littéraires, choisiriez-vous celui d’une voyageuse sans répit, d’une « exilée volontaire », d’une expatriée, comme vous le dites dans un de vos textes biographiques ?
J’assume les trois terminologies et nuancerai celui de « voyageuse sans répit » que je remplacerai par « voyageuse inlassable. « Sans répit » ferait appel selon moi à une insatisfaction et quasiment à une impossibilité de rester en place. Or, ce n’est pas le cas, j’aime partir, mais j’aime revenir. Et en effet, je ne me lasse pas de voyager, car c’est pour moi avant tout un désir de curiosité. Un désir de se confronter à l’autre, un souhait aussi de relativiser.
J’ai été aussi « exilée volontaire » ou mieux « expatriée » qui est le terme plus usuel, par le métier de diplomate culturelle que j’ai fait pendant plus de 25 ans, hors de France. Ce fut une merveilleuse aventure de tous les instants, j’utilise à dessein le terme d’aventure, qui implique la découverte. Par profession, par passion, j’ai toujours voyagé : en France, mais surtout hors de l’hexagone, dans toute l’Europe, puis maintes fois en Afrique du Nord, en Afrique sub-Saharienne, au Proche-Orient, récemment au Québec.
La plupart de mes voyages ont été réalisés dans le cadre d’invitations, colloques, rencontres, festivals. Et bien sûr, ils ont été intégrés dans mes recueils poétiques. Mon dernier livre, une anthologie qui s’intitule Comme un parfum d’errance, publié cet automne 2024 chez Virgule Éditions au Maroc en est, s’ il le faut, la preuve.
Si on comprend bien, votre soif d’Ailleurs n’est pas synonyme d’une fuite en avant, d’un retranchement du monde, mais au contraire, d’un désir de connaître d’autres gens, d’autres lieux de vie. Quelle importance ont pour vous ces rencontres humaines ?
En effet, il ne s’agit nullement de fuite, ni de besoin de retranchement, même si j’avoue aimer davantage les grands espaces que les espaces urbains. Les rencontres humaines dans différents pays de langues, de religions différentes, de modes de vie divers me fascinent. C’est vraiment pour moi capital que de pouvoir dialoguer, être attentive à ceux que je côtoie. J’engage facilement la conversation, je maîtrise une ou deux langues, en mâchonne d’autres, bref, je trouve toujours la manière de m’exprimer. Et j’aime surtout le caractère des rencontres spontanées. Invitée en résidence d’écrivain en Arabie Saoudite, je me suis retrouvée au bout de cinq minutes à partager un thé avec des femmes qui voulaient bavarder. C’était un moment magnifique, nullement préparé.
Lorsqu’ on voyage seule, il y a selon moi d’immenses avantages. On est disponible, à l’écoute des autres. On revient ensuite chez soi le cœur plus lourd ou plus léger, mais enrichi.
Dans un texte plus récent, vous parlez « des lieux qui font miroir, qui s’imposent à l’esprit, qui émeuvent, bouleversent par séduction instantanée ». Pensez-vous que cet émerveillement est nécessaire pour embrasser le monde ? Et si oui, quel regard posez-vous sur cet Ailleurs ?
Cette phrase se réfère à mon récent séjour en Arabie Saoudite qui fera l’objet d’une publication : Journal d’une Voyageuse en Asir. J’étais dans la région sud de la péninsule, près du Yémen, dans une région montagneuse sur un plateau à 2500 mètres d’altitude. Une région verte, avec de très fortes dénivellations, des paysages à couper le souffle, loin des étendues désertiques que l’on connaît par les reportages. J’ai été émerveillée. Et je pense que l’émerveillement est nécessaire pour embrasser le monde.
Mais s’émerveiller est avant tout une disposition d’esprit. Savoir laisser de côté les préjugés, avoir envie d’écouter, de prendre son temps aussi. Nous courons toujours. Il est bon de ralentir parfois son rythme pour réfléchir aussi à ce que cet Ailleurs représente et par ricochet ce que notre « chez nous » véhicule comme images. Le terme de « cosmopolite » est beaucoup moins usité de nos jours, mais il me semble qu’au-delà de mon sujet de thèse, il représente un état d’esprit qui est le mien.
