De la hauteur de sa longue expérience et convoquant une mémoire à la fois « si précise et si floue », Baptiste-Marrey extrait dans son nouvel ouvrage « Des belles utopies aux dures réalités » un condensé en trois points : celui « de salarié dans des équipes ou des institutions culturelles », celui « d’homme de terrain et de militant bénévole s’exerçant dans des associations de réflexion et de prospective » et, sur un plan mis volontairement en sourdine, celui d’écrivain. Cette perspective est mieux éclairée par le sous-titre de ce livre-manifeste, « Parcours d’un militant culturel 1954-2016 ». Nous voici donc devant plus de soixante années dédiées à l’acte culturel, à son implantation dans les territoires et à son rôle dans la vie de la cité avec ses fluctuations et ses populations se renouvelant sans cesse, à ses rapports avec le politique ou les politiques, à son évolution (ou à son usure ?), à ses écueils devant la mondialisation et son cheval de Troie de la médiocrité sonnante et trébuchante. Nous avons voulu en savoir plus en questionnant Baptiste-Marrey, cet amoureux du théâtre qui fut l’ami d’Albert Camus, et héritier d’une vision qui a toujours refusé les idéologies qui finissent presque toujours par produire des clichés, de l’indifférence et par voie de conséquence, des inégalités.
Comment définiriez-vous l’acte culturel dans la vie de la société ?
Je répondrai par plusieurs choses à cette question. La première, c’est que, quoique disent les marxistes, la création culturelle est imprévisible, c’est-à-dire que des choses nouvelles arrivent tout le temps, souvent bénévolement, qui ne s’inscrivent pas dans un schéma économique, etc. et qui sont tout-à-fait improbables. Personne n’aurait pu prévoir que Wagner créerait à la fin du XIXe siècle le théâtre de Bayreuth de facture nouvelle où il n’y avait plus de balcon et qui a conditionné tout l’opéra depuis ce temps-là. Il était tout aussi imprévisible que dans un siècle athée et laïc, en parallèle avec Boulez, il y ait un musicien catholique comme Olivier Messiaen. La force de l’action culturelle dans une société c’est qu’elle peut se structurer, tout en restant pour l’essentiel bénévole. Toutes les associations dans lesquelles j’ai milité et dans lesquelles je continue de militer sont bénévoles et vivent avec des tout petits budgets. Il s’agit donc d’une action libre qui obéit évidemment à un schéma social, si vous voulez, mais qui n’obéit pas à une volonté ou à une obligation « d’être rentable ». Le deuxième point, – je ne peux parler ici que de la France –, c’est qu’il y a eu une évolution considérable entre ce que j’ai connu, depuis disons 1950, dans un pays complètement ruiné, divisé, et entre les années 2000 dans un pays qui connaît la prospérité et qui est intégré à l’Europe. En parallèle, et souvent contre les forces politiques et économiques, c’est créé en France – qui est depuis toujours, depuis François 1er, un pays très centralisé – un mouvement sans grand moyens, sans média, qui avait pour objectif d’apporter dans les territoires abandonnés culturellement une forme d’expression par le théâtre, une forme d’expression contemporaine, une forme de beauté indépendante de tout problème financier ou politique.
Quel est, justement, le rapport au politique et à l’économie du mouvement culturel ?
Un point sur lequel j’insisterais ici, c’est qu’il existe aujourd’hui un conflit latent avec des fonds financiers privés. Ces fonds cherchent, par une exploitation commerciale, à la fois à satisfaire les goûts moyens du public par la comédie, par la satire, et d’assurer aux municipalités la gestion des théâtres. C’est ce qui s’est passé à Saint-Malo récemment. Dans une certaine mesure c’est aussi ce qui s’est passé à Yerres où la mairie a démoli la tentative originale du centre éducatif et culturel dans l’espace d’une quinzaine d’années environ pour construire un théâtre municipal traditionnel qu’elle a loué à un producteur/tourneur dont elle a abandonné commercialement la direction artistique. Il s’agit là d’une tendance qu’on peut voir dans un certain nombre de villes moyennes, de communes et même à Paris où les théâtres sont de plus en plus souvent achetés par des groupes financiers avec des moyens considérables.
