Festival international de poésie de Bucarest, éditions 2023 : un événement qui gagne en prestige et attire en grand nombre les amoureux de la poésie

 

 

 

« Au terme de ces sept journées riches en événements, je suis heureux de constater publiquement que l’édition de cette année du Festival international de poésie de Bucarest a été un succès. Cela n’aurait pas été possible sans la curiosité et la générosité des lecteurs, présents en si grand nombre aux événements, sans la magie de la poésie et de ceux qui la rendent possible, sans le soutien de tant de partenaires que je tiens à remercier une fois de plus pour leur implication, et, enfin, sans le travail acharné et la passion que l’équipe du Musée national de la littérature roumaine a mis dans l’organisation du projet »

(Ioan Cristescu, directeur du Musée national de la littérature roumaine et responsable de l’organisation du FIPB)

 

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Brève présentation du Festival international de poésie de Bucarest (FIPB)

Dialogue avec Madame Elena Loreta Popa, Directrice du Bureau de relations publiques du Musée national de la littérature roumaine 

Lancé en 2010, sous les auspices du Musée national de la littérature roumaine, avec le soutien de la Mairie de Bucarest, le Festival international de poésie de Bucarest (FIPB) n’a cessé de croître pour inclure dans le programme de sa 13e édition, qui vient d’avoir lieu du 11 au 17 septembre 2023, plus de 50 événements, sur des thèmes et des formats différents, avec un programme large et dense, un cadre dans lequel l’écriture a été célébrée comme un art, aux côtés des sonorités de la musique jazz, des nuances et des représentations de la peinture ou de l’immersion dans une représentation théâtrale ou cinématographique.

De par son histoire et son palmarès, le Festival international de poésie de Bucarest a su s’imposer comme l’un des événements poétiques les plus spectaculaires de la scène littéraire européenne. L’écriture est un acte de libération existentielle, par lequel l’esprit se découvre et se confesse.

Mettre en avant la poésie dans un monde qui n’en parle presque plus  

Parce que l’accès à l’émotion est important, parce que nous n’avons pas peur des conséquences de l’exposition de ce que nous ressentons vraiment, parce que malgré le fait que la société ne promeut que des modèles basés sur l’agression, nous croyons que la Poésie est le langage de ceux qui n’ont pas définitivement perdu leur cœur, l’art de mettre en mouvement notre imagination avec des mots, un tumulte d’humeurs et de couleurs. Plus de 2500 lecteurs ont participé au FIPB de cette année, le plus important dans l’histoire de l’événement, avec plus de 170 poètes de 27 pays de quatre continents (Albanie, Algérie, Autriche, Bolivie, Bosnie, Bulgarie, Canada, Croatie, Cuba, Danemark, Estonie, France, Allemagne, Grèce, Italie, Macédoine du Nord, Monténégro, Maroc, Pérou, Pologne, Portugal, Roumanie, Moldavie, Espagne, Turquie, Pays-Bas et Uruguay). 

La participation du public 

Ioan Cristescu, directeur du MNLR et gestionnaire du FIPB a fait cette déclaration : « Au terme de sept jours riches en événements, je suis heureux de constater publiquement que le Festival international de poésie de Bucarest de cette année a été un succès. Cela n’aurait pas été possible sans la curiosité et la générosité des lecteurs, présents en si grand nombre aux événements, sans la magie de la poésie et de ceux qui la rendent possible, sans le soutien de tant de partenaires, que je tiens à remercier une fois de plus pour leur implication, et, enfin, sans l’énorme travail et la passion que l’équipe du Musée national de la littérature roumaine a mis dans l’organisation du projet ». António Lobo Antunes, l’un des écrivains présents au FIPB, est tombé amoureux de la statue du poète Fernando Pessoa réalisée par Mircia Dumitrescu, à l’image du Festival international de poésie de Bucarest. Créée par Mircia Dumitrescu en 2008, la statue de Fernando Pessoa, l’un des poètes les plus représentatifs du XXe siècle, faisait partie d’une exposition complexe de l’artiste bien-aimée de Bucarest au Palais du Parlement. Aujourd’hui, la statue se trouve dans la cour du Musée national de la littérature roumaine, au 8, rue Nicolae Crețulescu, où elle accueille tous les visiteurs de l’institution. Mircia Dumitrescu nous a expliqué que la sculpture représentant Fernando Pessoa a été inspirée par « Le livre de l’inquiétude » du célèbre écrivain portugais (publié aux Editions Humanitas Fiction, dans la traduction de Dinu Flămând), et que c’est le graphiste Petru Șoșa qui l’a choisie comme image du Festival international de poésie de Bucarest. Au fil des ans, de nombreux poètes étrangers invités au FIPB ont été charmés par cette œuvre, y compris le lauréat du prix Nobel Ko Un.