Toujours dans cet Ailleurs, il faut poser son regard sur le soleil qui lui offre un éclat particulier, à tel point que vous devenez vous-même un être solaire, à la fois dans votre besoin vital de bien-être et dans la manière de décrire le monde qui vous entoure. Que représente pour vous cette solarité ? Peut-on relier ce caractère solaire au besoin de beauté, au regard de rendre beau le réel qui vous entoure ? Je citerai aussi cette magnifique phrase dans laquelle vous dites que même vos syllabes deviennent lumière.
Je suis une Parisienne qui a toujours été attirée par les régions du sud, où le soleil était plus généreux. C’est pourquoi enfant, adolescente, et même jeune adulte, j’avais un problème de positionnement avec Paris, et sa banlieue les trouvant grises, manquant de cette lumière solaire dont j’ai besoin. J’ai vécu en Sicile, sur la Côte d’Azur, au Maroc, j’ai été baignée de soleil et il est vrai que la vie y est parfois plus facile par cette clémence des températures, par l’éclat que le soleil peut donner aux lieux.
Il est vrai que je suis attirée par les régions ou pays écrasés de chaleur. Je m’y sens bien. Il y a la lumière du soleil, mais aussi la mer, surtout la mer Méditerranée. Elle revient dans mes nouvelles, comme dans Heurtoir en mer ou dans Mer en détours. Elle est omniprésente dans mes poèmes, comme dans cet épilogue avec la citation suivante : « La mer murmure à celui qui sait d’un doigt caresser la vague ». Je ne peux guère vivre sans la mer, c’est pourquoi dès que je peux, je m’échappe de Paris pour la contempler ou pour me retrouver avec moi-même.
Oui, rendre plus beau le réel, le vêtir de couleurs sont pour moi des tâches que je m’assigne dans l’écriture de fiction et que je souhaite offrir à mes lecteurs, pour une pause, un ressourcement. Il ne s’agit pas d’un aveuglement, ni d’un évitement, mais bien d’un souhait d’une certaine félicité.
Le besoin de partage que nous évoquions plus haut est à associer dans votre œuvre poétique à celui de la séparation, à la nostalgie et à l’abandon. « Les séparés de l’aube mettent leurs pas/Dans les bras/De l’autre », écrivez-vous dans Éclat de murmures. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Bien sûr, qui dit partage, dit aussi abandon… Nos existences sont ponctuées de moments douloureux et la poésie peut avoir cet effet apaisant, voire cicatrisant. Mais je ne tiens nullement à partager de façon ostentatoire mes peines avec autrui. Je trouve cela impudique. C’est aussi pour cela que j’utilise peu la première personne du singulier dans mes poésies. Évidemment, des lecteurs attentifs peuvent comprendre, cerner des émotions, des émotions qui par ailleurs sont universelles comme la perte d’un être cher.
Eclats de murmures écrit en 2016 est en effet un volume où la nostalgie est plus présente. J ‘étais revenue à Paris pour un « entre-deux » avant de repartir en poste à l’étranger. J’avais beaucoup de mal à prendre le métro le matin dans la fameuse grisaille, dans cette course matinale, sans regard pour l’autre et j’ai écrit sur ces « séparés de l’aube » ces passants sans joie, qui pourront retrouver « dans les bras de l’autre « un moment de grâce ».
N’oublions pas le rêve. Il faudrait l’écrire en majuscules chez-vous pour lui rendre sa véritable valeur symbolique, tant il en dit énormément sur ce besoin intérieur qui vous anime. Pour l’illustrer, il suffirait de citer le titre d’un de vos recueils, Ne me dérêve pas, néologisme qui appartient à votre enfance. Accepteriez-vous de nous dévoiler le secret de son origine ?
Oui le rêve, je l’évoque à chaque entretien, car c’est un véritable credo. Alors parlons d’abord du titre de ce recueil paru en Roumanie, chez Junimea. J’en ai raconté l’anecdote à mon éditrice qui s’est montrée enthousiaste et a dit : je prends ! Cela remonte à mon enfance. J’étais fréquemment confiée le week-end à ma grand-mère maternelle, institutrice de la vieille école, très à cheval sur les bonnes manières et toutes les règles qui en découlaient ainsi que les horaires qu’ il fallait impérieusement respecter ; me cachant sous un lit pour échapper à sa surveillance, je lui lançais à répétition ce cri du cœur : « Ne me dérêve pas ! » Je m’en rappelle comme si c’était hier. Enfant quelque peu solitaire, timide, j’avais besoin de mon monde personnel, de me réfugier dans un univers que je me construisais.
