Cinque poèmes de Sandrine Davin

 

 

La gantière

Dans le noir

De l’atelier

Les doigts en or

De grand-mère

Cousent

Décousent

Nuit et jour

Pour trois francs

Six sous

Les doigts s’usent

Sous le tissu

Dans le noir

De l’atelier

Le bruit des machines

Ecorche les oreilles

De grand-mère

– Il est bien loin ce temps –

Cent ans passés

Ma main dans la tienne

Je te laisse me raconter ta vie

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Jardin de grand-père

C’était il y a longtemps – 

Ta main

            Dans la mienne

L’horizon

                        À perte de vue

Le grillage

                                    De rouille

Et les herbes mortes

Ta main

                        Ridée

                                         Qui crevasse la terre

La mienne

                        Si rose

                                         Effleurant les ronces

Tes yeux

                        Dans les miens

Le bleu du ciel

                        En morsure de lèvres

Et quelques grains de terre

                        Entre nos doigts

C’était il y a longtemps

                                    Et aujourd’hui encore

Ces quelques grains de terre

                                               Rident ma chair

 

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Prisonnière

À genoux

Dans sa cellule de 8 m²

Elle attend.

Une poignée de secondes

Entre les doigts

Elle attend.

Les lèvres

Cousues de silence

Et la chair

Rongée par l’hier

Elle attend.

Derrière le verrou

Le froid inonde

Son corps

Son être

– Tic-Tac – 

À genoux

Seule son ombre

Résiste

À la grâce de Dieu.

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Lettre de confinement

Jour 3 –

Aujourd’hui je pense à toi, un peu plus fort que d’habitude Papou.

On nous a dit «c’est la guerre !».

Tes mots résonnent à mes oreilles bizarrement.

C’est un jour particulier.

Je me demande comment tu réagirais si t’étais là.

Mais tu n’es pas là …

Toi, l’ancien maquisard, j’ai l’impression de vivre ou tout au moins de ressentir ce que tu as vécu.

Étrange sensation …

Il fait beau, tu sais.

Maman et Papa sont à l’abri ne t’inquiète pas !

Mamou garde le sourire derrière la fenêtre de son EHPAD.

Elle est courageuse tu sais !…

Bon, je dois te laisser mais sache que je ne t’oublie pas.

Ta petite fille qui t’aime.

19/03/2020

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Lettre d’un soldat

Sur un sol nauséabond

Je t’écris ces quelques mots

Je vais bien, ne t’en fais pas

Il me tarde, le repos.

Le soleil toujours se lève

Mais jamais je ne le vois

Le noir habite mes rêves

Mais je vais bien, ne t’en fais pas …

Les étoiles ne brillent plus

Elles ont filé au coin d’une rue,

Le vent qui était mon ami

Aujourd’hui, je le maudis.

Mais je vais bien, ne t’en fais pas …

Le sang coule sur ma joue

Une larme de nous

Il fait si froid sur ce sol

Je suis seul, je décolle.

Mais je vais bien, ne t’en fais pas …

Mes paupières se font lourdes

Le marchand de sable va passer

Et mes oreilles sont sourdes

Je tire un trait sur le passé.

Mais je vais bien, ne t’en fais pas …

Sur un sol nauséabond

J’ai écrit ces quelques mots

Je sais qu’ils te parviendront

Pour t’annoncer mon repos.

Je suis bien, ne t’en fais pas …

Sandrine Davin est née le 15/12/1975 à Grenoble où elle réside toujours.
Elle est auteure de poésie contemporaine inspirée des tankas, elle a édité 15 recueils de poésie dont le dernier s’intitule « Fracture de terre » chez TheBookEdition.
Ses ouvrages sont étudiés par des classes de l’enseignement primaire et au collège où Sandrine intervient auprès de ces élèves.
Elle a ce goût de faire partager la poésie au jeune public et de donner l’envie d’écrire…
Elle est également diplômée par la Société des Poètes Français pour son poème “Lettre d’un soldat”.

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