La prochaine édition 

La prochaine édition du Festival international de poésie de Bucarest aura lieu en septembre 2024, les détails du projet peuvent être trouvés sur le site officiel du projet : www.fipb.ro et sur le site du Musée national de la littérature roumaine : www.mnlr.ro

(Traduit du roumain par Dan Burcea)

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Nora Iuga (Roumanie)

Quand la poésie était roi [sic]

La rencontre avec la poésie universelle récente, qui a eu lieu au Musée de la Littérature Roumaine de Bucarest, par une soirée bouleversante du début du mois de septembre, dans le jardin de l’ancien siège de la rue N. Crețulescu, a dépassé toutes mes attentes, méritant même le titre suprême, utilisé dans le cadre d’autres hommages, qui pourrait se formuler comme suit : « quand la poésie était roi». La participation de poètes du monde entier, à partir des plus jeunes, qui semblent sortir de l’école, jusqu’à la soussignée, la plus âgée, qui aurais bientôt 93 ans, semble nous mettre en présence d’au moins 50 ans de poésie. Les textes présentés au Festival international de poésie de Bucarest (FIPB) ont abordé un large éventail de préoccupations qui préoccupent aussi les habitants de notre vieille planète aujourd’hui, depuis les éternels poèmes d’amour des jeunes poètes, auxquels on ne peut manquer de remarquer, cependant, une forte mutation, d’autant plus choquante dans l’approche fréquente d’une question, liée à l’implication des femmes dans le vaste domaine des découvertes de pointe, de la robotique et des voyages dans l’espace. L’influence des rêves importés du nouveau monde modifie visiblement et rapidement les aspirations du poète d’aujourd’hui ! Je ne sais pas si cet aspect, présent dans tous les genres artistiques, est favorable à la poésie, mais nous ne pouvons pas aller à l’encontre de l’orientation universelle ! Le modérateur de cette longue et très variée nuit de la poésie, Cosmin Perța, lui-même poète, a trouvé pour chaque participant à ce spectacle magique, où la voix s’exprimait simultanément en plusieurs langues, la bonne formule.

Je ne saurais passer sous silence les amateurs de poésie, parfois eux-mêmes poètes, qui se sont intensément impliqués dans la réussite d’une soirée aussi exigeante, qui me fait penser à une tour de Babel qui aurait soudain pris vie, engloutissant des dizaines de langues dans une langue unique : la langue de la poésie ! Ce véritable « voyage dans l’espace », nous le devons en grande partie à la poétesse Loreta Popa, qui n’est pas seulement la maîtresse de cérémonie, mais le cœur même de tous les événements liés à la poésie, dont MLR est le premier violon !

seul refuge

un barbare pleurait un dinosaure
tard dans la grotte d’altamira
depuis tant de nuits, il aboyait dans son sommeil
qu’il allait mourir et il est mort
la superbe dame gutenberg
avec sa demeure à maglavit.

flottait sur une mer jaune stagnante
comme le sperme d’un xylophone
si jeune et presque muette
une nymphe enveloppée dans un cocon
sur un beau rivage
oubliée sous la pluie
peut-être là
elle trouvera
un lit propre
et un peignoir.

je suis restée à la croisée des courants

seul et le lait a tourné
j’aimais les invalides
les genoux cagneux
les aliments altérés
Je me tenais à la croisée des courants
Et nous avons joué au code rouge
en rêvant de fabriquer un parasol
et eux avec les loups-garous avec les cordes pourries
des pommes et des navets gonflés à la pompe à flit
Je ne leur ai pas demandé le filet d’araignée
pour un cœur en chute libre
seulement un ciel gris
avec un œil en rideau
pour voir un spectateur
un seul

les pluies de crapauds arrivent

la flûte s’est arrêtée
dans le bidonville vide viennent les tambours
viennent les hommes de poix
viennent les pluies de crapauds
de très loin nagent dans la boue
les saintes reliques

c’est toi, Joan
change de nom
mets ta bosse
prends ta béquille et marche

Les amazones arrivent
des femmes empaillées viennent
sur des squelettes de chevaux
quelle nuit épaisse
quelle nuit lourde
et comme tu étais belle
toi, Ana Kelemen dans ta petite chemise rose
de satin crêpé

(poèmes tirés du livre “La petite fille pleure dans le verre”, Maison d’édition Nemira, 2023)

(Traduction du roumain, Dan Burcea)

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Magda Cârneci (Roumanie)

Par la « grâce poétique »
Ce fut un plaisir renouvelé de participer au FIPB – Festival international de poésie de Bucarest de cette année. Ce n’est pas la première fois que j’y participe, j’ai été invitée à plusieurs éditions. Et pourtant, quelque chose a changé. Tout d’abord l’ampleur, avec plus de 170 poètes et artistes participant au festival venus de 27 pays et de 4 continents, comme je l’ai appris des organisateurs, ce qui a créé une émulation particulière, un foisonnement intense de poésies très diverses, issues des cultures les plus éloignées les unes des autres, de styles différents et de générations complémentaires. Il m’a semblé que la productivité poétique était en nette progression. Et la créativité poétique semble de plus en plus désinhibée et exaltante. Tant de langues, tant de voix, tant de rythmes, tant de mélodies, c’est à la fois enrichissant et écrasant et bouleversant. Mais nous nous sommes compris à travers la « grâce poétique » qui a flotté sur toute la semaine du festival et qui nous a unis au-delà des langues et des mots.
Et le public a été étonnamment nombreux et enthousiaste, dans de nombreux lieux du festival. Les organisateurs ont réussi à bien maîtriser l’explosion des événements, disséminés dans toute la capitale.
Le beau temps a tenu bon. Et j’ai été heureuse de revoir et d’écouter des poètes roumains de « dénominations esthétiques »  les plus diverses et découvrir des poètes étrangers intéressants. Dans l’ensemble, je pense que la FIPB commence à compter dans le paysage poétique européen et dans le circuit international de la poésie. Peut-être qu’à l’occasion de la prochaine édition, il faudra inviter un autre nom de grande renommée.