Vous évoquez dans une vision dichotomique – immobilisme-changement –, l’arrivée au pouvoir des socialistes en 1981. Comment décririez-vous ce nouveau paradigme qui prend en compte ce que vous appelez « les nouveaux révélateurs de l’évolution de la société française », à savoir « la vie culturelle, l’urbanisme et la communication » ?
Durant mon expérience de chargé de mission pendant laquelle j’ai examiné 54 villes moyennes – de 10 000 à 50-60 000 habitants – j’ai pu mesurer la lente montée du monde associatif et éducatif. Petit à petit, sur des problèmes quotidiens, ce monde a réussi, sans être vraiment socialiste, au sens des militants encadrés d’un parti, à contrer l’autoritarisme des maires de droit divin. Pour transcrire cela en termes de rentabilité, il s’agissait d’un conflit entre d’une part des associations qui voulaient offrir une salle de spectacles accessible à des artistes et, d’autre part, des maires qui voulaient plutôt la rentabilité par la construction d’un casino, une super salle des fêtes qui servirait trois fois par an. Par la suite, par le jeu presque naturel des choses, ces gens ont pris le pouvoir, en intégrant les conseils municipaux. Ils sont devenus à leur tour maires ou députés, mais surtout maires. C’était aussi le début d’une réflexion que ces villes avaient droit à des équipements comme les grandes villes, sinon elles se vidaient, et aussi – même si en réalité je ne peux pas l’appeler écologique, car c’était avant cela – mais l’idée qu’on pouvait faire des rues piétonnes qui n’existaient pas auparavant et que l’on pouvait aménager des chemins de traverse, qu’on pouvait enterrer les voitures dans des parkings, que l’on pourrait réhabiliter des vieilles maisons et qu’il n’était pas nécessaire de démolir. Une chose traditionnelle en France c’est qu’avant il y avait des couvents partout au XVIIe, XVIIIe siècle. Ils sont devenus des casernes sous Napoléon ou des lycées sous la 3e République. Ces bâtiments n’étaient plus conformes aux normes, ils n’étaient plus adaptés à la vie moderne. On a donc construit des cités scolaires ou des lycées en périphérie des villes. Que devrait-on faire de ces vieilles bâtisses qui étaient ancrées dans l’histoire de la cité dans lesquelles toute la population, y compris les élus, étaient passés comme élèves ou comme professeurs ? Est-ce qu’il fallait les démolir ou, au contraire, les utiliser autrement pour en faire un musée, un conservatoire de musique, etc. ? Voilà la trame de l’urbanisme progressif, très lent et qui dépendait des circonstances locales mais qui a fait que la France qui est un vieux pays et qui, malgré les guerres et les destructions, possédait tout un patrimoine architectural pas forcément de grande qualité – évidemment il n’était pas question de modifier la Cathédrale de Chartres, qui est le patrimoine numéro 1 –, mais là le patrimoine numéro 2, secondaire. Là il y avait plus de choses à construire qu’à démolir et à utiliser d’une manière intelligente.
Abordons une question qui vous est chère et que nous pourrions considérer comme venant directement de Camus : celle du rapport entre la parole et la liberté. Votre expérience de terrain vous amène à parler du rapport entre la liberté dans l’acte culturel et les centres donneurs d’ordres ou, pour être plus direct, du centralisme. Quelle a été votre expérience à ce sujet ?