Le rêve m’a accompagnée toute ma vie. Il s’agit tout autant de la fonction physiologique du cerveau – je rêve beaucoup -, que de cette propension à m’éloigner du réel pour quelques secondes, minutes ou heures. Le rêve n’est pas une fuite, une fragilité, c’est un formidable stimulant, un puissant moteur de création.
Le rêve est une terre fertile dans laquelle je m’épanouis.
Je vous propose d’aborder le thème du voyage. Votre avant-dernier recueil relie en poésie les villes de Paris et Rome, deux lieux qui vous sont chers. Qu’ont-elles de fascinant pour devenir des sujets poétiques, des sujets de cœur pour vous ?
Je voudrais, avant de vous parler de ce recueil, vous dire que la littérature de Voyage a été un sujet d’études depuis mes années universitaires. À la Sorbonne, j’appartenais à un Centre de recherche sur la littérature de Voyage, à Turin, j’étais membre du Centre international de Recherche sur le Voyage en Italie. J’ai écrit plus d’une cinquantaine d’articles sur la littérature de Voyage, principalement en Italie, mais aussi en Orient au XIXe siècle. Réfléchir de façon critique sur des lieux emblématiques était un sujet privilégié et j’ai été invitée dans de nombreuses universités dans le monde pour donner des conférences sur cette thématique de Littérature de Voyage. Après les essais critiques, j’ai intégré cet intérêt pour des lieux qui me fascinaient dans mes textes de création.
Il en est ainsi de Paris et de Rome. J’ai souhaité écrire des poèmes sur ces deux capitales qui font partie de ma vie. Si je suis parisienne de naissance, je suis italienne de cœur, ayant travaillé quinze ans en Italie, à Turin et Palerme et ayant séjourné très fréquemment à Rome. J’ai donc voulu rendre hommage à ces deux sublimes capitales en écrivant un nombre égal de poèmes sur l’une et sur l’autre. J’ai eu envie de poser un regard complice sur la capitale française au fil de mes déambulations retrouvées, puis de glisser vers l’Ailleurs et vers l’Autre en croquant « l’arte di godere » qui demeure à Rome.
Mon avant-dernier recueil Paris/Rome, impressions jumelles a été publié à Iasi, ville roumaine particulièrement francophone, où j’ai travaillé. Par ailleurs, j’ai découvert que la « Ville lumière » et la « ville Éternelle » sont liées par un jumelage, depuis le 31 janvier 1956, seul jumelage au monde unissant deux capitales, deux villes qui vivent au rythme de l’Histoire, de l’Art, de la Littérature. J’ai donc voulu leur rendre hommage en compagnie des deux peintres jumeaux franco-serbes Slobodan et Vladimir Peskirevic.
Vos poèmes sont traduits en plusieurs langues : italien, roumain, espagnol, portugais, anglais, arabe, turc, albanais et occitan. Pourquoi avoir fait le choix de ces éditions bilingues, voire multilingues ? Quel rôle a la traduction ?
Nous avons parlé de partage au début de cet entretien. C’est toujours de partage qu’il s’agit avec le recours à l’alliance avec une autre langue. La traduction accompagne ce partage, ce voyage. Elle est indispensable au parcours de l’œuvre en dehors de son pays d’origine. C’est pourquoi je suis immensément reconnaissante à mes traducteurs et que je souhaite les citer : en Italien (Giovanni Dotoli), en roumain (Simona Modreanu), en espagnol (Simona Leonti et Pedro Viana), en portugais (José Manuel de Vasconcelos), en arabe (Karim Karrakchou et Mounir Serhani), en anglais (Cécile Oumhani), en turc ( Metin Cengiz), en albanais (Anila Dahriu) et en occitan (Guy Mathieu).
Les choix bilingues s’imposaient, lorsque la publication du recueil était faite à l’étranger. Une édition plurilingue pour le recueil A l’heure blanche dans les cinq langues romanes a été réalisée en Roumanie. Ce fut un choix personnel et non éditorial, même si l’éditeur a accepté de suite l’idée.