Une souffrance océanique

Si nos corps, si nos corps faisaient mal

  chaque fois que quelqu’un

serait poignardé, mutilé, coupé en mille pièces

   à côté de nous – ou loin dans le monde

Si nous sentions s’écrouler

  les murs de nos maisons suffocantes

chaque fois qu’un obus frappe un village en Ukraine

  et détruit les pauvres foyers

en laissant voir la literie et les meubles

  tachés de sang frais

et le sang criait et nous assourdissait

Si nous deviendrions aveugles brusquement

  lorsqu’une explosion jette dans l’air

des immeubles immenses, des crèches, des théâtres

  en transformant en cendre tout ce qui peut bruler

même notre regard

Et l’incendie se lèverait au-dessus de la terre

  et illuminerait tous les coins de ce monde délétère

et nous montrerait tels que nous sommes

Des êtres sauvages, des créatures monstrueuses

  fantômes aveugles, insensibles et sourds

à la recherche d’une piètre justification

Si ça faisait mal jusqu’à l’os, notre misère

  la peur, l’inconscience, le silence

si notre chair souffrait à mourir à cause de

  cette cruauté, cette sauvagerie, cette haine

Si nous étions noyés par une souffrance océanique

  et toutes nos cellules supportaient simultanément

le gout putride de la mort

  qui couvre les champs de bataille et les fosses communes

où nous reconnaissons nos visages sur tous les cadavres

Alors nous nous réveillerons

peut-être.

Au milieu de la vie

Parfois, il nous est asséné des coups inattendus, furieux,

pendant cette course d’obstacles étrange, sans issue.

Le chronomètre dans notre poche se bloque brusquement

et nous regardons autrement, tout autrement,

la chaise, le verre et la table. Nous demeurons

sans un mot, comme liquéfiés.

Les objets lentement s’entourent d’une clarté phosphorescente,

une sorte de grand rideau est tiré de côté

devant l’on ne sait quel brouillard ancien,

on dirait de ténèbres vibrante.

Le temps s’arrête, s’arrête,

rien plus ne coule.

Nous ne bougeons pas ; nous attendons,

enfermés de façon hermétique dans un présent intense et vivant.

Il y a quelque chose qui circule alentour,

il y a une tension silencieuse, une peur,

comme si une apocalypse, petite et dérisoire,

– cette vie qui est la nôtre -,

pouvait tomber là, devant nos yeux,

tel un torrent fracassant, une cascade justicière.

Le film se déchire alors dans l’énorme appareil de projection

et nous nous réveillons au beau milieu d’une séquence

dans le grand fleuve d’images qu’est le monde.

La flamme de l’illusion s’éteint, puis elle s’égare.

Tout se tait : à l’intérieur – le vide, un silence cosmique.

L’esprit s’entrouvre l’espace d’un éclair, d’un instant puissant,

vers des mystères oubliés, que nul jamais ne soupçonne.

En nous geint quelque chose de lourd, c’est une plainte

qui tombe dans une sorte d’abîme.

Puis autre chose doucement s’élève vers un tourbillon de lumière,

et l’on aperçoit une pureté étonnante, indestructible.

Dans la nouvelle limpidité de la vision intérieure,

nous voyons vaguement – s’agit-il d’un autre film, plus subtil ? –

des dieux adultes, attablés, là-haut,

qui nous font discrètement des signes de la main.

Ils nous sourient.

Ils nous attendent.

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Simona Grazia-Dima (Roumanie)

C’est avec grande joie que j’ai participé à la treizième édition du Festival international de poésie de Bucarest, qui est un sommet de créativité. J’ai fait la lecture d’une sélection de mes poèmes à la Bibliothèque métropolitaine de Bucarest devant un public enthousiaste et connaisseurs de différentes générations, y compris de nombreux jeunes, des étudiants qui lisent et écrivent de la poésie. Il faut apprécier à sa juste valeur le fait que, dans les conditions actuelles connues d’austérité relative, Ioan Cristescu, directeur du Musée national de la littérature roumaine, organisateur de cet événement grandiose, ait réussi à réunir, dans ces lieux magnifiques et célèbres de Bucarest, plus de deux cents poètes renommés de quatre continents, qui ont donné des récitals, participé à des débats d’une actualité brûlante, ont été les protagonistes de soirées de spectacles. La musique s’est associée à la poésie, des films ont été projetés et des expositions ont été organisées dans un véritable syncrétisme des arts visuels et de la poésie. Jusqu’à la dernière minute, chaque rencontre a respiré un air de dévotion et de sincérité envers la poésie, de sérieux dans la prise en charge du destin de chacun. L’une des rencontres auxquelles j’ai assisté le dernier jour, le dimanche, dans l’atmosphère splendide du jardin du Musée, c’était une discussion entre le critique et traducteur Victor Ivanovici, venu de Grèce, le poète Doru Flămând et la traductrice Corina Oproae, venue d’Espagne, qui publie une anthologie de la poésie roumaine de 1 000 pages, créée par ses soins.

L’été en novembre

Parfois, en novembre
se déploie notre été,
ce glorieux été indien,
apte à nous réunir dans des sommeils éveillés,
sur des routes
de diamant marin
aux bords fondus,
et nous guérir
par la passion
qui ne blesse pas,
par le jeu de l’épée
conquérant des forteresses
sans occire,
nous flottons sur les algues,
caressés,
avec des mains ou des ailes,
de toutpuissants
amis des profondeurs.