Comme vous le savez, une des caractéristiques de la France est un centralisme outrancier, né de la royauté, renforcé par la République, la Révolution, l’Empire qui fait qu’on est un des seuls pays où toutes les lignes de chemin de fer, toutes les autoroutes partent de Paris, tous les aéroports sont autour de Paris. Tous les médias qui ont une couverture nationale sont aussi parisiens. Vous pouvez avoir sur un spectacle ou sur n’importe quoi un très bon article dans le Provençal ou dans les Dernières nouvelles d’Alsace, cela n’a aucun impact, sinon localement. On peut donc parler d’un centralisme national de l’information culturelle, et il faut dire qu’il existe toujours, c’est d’ailleurs de pire en pire, je trouve. Après, il y a le rapport complexe avec le pouvoir central dans la mesure où la vie culturelle pour les institutions, ainsi bien pour les théâtres et pour certaines compagnies théâtrales, vivent des subventions. Ces subventions peuvent venir localement pour une part, mais pour une grande part venaient donc de l’Etat. Ce n’est plus tout-à-fait vrai aujourd’hui. Les Maisons de la culture ont été imposées par l’Etat, c’est à dire par Malraux sur les collectivités locales qui n’en voulaient pas. Et donc il y a eu toute une stratégie assez subtile qui est peut-être propre à la France qui n’existe plus pour l’instant et dont le héros le plus remarquable a été Roger Planchon, metteur en scène de grand talent, marxiste un peu, brechtien dirons-nous, qui était installé à Villeurbanne, dans la banlieue de Lyon, et qui a fait une excellente carrière nationale. C’était un homme de très grand talent et très, très subtil, très bon stratège. Il préférait, si vous voulez, que la tutelle soit à Paris, c’est-à-dire le plus loin possible de Villeurbanne et non pas locale parce que le maire pouvait dire que le spectacle était choquant pour des raisons morales, politiques, etc. Il préférait le dialogue de Villeurbanne à Paris que de Villeurbanne à Villeurbanne. Donc, la décentralisation théâtrale, à son départ, était aidée pauvrement par l’Etat et elle est devenue petit à petit une espèce de structure qui permettait comme une sorte de plan de carrière où vous pouviez diriger un petit théâtre dans une ville moyenne ou dans une ville de province ou même à Lyon ou dans la banlieue de Lyon et puis obtenir un théâtre dans la banlieue de Paris et ensuite un théâtre national, comme un fonctionnaire qui passe de la sous-préfecture à la préfecture, etc. Et c’est de là que s’est constituée, à mon avis, une espèce d’art officiel, d’un syndicalisme de défense des artistes subventionnés ou des relations avec les territoires ou avec la République.
Vous dressez sous le ton du pamphlet un portrait acerbe du mauvais gestionnaire des affaires culturelles, avec un angle précis tourné vers la ville d’Yerres. Croyez-vous qu’il s’agisse d’un fait isolé ou il y a danger de le retrouver dans d’autres endroits ?
Oui. Yerres est une commune-dortoir, disons, à vingt, vingt-cinq kilomètres au sud-est de Paris. Pour des raisons accidentelles entre quelques personnes qui réfléchissaient aux problèmes éducatifs et culturels et comment la culture pouvait être accessible à toutes les classes. Un industriel mécène, Paul Chaslin, qui avait installé son entreprise à Yerres et qui construisait des collèges industrialisés. Vous savez, il y avait un sous-équipement éducatif en France et on a construit dans ces années, entre 1960 et 1970, des centaines sinon des milliers de collèges qui étaient construits industriellement et qui étaient mis en place très rapidement. Paul Chaslin a été à la fois le patron de cette entreprise qui construisait les collèges et l’innovateur de cette chose qui n’a eu pratiquement qu’un exemplaire en France qui était le Centre éducatif et culturel d’Yerres et qui s’appuyait sur des expériences en Angleterre et dans les pays scandinaves. Il a d’ailleurs été voir dans le nord de la Suède : les écoles sont ouvertes toute la journée et toute l’année. Elles servent au temps scolaire et une fois que le temps scolaire est fini, le samedi ou en fin de journée, leurs équipements, leurs salles, sont utilisés par des associations, par la population qui consulte la bibliothèque, qui fait des ateliers de peinture, de musique, qui fait ce qu’elle a envie de faire. Le paradoxe français d’écoles dans des banlieues sous-équipées qui sont ouverts à peine 150 jours par an, fermées le samedi et le dimanche, fermées trois mois l’été semblait un paradoxe insupportable.
Ils ont réussi à faire collaborer ce qui en France est du domaine de l’impossible, l’Éducation nationale, Jeunesse et sports et les Affaires culturelles. Par exemple, il a été construit un gymnase accolé au collège, ce qui fait qu’il a été très difficile à faire comprendre à l’administration de la Jeunesse et Sports qu’il n’y avait pas besoin de construire quatre murs car il y en avait déjà deux qui étaient construits par l’Éducation nationale. Ce gymnase servait au collège, comme tous les gymnases pour faire de la gymnastique, du basket, du handball et était doté de gradins pour 700 personnes sur les côtés et dont les vestiaires sportifs servaient de loge pour les artistes. Je parle d’ailleurs dans mon livre de ces grands artistes, de ces grands orchestres qui ont défilé dans cette salle.