Quant à la qualité de la traduction, je sais combien elle est réussie en poésie, quand on ne « sent » plus la langue originale, mais que le traducteur a su donner vie aux poèmes dans sa langue.
Capital et complexe est donc le travail du traducteur.
Quel rôle joue pour vous les illustrations qui accompagnent vos recueils ? En quoi cette synergie accroît la valeur d’un livre de poésie ?
Mes 11 recueils de poésies ont été accompagnés d’illustrations de peintres ; plus que d’illustrations je préférerai dire une création en écho. En effet, certains peintres ont créé des toiles à partir de mes poèmes, mais l’inverse a eu lieu également. J’ai été inspirée par les tableaux de Paris de Slobodan et Vladimir Peskirevic dans Paris/ Rome, impressions jumelles ou les calligraphies d’Abdallah Akar dans les Lignes de l’Attente publié chez Voix d’encre et Instantanés d’une rive à l’autre et j’ai écrit des poèmes .Eux aussi en retour ont senti le besoin de créer des toiles laissant libre cours à leur imagination, à partir de mes textes. Vous parlez de synergies, je dirai aussi de complicités, de confidences.
J’aime depuis toujours la peinture, le dessin. J’ai peint en amateure et j’aime le dialogue des arts. Par ailleurs la représentation visuelle est très importante dans mes poèmes. Je « vois » toujours une scène. C’est pourquoi la présence d’un peintre à mes côtés s’impose-t-elle. C’est une harmonie. Comme j’ai cité mes traducteurs, je citerai 5 autres peintres avec qui j’ai collaboré, Marco Nereo Rotelli (Italie), Dragos Petrascu (Roumanie), Aissa Ikken ( Algérie), Youssef ElKhafay ( Maroc), Adli Rizk ‘allah ( Egypte). Comme vous voyez toujours une collaboration internationale.
Pour clore cet entretien, je m’attacherai à la place importante que vous accordez aux femmes dans vos œuvres, que ce soient les nouvelles ou les poésies. Les femmes que vous évoquez sont des battantes, et aussi des amoureuses. Font-elles preuve de ce caractère solaire que nous évoquions auparavant ?
Oui, vous avez raison, les femmes occupent une place très importante dans mon écriture. Je citerai un petit recueil de poésies intitulé Encres lacérées, avec les encres de Philippe Bouret publié chez Cronedit, en 2020. En m’inspirant de ses dessins, j’ai rédigé une ode aux femmes battantes d’hier et d’aujourd’hui avec le dyptique : « Elles étaient » et « elles seront ». Des amazones, des guerrières, mais aussi des femmes d’une grande sensualité.
Je pense que dans chaque recueil de poésies que j’ai écrit il y a plusieurs poèmes consacrés à la femme, à son combat, à sa ténacité, à ses victoires. J’y vois en effet des femmes solaires, positives, parfois rusées comme dans plusieurs de mes nouvelles, mais toujours attachantes. Des êtres positifs qui trouvent des obstacles sur leur chemin, mais se relèvent. Des femmes qui rayonnent par leur présence et aspirent à cheminer en équilibre avec leurs compagnons masculins.
J’aimerais en guise de conclusion évoquer un projet. Le Voyage et la place des femmes dans le monde ont toujours fait de mes centres d’intérêt. Et pour comprendre notre siècle, il convient de remonter le cours de l‘Histoire. Aussi me suis-je occupée de littérature de Voyage au féminin en prenant des exemples de femmes de lettres du 19e siècle qui ont été des pionnières, telles Louise Colet, Olympe Audouard, Juliette de Robersart, Valérie de Gasparin ou Amalia Nizzoli. Cet argument qui fit l’objet d’un catalogue en Italie, il y a plus de 20 ans, intéresse aujourd’hui une éditrice italienne, sous forme d’une anthologie. Continuité ? Actualité ? La littérature permet tout autant l’évasion que l’engagement et nos ainées nous l’enseignent.
Mon souhait est que mon écriture puisse faire œuvre utile.
Propos recueillis par Dan Burcea
Crédits photo de Muriel Augry © Fabien Merlino