Volutes

Au réveil, je vois soudain le bout du monde,
ma maison s’ouvre, en dessous la rue coule par vagues,
une eau immense. J’entrevois d’ici, sans entrave,
l’Afrique, où cheminent en marche forcé

les fourmis Jaglavak, sous l’ordre sévère
d’un sorcier. Sage sentier avec tant de plis
qui nous entrainent dans leur hâte, se reposant

pourtant dans leurs rebonds. Puis, sur un monticule,
nous prenons notre déjeuner de logiciens, juste
pour être, l’instant d’après, les témoins
du siège de Troie. Sur une butte on couronne
Marie Stuart, un pas vers la droite

Macron gagne les élections. Sur une autre bosse de la chaussée
nous survivons à la Guerre Froide, nous vivons dans le froid,
en mangeant des yaourts, libres et heureux : car

cette rue nous nourrit de souvenirs et d’avenir : de la tanière
des fourmis Jaglavak dirigées par le sorcier,
vers Calea Crângași dans le 6e arrondissement, et de là,
dans le mystère soyeux et chaud.

(traduit du roumain par Dan Burcea)

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Tatiana Ernuțeanu (Roumanie)

J’ai eu le grand plaisir de participer cette année encore au Festival international de poésie de Bucarest, qui est selon moi l’un des événements les plus importants en son genre. J’ai pu constater que la poésie devenait un genre littéraire de plus en plus aimé, de plus en plus recherché, et qu’un public jeune et moins jeune était en train d’émerger. La poésie est un genre en train de s’épanouir et il en va de même pour ceux qui commencent à écrire. De plus en plus de jeunes s’y mettent. Je ne parierais pas qu’ils le fassent tous par sentiment, par besoin, et que certains n’y voient pas une mode, mais l’important c’est qu’il y ait un public de jeunes et de moins jeunes qui s’y aventure. C’était une excellente occasion d’offrir à Bucarest un peu d’animation, dans le contexte de cette ville qui se veut la plus dynamique du monde et que dans cette ville qui se veut « culturelle », les événements de ce genre qui ont de l’importance sont assez rares par rapport à ceux des grandes capitales. Les espaces où se sont déroulées les lectures étaient pleins, et non pas d’un public venu par ennui, mais d’un public dont on sentait bien qu’il était intéressé par la lecture de ces textes.

***

Cette vie est comme un crachat figé sur un trottoir glorieux d’où tu observais les corbeaux lorgnant les maisons les costumes de deuil vont bien à Electre tu dis et tu verses le liquide de la bouteille sur le sol qui ne se voit pas Eva n’est pas retournée au paradis et la vita dulcis s’est transformée en fissure du bonheur c’est contre tous la nature exagère trop elle aussi regarde toi aussi cette glycine comment elle fait battre mon cœur dans le vide de mon indécision j’ai fait brûler Ernesto en mélangeant le tabac à la peau cuir et au silence de cire de la havane il est écrit sur lui qu’il y a vécu la révolution parmi les visages luisants des biches et des fusils alors que sur moi silence makes me scream seulement quand il pleut je suis magasin de sucreries impardonnablement rare tu dis mais que sais-tu de la pluie à part qu’il faut un imperméable et du pafff factum est

le programme de fidélité c’est toi au-delà de ta petite table de ton coupe ongles au-delà de ton air de jeune exclu du temps de Mitterand au-delà de ce verre gris usé à travers lequel you shapes me au-delà de ces nuages que je t’ai déjà dit de reprendre

***

Solis rex dans l’horizon perdu une main dans la brume et l’autre sur le briquet souviens-toi du subtil plaisir alchimique du hammam je tire avec ma main l’instant sur les feuilles de mocassin I will give you my finest hour the one I spent watching you shower j’ouvre le son pour entendre comment l’eau atteindra bientôt l’océan sur la rivière de ton cœur alors que je fixe certaines choses alors que tu fixes certaines choses alors que je passe mes doigts sur ce morceau blanc t’appartenant alors que tu écoutes le craquement des os brisés avec ma main nous sommes laids misérables des mots comme ça entre nous pas de douceur pas de consentement pas de malédictions pas d’amour

(Traduit du roumain par Dan Burcea)

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Moni Stanila (République de Moldavie)

Le FIPB est certainement un énorme festival, le plus grand de Roumanie par le nombre d’écrivains invités. C’est un festival tellement grand que personne ne peut assister à tous les événements, et c’est spécial parce que cela donne au public l’opportunité de choisir selon ses goûts. Et je pense qu’il est utile de mentionner que, année après année, ce festival jouit d’un public de plus en plus nombreux. Une semaine entière au cours de laquelle vous pouvez apprécier différentes voix poétiques, des récitals classiques, des lectures, de la poésie et de la musique ou de la poésie et de l’image. Une semaine au cours de laquelle vous pouvez boire votre café à côté des plus grands poètes du monde sans même le savoir. J’aime ce festival et je suis honorée de chaque invitation que je reçois. M. Ioan Cristescu et toute l’équipe font un travail extraordinaire. J’ai déjà géré un festival avec 20 invités et c’était très difficile. Qu’est-ce que cela représente de gérer un festival avec 200 invités ? Je pense que c’est un énorme défi et un travail d’un an. C’est ainsi que je l’imagine : une fois qu’une édition est terminée et que les communiqués de presse sont publiés, l’équipe commence déjà à penser à l’édition suivante, qui aura lieu dans un an.
Et en plus de tous ces avantages, le FIPB nous donne à nous, écrivains, l’occasion de rencontrer le plus grand nombre possible de voix poétiques au-delà des frontières, au-delà des mers et des pays, au-delà des océans. Un festival merveilleux ! Et, pour conclure, je pense qu’il convient de souligner que, lors de nombreux événements que nous avons organisés à l’étranger, il y avait des écrivains de différentes nationalités et de différents pays qui m’ont parlé de ce festival.