D’ailleurs, en parlant d’un de cet endroit qui se trouvait à Yerres, vous évoquez le concert de la Symphonie Titan de Gustav Mahler.
Oui, et c’est une des fiertés de ma vie que l’Orchestre de Paris qui est l’un des meilleurs orchestres symphoniques français avec un chef international, reconnu par tout le monde, Carlo Maria Giulini, soient venus jouer en banlieue, alors qu’ils jouaient habituellement devant un public bourgeois mélomane en plein centre de Paris, au Théâtre des Champs Elysées. Les voici donc tout à coup envoyés à 20 km en autocar ou chacun en voiture et on met le matériel dans un gymnase dont l’acoustique avait été légèrement traitée, il faut le reconnaître. Le chef d’orchestre se change dans le vestiaire sportif (rire), et il le fait volontairement. En 1972, en France, pour toutes sortes de raisons qui tiennent à ce que la culture musicale française a été longue à se populariser, et puis par un certain antagonisme quand même vis-à-vis de la musique allemande, enfin ce que l’on jouait était Mozart, Beethoven, Schumann et puis Brahms, alors que Mahler et ses longueurs et ses orchestres très importants étaient quasiment inconnus. Sans faire de sondage, la salle était pleine naturellement, et je suis absolument persuadé que sur toutes les personnes qui étaient là il y avait peut-être au maximum dix ou quinze personnes qui avaient déjà assisté à un concert symphonique, c’était le bout du monde, vous savez. Grâce à la nouveauté de la musique et à la qualité de ce chef d’orchestre exceptionnel, ça a été un très grand moment de découverte. En tout cas, je suis fier d’avoir réussi ça. J’ai loupé beaucoup de choses dans ma vie, mais j’ai réussi ça (rire). Je ne vous fais pas la liste de mes échecs mais j’aurais sans doute beaucoup de choses à raconter…
Maintenant, avec les festivals, il n’y a plus la même originalité, il y a les concerts à Aix en plein air, il y a des concerts à Orange, ce n’est plus tout-à-fait la même chose, les orchestres se déplacent, etc.
Quel regard jetez-vous sur la vie culturelle, surtout celle du théâtre, que vous connaissez au mieux, aujourd’hui ?
Mon regard est critique. Il est critique parce que d’une part, pour des raisons diverses, les théâtres sont surdimensionnés ; ce qu’on a construit, aussi bien les maisons de la culture que les théâtres se sont des salles avec des scènes immenses et avec de grandes audiences, très souvent plus de mille places, ce qui fait que le contact de l’acteur et du public qui est fondamental dans le théâtre, sinon ce n’est pas la peine, est difficile. Très souvent, les voix sont remontées par des systèmes acoustiques, ce qu’on appelle les oreillettes, etc. Le contact entre le public et l’acteur devient donc difficile – première chose. Deuxième chose : comme il n’y a plus de création de texte, le répertoire devient l’adaptation de textes connus, de romans ou de pièces dont on change le sens et qu’on alourdit de tout un matériel sonore, visuel et qui ne respecte plus le sens originel de la pièce. Le mot qui caractérise tout le théâtre contemporain c’est « d’après ». On ne joue plus Shakespeare, on ne joue plus Calderón, on ne joue plus même Pirandello, on préfère « d’après », c’est-à-dire que le metteur en scène reprend l’œuvre – et c’est la même chose pour l’opéra –, en y ajoutant ou en lui retirant des choses et en lui donnant une signification qu’elle n’avait pas au départ. Tout cela au lieu de créer une œuvre nouvelle. Il y a en même temps une surenchère à la fois sur le multilinguisme – c’est quand même extraordinaire que cette année, sauf erreur de ma part, le festival d’Avignon qui se tient au Palais des papes, l’endroit où est né le TNP (Théâtre National Populaire, n.n.) de Jean Vilar et Gérard Philipe est donné un spectacle en japonais. Je n’ai rien contre les Japonais, mais il y a quelque chose qui ne colle pas. De l’autre côté il y a une surenchère de l’avant-gardisme subventionné et c’est là qu’on touche quelque chose qui devient de l’art officiel et qui dans une certaine mesure – je vais poser un jugement moral ce que je ne devrais pas faire et qui est contraire à toutes les mœurs actuelles – qui va dans le sens du nihilisme, du scandale gratuit, dans le sens de la destruction des valeurs, tout cela dans un but de scandale et d’originalité à tout prix au lieu de – ce qui est plus difficile, et je reviens à ce que je disais au début, ce qui n’est pas prévisible, ce qui n’est pas programmable et dont personne n’est capable, c’est de faire émerger un poète, un vrai dramaturge, un vrai compositeur, un vrai peintre. C’est ça qui nous manque et nous ne faisons que de boucher les trous et comme les moyens financiers en France et en Europe occidentale sont considérables, ça fait des spectacles extrêmement couteux et qui n’apportent pas ce que, à mon avis, le théâtre devrait apporter à la fois dans son essence et dans son message.
