C’est à pas feutré, nous le savons, qu’il faut s’aventurer sur les sentiers de la poésie, comme ici sur ceux de Martine Rouhart dans son dernier recueil Des chemins pleins de départs publié dans la très jeune et dynamique maison Toi Éditions.
Conçu en trois mouvements, ce recueil surprend par la beauté secrète qui surgit à chaque page pour donner sens à la contemplation du monde que mène le regard enchanté de l’autrice.
D’abord le rêve
La matérialité des paysages traversés par l’intranquillité des averses se fonde très vite dans « des copeaux de songes » qui les survolent en se laissant soudain pénétrer par un silence désireux de « blottir nos âmes rapiécées ». Le rêve devient à la fois réalité et désir, repos et envol, action et extase.
Le voyage imaginaire de Martine Rouhart emporte avec lui le bleu de ces « songeries » pour les convertir en « ailes immenses » capables de faire de ses pas des ailes capables de l’aider à survoler les océans :
On pense
que je rêve de voler
je cherche seulement un rêve
assez haut
où me coucher
Le poème devient là encore « éclaireur », guide et soutien, dans une équipée féline traversant secrètement le paysage surréaliste d’un monde merveilleux, semblable aux contrées oniriques protectrices.
Écrire !
L’écriture vient éclairer les matins portant encore la brume des rêves et des étoiles qui avait illuminé les nuits de l’autrice.
La plume surgit de l’intérieur pour nous faire découvrir la beauté du monde soudain révélé :
On écrit
depuis l’intérieur
on voudrait
ouvrir des chemins
vers d’autres
mondes
Écrire est pour Martine Rohart à la fois miracle et étonnement, chose menue qu’elle tient dans le creux de sa main, respiration et joie, oscillation entre « incertitude entre douceur et inquiétude », débordement et silence, trop plein et solitude, « une danse intime », « son propre chant », un bonheur secret, son « plus grand voyage ».
Ce n’est que dans ce silence que se dévoile l’âme qui donne vie au poème, comme un chemin vers un « inlassable questionnement ».
Des chemins pleins de départs
Le désir de voyage que portent les poèmes de Martine Rouhart dans cette troisième partie prend une dimension intérieure, même si la vitesse que la rêverie lui confère ambitionne de faire concurrence au rythme alerte du temps qui passe. Le murmure impose pourtant sa discrétion pour permettre d’arriver « aux confins de l’essentiel », à tous les « désirs d’infini » auxquels aspire l’âme de sa plume. Ciel, mémoire, immensité aspirent à leur tour à toucher l’éternité et partager la route de « la joie de l’aube », n’ayant comme bagage « qu’une poignée de mots » qui empêchent nos pas de se perdre « sur trop de routes à double voie ».
Nos pas se perdent
sur trop de routes
à double voie
gardons seulement
le chemin
qui n’en finit pas
avec pour bagage
une poignée de mots
Dan Burcea
Martine Rouhart, Des chemins pleins de départs, Toi Éditions, 2024, 72 pages.
1 Rétrolien / Ping
Les commentaires sont fermés.