***

16.
Un matin où je sais déjà que Milan n’a pas joué sérieusement le match de Craiova mais que le Steaua est toujours en lice pour la qualification, où les pluies froides me font hurler de joie de ne pas être allée au bord de la mer tout à l’heure, vive l’anatomie, et demain c’est l’anniversaire de papa,

la grenade fleurit dans mon âme. Mais qui s’en soucierait, qui se soucie du troisième tour préliminaire ou du nombre de printemps que je lui souhaite, alors que tout le pays regarde en direct le retour de Rogozin en Russie, qui n’avait qu’un vol et que quelqu’un / Dieu, n’a pas permis qu’il atterrisse à Chisinau. Heureux comme des écoliers quand la directrice manque la classe, tous en ligne, “Rentre chez toi, crétin”, “Vole, cochon, vole !” – extase, excitation, victoire – et dans un an exactement, nous regarderons tous des émissions en direct de Russie parce que les crétins de la FIFA ont donné carte blanche au Kremlin pour l’organisation de la CM18. J’ai hâte de voir Messi et Neymar volés à l’hôtel, de voir comment la propagande, le facteur psychologique a fonctionné dans les matchs de l’Allemagne. La FIFA pourrait tout aussi bien organiser une coupe en Corée du Nord, pour eux c’est une question d’argent/d’influence sur les arbitres // pour moi les angles sous lesquels Teixeira peut marquer.

65.

Depuis des pays hostiles, nous observons avec stupeur les cadavres de la Bucea, les larmes doivent être avalées, elles contiennent des minéraux, elles hydratent une nation affamée et torturée.
Le soleil réchauffe la terre hostile qui cache déjà sous une fine dune les pommes de terre qu’à l’automne nous partagerons avec le peuple héroïque.
Au milieu des bombes et des uniformes, des hommes bloqués dans leur propre pays continuent à semer.Leurs aînés auront besoin de pain, leurs morts auront du pain tressé et des bougies, des médailles.
Inamicales sont aussi les journées, l’une après l’autre, nouées avec un tissu blanc, tirées sur les pavés.Des jours marqués au dos avec un marqueur : nom et âge, personne à contacter.
Un chien peut garder un cadavre. Un enfant assassiné, avec tous ceux qui seraient nés de lui, est à côté de ses grands-parents, est dans la cour, est dans la rage des femmes soldats – elles leur coupent les cheveux, mais elles le récupéreront comme Samson. Nos maisons brûlent du gaz russe pour les soirées où nous nous endormons, coupables, sous des édredons blancs IKEA, tandis qu’un chien garde une maison brisée et que personne ne sera là pour détacher la chaîne autour de son cou.
Que se passerait-il si nous, habitants de pays hostiles, nous approchions maintenant de nos centrales électriques domestiques pour les débrancher (d’un seul coup !).
J’aimerais que nos pays soient mille fois plus hostiles. Je souhaite que nous puissions nous réchauffer avec des câlins autant d’hivers qu’il le faudra. Que nos pensées soient des magnolias rouges qui rendent le monde qui nous entoure plus attentif.

(Traduit du roumain par Dan Burcea)

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Toni Chira (Roumanie)

Je suis heureux d’avoir pu participer au festival international de poésie de Bucarest. C’est une étape importante que j’ai l’impression d’avoir réussi à franchir. J’ai également été heureux parce qu’un tel festival, en particulier en raison de sa taille, parvient à rassembler un grand nombre de poètes, dont certains sont très bons et tous très divers. J’ai ainsi pu revoir de vieux amis ou m’en faire de nouveaux. Je crois qu’un événement comme celui-ci peut briser la lassitude qui s’installe de plus en plus dans notre culture et amener de nombreuses personnes à s’intéresser à la poésie.

Des occasions de mort

L’amour offre des opportunités de mort.
Ta moelle dans des coupes d’os, je l’ai bue.
Le ciment de la démence j’ai versé dans tes oreilles.
L’amour dans lequel on peut se noyer
Dans l’absence sulfurique de l’autre.
Ta moelle dans des coupes d’os, je l’ai bue.

Le ciment de la démence j’ai versé dans tes oreilles.
L’amour qui a enfoncé ton désastre
Jusqu’aux crocs.
Ta moelle dans des coupes d’os, je l’ai bue.

J’ai versé le ciment de la démence dans tes oreilles.

***
N’avoir d’autre Dieu que la colère.
Pour transformer la coquille de pierre en chair
Et l’aimer jusqu’à ce qu’elle tienne debout.
Pour être, en toute conviction, en vain
Ou t’accroupir à côté de moi quand je dis :
Aime-toi avec haine.
N’être que ce que l’on ressent quand on a l’impression d’étouffer.

Je me spécialise dans la mélancolie,
Têtu pour ne pas oublier un seul mot.
Je suis le premier spécialiste de la mélancolie,
Mes apprentis ne sont pas encore nés.
Je suis la masse d’armes de la mélancolie,
Le fantôme affamé qui sort du corps.
Tout le reste s’est tari il y a longtemps.

Tout autre chose je ne le suis pas.

***

Je ne distingue pas le corps de la douleur de ton corps.

Ni ne sens l’obscurité compacte.

Une feuille rouge va tomber de l’arbre.

Je ne suis pas assez serein pour la décrire.