Et puis, il y a une dernière chose tout-à-fait nouvelle, c’est la force de frappe de l’industrie culturelle qui vient du monde anglo-saxon et qui aboutit à des spectacles de quarante mille, soixante mille personnes. Remplir le Stade de France avec un spectacle ça veut dire que le vrai personnage est comme une tête d’épingle que l‘on multiplie par des écrans, sinon on ne voit rien. Il y a, à mon avis, une espèce de force destructrice de l’industrie culturelle à l’encontre de la création individuelle.
Pour finir sur une note positive, je dirais que, de la même manière que dans les années ’70-’80 on venait au secours des villes moyennes et des centres-villes, en ce moment, en France, il y a une crise des grandes surfaces qui se rétrécissent, qui ferment, qui deviennent des friches, et on assiste en même temps à une reconquête des centres-villes qui s’étaient vidés. Il s’agit donc d’un mouvement nouveau qui fait que, en dehors des grandes métropoles et de leurs banlieues, il y a dans les villes qui ont entre trente mille et quatre-vingt mille habitants qui s’étaient vidées au profit des grandes surfaces extérieures, périphériques, un désir et une obligation économique, de reconquérir les centres-villes et d’abandonner ces espèces de choses épouvantables qu’on appelle les grande-surfaces commerciales.
Vous parlez d’ailleurs à la fin de votre livre du Nouveau Théâtre Populaire qui « monte chaque été – dites-vous – dans un village près d’Angers des spectacles à 5 euros pour les gens de la région. S’agit-il du retour du mouvement associatif ?
Pas vraiment, il s’agit plutôt des professionnels entre vingt et trente ans qui ont été formés, qui vivent toute l’année à Paris ou dans des grandes villes de leur métier d’acteur, de la télé, etc. et qui font quasiment gratuitement ce qu’ils ont envie de faire pendant l’été. Ce ne sont pas des amateurs, ce sont des gens qui ont fait de hautes études au Conservatoire de Paris, au TNS à Strasbourg ou Lyon, etc. qui ont une vie professionnelle un peu chaotique l’hiver et qui vivent dans les métropoles et qui se regroupent pour faire bénévolement – tout en étant logés, nourris, pendant cette période –, et qui font dans des conditions techniques tout à fait sommaires, les spectacles qu’ils ont envie de faire. Ils ont une seconde vie libre et créatrice. C’est comme je le disais tout au début, il s’agit d’une expérience qui échappe à l’économie. Les moyens techniques sont réduits au minimum, les représentations ont lieu pendant la journée, il n’y a donc pas de projecteurs, pas de sono. La partie technique est assurée par les comédiens eux-mêmes. Vous voyez, c’est se délivrer de l’économie et de la lourdeur technique. Il n’y a pas comme pour les concerts de rock quinze camions avec le matériel.
Propos recueillis par Dan Burcea (janvier 2018)
Baptiste-Marrey, « Des belles utopies aux rudes réalités : Parcours d’un militant culturel (1954-2016) », Éditions Obsidiane, 18 novembre 2017, 77 pages, 13 euros.