La gantière
Dans le noir
De l’atelier
Les doigts en or
De grand-mère
Cousent
Décousent
Nuit et jour
Pour trois francs
Six sous
Les doigts s’usent
Sous le tissu
Dans le noir
De l’atelier
Le bruit des machines
Ecorche les oreilles
De grand-mère
– Il est bien loin ce temps –
Cent ans passés
Ma main dans la tienne
Je te laisse me raconter ta vie
Jardin de grand-père
C’était il y a longtemps –
Ta main
Dans la mienne
L’horizon
À perte de vue
Le grillage
De rouille
Et les herbes mortes
Ta main
Ridée
Qui crevasse la terre
La mienne
Si rose
Effleurant les ronces
Tes yeux
Dans les miens
Le bleu du ciel
En morsure de lèvres
Et quelques grains de terre
Entre nos doigts
C’était il y a longtemps
Et aujourd’hui encore
Ces quelques grains de terre
Rident ma chair
Prisonnière
À genoux
Dans sa cellule de 8 m²
Elle attend.
Une poignée de secondes
Entre les doigts
Elle attend.
Les lèvres
Cousues de silence
Et la chair
Rongée par l’hier
Elle attend.
Derrière le verrou
Le froid inonde
Son corps
Son être
– Tic-Tac –
À genoux
Seule son ombre
Résiste
À la grâce de Dieu.
Lettre de confinement
Jour 3 –
Aujourd’hui je pense à toi, un peu plus fort que d’habitude Papou.
On nous a dit «c’est la guerre !».
Tes mots résonnent à mes oreilles bizarrement.
C’est un jour particulier.
Je me demande comment tu réagirais si t’étais là.
Mais tu n’es pas là …
Toi, l’ancien maquisard, j’ai l’impression de vivre ou tout au moins de ressentir ce que tu as vécu.
Étrange sensation …
Il fait beau, tu sais.
Maman et Papa sont à l’abri ne t’inquiète pas !
Mamou garde le sourire derrière la fenêtre de son EHPAD.
Elle est courageuse tu sais !…
Bon, je dois te laisser mais sache que je ne t’oublie pas.
Ta petite fille qui t’aime.
19/03/2020
Lettre d’un soldat
Sur un sol nauséabond
Je t’écris ces quelques mots
Je vais bien, ne t’en fais pas
Il me tarde, le repos.
Le soleil toujours se lève
Mais jamais je ne le vois
Le noir habite mes rêves
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …
Les étoiles ne brillent plus
Elles ont filé au coin d’une rue,
Le vent qui était mon ami
Aujourd’hui, je le maudis.
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …
Le sang coule sur ma joue
Une larme de nous
Il fait si froid sur ce sol
Je suis seul, je décolle.
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …
Mes paupières se font lourdes
Le marchand de sable va passer
Et mes oreilles sont sourdes
Je tire un trait sur le passé.
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …
Sur un sol nauséabond
J’ai écrit ces quelques mots
Je sais qu’ils te parviendront
Pour t’annoncer mon repos.
Je suis bien, ne t’en fais pas …
Sandrine Davin est née le 15/12/1975 à Grenoble où elle réside toujours.
Elle est auteure de poésie contemporaine inspirée des tankas, elle a édité 15 recueils de poésie dont le dernier s’intitule « Fracture de terre » chez TheBookEdition.
Ses ouvrages sont étudiés par des classes de l’enseignement primaire et au collège où Sandrine intervient auprès de ces élèves.
Elle a ce goût de faire partager la poésie au jeune public et de donner l’envie d’écrire…
Elle est également diplômée par la Société des Poètes Français pour son poème “Lettre d’un soldat”.