(Traduit du roumain par Dan Burcea)

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Răzvan Țupa (Roumanie)

Je suis persuadé que la 13e édition de la FIPB a proposé à tous ceux qui s’intéressent à la poésie la plus grande entreprise à ce jour consacrée à ce genre. Du moins en ce qui concerne le nombre d’invités et d’événements. C’était la première fois que je voyais en Roumanie un événement pour lequel les traductions et la programmation étaient faites des mois avant le festival. Le programme des événements était si dense que je suis sûr qu’il était impossible pour quiconque de tout voir, et chacun a donc dû sélectionner les événements qui l’intéressaient.

L’histoire du FIPB a beaucoup évolué. Cette fois-ci, en plus des soirées dédiées aux lectures pour lesquelles on pouvait s’orienter rien qu’avec les noms des programmés, il y avait aussi des événements thématiques, des débats ou des lectures orientés autour d’une problématique (écologie, poésie vidéo).

Mon impression de ce que nous appelons habituellement le public est encore plus forte. Je pense qu’en fin de compte, la justification de toute lecture de poésie est précisément la relation qui s’établit entre le public et la poésie sur scène. Et dans cette relation, l’organisateur et le public sont tout aussi importants l’un que l’autre. Le festival a également coïncidé avec les lectures et la performance vidéo que j’ai préparées à Street Delivery. Merci à ceux qui ont élu mon volume “poetic. sound interface” livre de poésie de l’année 2022. Si ma poésie peut sembler difficile à digérer, ce sont précisément des rencontres comme celle de cette semaine qui lui donnent l’occasion de fonctionner.

***

définis par un rictus floral dans des distances agencées en motifs auditifs nous intégrons des ornements du règne végétal les fonds des manuels participent à des segmentations respiratoires avec des suggestions d’étiquettes projections tridimensionnelles sur l’écran de brouillard quand la chouette blanche grignotte des flocons de maïs oubliés entre les dalles de basalte projections infantiles de la grisaille de chaque instant d’après nous pratiquons la pulvérisation avec une dextérité digne de la musique discontinue d’électrolytes SOCIALISATIONS MINORES SOURDES) sms déjà (venez quand vous pouvez et nous vous trouverons une place renverse la perspective zoologique ils se sont vantés de descendre des dieux et il s’avère que nous venons des chimpanzés surtout quand tu me demandes ce qu-ils préfèrent lire ceux que tu mérites de lever les mains devant le lit pour demander nous ne passons pas ces terribles lecteurs sont les livres avec les tiroirs étiquetés la poésie ne se lit pas elle te lit avec des muscles verbaux raidis par les termes habituels cette lame n’avale pas ton drame quand nous n’avons pas à le faire tu ne peux pas t’empêcher d’être tumulteux

***

démarche de célébrations & réglages de paramètres lorsque les désirs et les envies les faits et les chuchotements les récupérations et les exagérations sont sens dessus-dessous après une seule lumière allumée et éteinte et vice-versa SATIN MENSTRUEL SAMEDI sms colline enneigée pour traîneau (supprimé du rideau le vent imagine des silhouettes non seulement l’effet est pervers)

(Traduit du roumain par Dan Burcea)

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Teodor Dună (Roumanie)

Le festival organisé par le MNLR revêt, par rapport à d’autres festivals internationaux en Roumanie, une caractéristique qui me semble singulière : la diversité des écrivains présents, l’absence de sectarisme littéraire que toute littérature connaît probablement plus ou moins. Ainsi, on peut y rencontrer des poètes de toutes orientations, de tous âges, de différents champs géographiques, idéologiques ou littéraires, qui écrivent une poésie militante, métaphysique, biographique, métaphorique, transitive, féministe, parabolique, ironique ou “existentiellement assumée”. Je dirais que le FIPB est le plus démocratique et le plus inclusif festival roumain, ce qui, pour un connaisseur de la poésie contemporaine, peut être attrayant, mais qui, d’autre part se révèle un peu déconcertant pour un néophyte. Et le fait que les sièges devant n’étaient pas assez nombreux pour accueillir tous les participants à cette édition est, bien sûr, une chose appréciable.

le choix des armes

c’est un plaisir.
c’est un plaisir d’étancher sa soif
sous un char.
Les chenilles sont lourdes,
le soleil pèse,
les oiseaux volent,
le pilote est parti.

Maintenant, la guerre se repose.
Les balles s’enduisent mutuellement de crème de souci.
Elles s’époussettent, se remplissent de crème et de chocolat.

malheur aux sous-marins atomiques – ils se prennent pour des dauphins,
ils font de grands sauts, ils se sauvent
se sauvent les uns les autres de la noyade. Sinon, ils flottent comme des retraités
à Techirghiol.

les grenades se jettent dans les arbres, les pauvres,
elles enfoncent leurs ongles dans les branches. elles se prennent pour des coings.
elles brunissent au soleil.

Et les pauvres lance-flammes,
qui se sont débarrassés de leur propre propane et ont mis des confettis à la place,
et ils égayent les fêtes de l’école.

C’est un plaisir.
C’est un plaisir de se désaltérer sous un réservoir
et de regarder une usine d’eau.
(Les ouvriers ont fui depuis longtemps,
mais l’eau est toujours là).
les rails se pressent,
le soleil presse,
les oiseaux volent.

les généraux jouent au cache-cache
à l’orée des villages. puis ils vont acheter du jus et des bonbons.
les amiraux s’assoient sur leurs jarretières et tournent des paquebots de papier coloré.
et retournent des paquebots de papier coloré.

tout un plaisir !

les missiles sont tombées amoureuses des bombes.
elles se sont mises d’accord sur un trajet vers l’étoile véga.
les bombes sont montées sur les fusées en ricanant avec coquetterie
et elle ont pris les poudres d’escampette.

et les chars, hélas, se prennent maintenant pour des bébés éléphants.
ils jouent dans les flaques d’eau, ils fuient même les chiens qui aboient.
ils utilisent leurs tuyaux comme des trompes. Ils y boivent de l’eau.
et ils cassent une feuille.

c’est un plaisir de boire jusqu’à plus soif
sous un char qui dort.
le pilote du char est allé cueillir des pissenlits.
dans les champs, il y a des colonels, des sergents et tout le reste.
ils ont transformé leurs armes en cuillères à confiture.
ils s’allongent
et sentent les fleurs, observent les papillons et s’occupent
d’une sauterelle boiteuse.

j’irais bien moi aussi.
mais le char d’assaut est trop lourd,
et le pilote est parti depuis longtemps.

chien perpétuel

mon chien, mon bon chien noir
qui dormait dans mon lit, qui veillait sur moi,
mon grand chien avec ses vieux yeux,
avec ses yeux séculaires,
le chien qui ne pouvait pas mourir
n’est plus.

mon chien, mon terrible chien noir
et doux, qui m’a poussé à vivre
chaque fois qu’il le fallait, qui brisait les laisses d’or,
a été pendu, fusillé.

le chien qui m’a pardonné, qui m’a sorti

du caniveau du bourbier, qui m’a jeté dans un broyeur, qui m’a appris
à chanter dans un sac en papier kraft, à porter la corde, à escalader le vide,
a été noyé, empoisonné.

mon chien, mon chien perpétuel,
d’un blanc effrayant, noir et cruel,
qui m’a appris à m’accroupir, à cacher ma vie,
qui m’a montré comment caresser, tuer.
et quand enterrer,
lui, il est maintenant mort.

et il est revenu, il est à côté de moi, il me regarde,
il montre ses crocs, me demande de jouer ensemble,
de chercher une autre nourriture.

lui, mon chien d’un noir effrayant et doux,
il est mort maintenant, sans le savoir, comme si rien

ne s’était passé,
comme si rien de tout cela ne pouvait le concerner.

gardien du toit

un idiot abandonné sur un fil.
un gardien du toit. mis à la porte. banni.
avec une gueule à un sou.
arrivé à descendre. avec ses os intacts.
trouvant un tuyau froid. s’y tenant.

un idiot. un moins que rien.
Dessinant
sur une tuyauterie froide avec de l’eau chaude.
dessinant
sur de l’eau chaude un soleil.
qui gribouille au milieu du soleil un ongle.
un ongle plus important que le soleil.

un idiot, un tobogan à débris
qui n’est pas content du tout, mais qui rit.
un idiot, ancien garde du toit. un facteur en alaska.
dans une tempête, au milieu d’un cyclone, en soufflant sur le courrier.
pour les garder au chaud. à la recherche d’une miche de pain.
un petit pain. au milieu du cyclone.
le plus petit pain du monde.
sans savoir à quoi il servirait.

(Traduit du roumain par Dan Burcea)

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Tudor Voicu (Roumanie)

En 2016, j’ai eu ma première lecture au FIPB, puis j’ai ouvert un récital intime au Green Hours Jazz Cafe. Après (seulement) sept ans, le monde extérieur et intérieur a changé d’une certaine manière. Lors du récent FIPB 2023, où j’ai donné ma deuxième lecture dans le cadre du festival, j’ai été ravi de voir une pléthore d’événements, tous avec un public intéressé par la poésie, un public qui aime et respecte la poésie et la diversité de ses manifestations. Le FIPB est un événement qui non seulement renforce la littérature roumaine, mais devient de plus en plus capable d’éduquer, d’unir, de faire croître et de conquérir le public.

Voltige

ne me demande pas combien de temps je vivrai

quand on prend l’avion

il y a le risque de survivre

pense à moi seulement

à mon âme

qui restera dans l’air

Leur Dieu

J’ai été sur la Terre et je vous dis

Là-bas, ils s’occupent tous du temps

ils comptent ses pluies

ils mesurent ses jours

Ils pèsent sa lumière

J’ai été sur la Terre et je vous le dis

là, tout le monde est convaincu

que Dieu est uniquement

et uniquement le leur

___________________

Portez-vous bien !
(Traduit du roumain par Dan Burcea)

séparateur-de-texte-png-6 - SOLE D'ITALIA

Habib Tengour (Algérie)

Je ne connaissais pas Bucarest avant d’être invité à son festival international de poésie. Sur le plan logistique, tout était bien organisé. Je n’ai malheureusement eu l’occasion de suivre les différentes manifestations que durant deux jours. Cela ne m’a pas permis de rencontrer et connaître la plupart des poètes invités. Toutefois, à l’hôtel Leonardo où nous étions logés j’ai pu faire la connaissance d’Andrei Codrescu avec qui j’ai longuement discuté et échangé. Nous avions beaucoup d’amis poètes américains en commun.

Le festival m’a permis de retrouver mon ami le poète Bogdan Ghiu qui est en train de traduire en ce moment un de mes recueils en roumain. C’est lui aussi qui a traduit les cinq poèmes que j’ai lu le premier jour.

Enfin, la poète Magda Carneci, que je connais depuis que le prix Benjamin Fondane m’a été attribué en décembre 2022, était présente au festival. Nous avons passé des moments agréables.

CAFÉ MARINE

Que cherches-tu ? demandent les Compagnons

ne vois-tu pas la peine envahir

nos rêves…

la salive a goût amer comme l’enchantement passé

l’appel des pierres ponces que hante la caresse

Il faut rentrer

Celle qui tient le marin aux mille tours

Inoubliable

R.

Corps désamorcé/le Voyage

Etrange comme le Retour patiemment

Ulysse était parti pour tester l’Absence et après avoir tué ses

compagnons, il échouait dans un terrain vague.

L’aube révélait le rêve maussade de rosée

Lorsqu’il se réveilla à l’amour elle avait franchi la brûlure que

contient la main

et le narguait de son sourire triste.

Mais le regardait elle seulement ? Tu es mort avait-elle dit et si

tu me fais l’amour je couche avec un mort ; rien ne peut plus

m’arriver maintenant.

(Longtemps plus tard, il comprendra ce qu’elle disait et le

bleu immobile de l’île qui irritait ses compagnons à le

quitter).

Des chèvres fouillaient le dépôt d’ordure.

Le berger qui vit le vagabond allongé par terre lui offrit une

cigarette et mit son transistor

à brailler les nouvelles du monde…

*****

C’est dans un bar sans Avenir qu’Ulysse engage ses Compagnons

à la rupture lourde de désirs.

Il commande la première tournée et ils burent jusqu’à la

fermeture. Ils se réveillèrent des jours amers au tragique

tissage du conte où l’enchantement quotidien

se révèle

inutile à saisir la mélancolie innée des cercles.

A la barre

Ulysse

exhortait

l’équipage

à lester ses rêves au bleu hasardeux

(en finir avec la servitude du petit déjeuner)

*****

SECRÈTE AU GRAND JOUR

État II.

ÉTRANGÈRE corps scarifié âme bleue

elle s’offre tourbillon au comble de l’ été

légère la vague éclate à la face du ciel

bénis les cœurs dilatés dans la lumière

cœurs égarés dans la blanche maison là

bas en bordure de la mer où dansent des rayons

il y avait une garde secrète familière

cette impatience /lustres l’été

commençant été il allait finir tel

enfer des rêves exprimés

inaccomplis ne reste que la tension sourde

des cœurs ballottés de gares routières en

paradis cœurs éblouis dans le merveilleux

instant d’ abandon inconnu étrange bleue

*****

AURORE une puis l’autre les cordes lâchent Celles Noueuses

de maléfices … réintègrent l’œil bas le repaire

lorsque les deux amants se réveillent il fait grand jour

dans le secret de leur âme la table est servie

j’ai bien dormi /dit-il/ tu dors très bien /dit-elle/

c’est bon quand l’amour est violent comme tu le fais

je n’ai rien fait dit-il c’est un coup du destin

ce n’est pas mon corps et nous allons en mourir

pour l’instant les deux lits étaient joints la fenêtre

donnait dans le rêve à venir rose bleu et musc

l’été dans son apogée les enchantait

ce décor tombé les âmes sans cœur

se tourmentent à l’ écoute la romance dénouée

et Celles dans l’aurore au guet déjà mains noueuses

Conversation avec Mohammed Dib

Celles blanches dressées pierres adossées vives

transportées au-delà de l’exil conservées

dans le jour rapiécé de la mémoire debout

Celles qui dansent au loin murmure tissé en écho

accueil réservé à qui se prépare mort

le visage aspergé du désir assouvi

Celles qui lacèrent un instant la joue rouge comme soir

bien rempli fenêtre closes veilleuse vie

évocation puis circule un mouchoir sur plat

Celles noires pétries gardiennes de tribus pourchassées

n’apparaissant fumantes qu’à la troisième attaque

pour sombrer dans la cendre à jamais évanouies

Celles d’or idoles d’une enfance lumineuse déchues

temps a tourné le cœur ayant perdu la vue

vidé la maison sous les ovations d’adieu

O toutes celles que l’amour n’a pas touché d’envie

qui te laissent courbé dans un lieu désolé

t’observent dans le battement lent d’un mensonge

Et Celle seule qui te laisse dans la nuit éventée

séparateur-de-texte-png-6 - SOLE D'ITALIA

Hasan Erkek (Turquie)

Du 13 au 15 septembre 2023, j’ai participé au festival international de poésie de Bucarest, organisé par le musée de la littérature de Roumanie. Le festival était bien organisé et de grande qualité. Ils ont promu la poésie dans des lieux prestigieux de Bucarest tels que les musées et les écoles. Ils avaient également invité des jeunes en plus des poètes et des critiques. Tout était ponctué. Ils nous ont emmenés de l’aéroport et nous ont ramenés à l’aéroport également. Nous avons séjourné dans un bon hôtel du centre. Les gens qui travaillent à l’hôtel étaient très gentils.
En conclusion, ce fut un grand festival et je suis très heureux d’y avoir participé. J’aimerais remercier tous les organisateurs. 

Autobiographie

Sur les rails de mon esprit un train passe
Sur une terrasse aux senteurs épicées, avec un peigne en buis
Une femme peigne ses cheveux roux
De ses cheveux, des questions tombent sur sa robe
Mes seize ans timides baissent les yeux
Un adolescent débute en poésie avec des images très épurées
Autour de lui, des gardiens, des policiers, des voleurs à la tire
Mes treize ans hennissent comme un poulain nerveux
Les jambes pleines de l’impatience du désir de courir
Le vent effile sa chevelure
Sous les acacias, parmi les oiseaux
Dans une gare verdoyante
Les rails s’étirent à perte de vue
Je cours dessus, sans trébucher, ni tomber
Jusqu’à mes trente ans, je ne me retourne pas
Puis je m’effondre auprès de mes quarante ans et je fume une cigarette
Je souffle la fumée sur les yeux ternes de mes cinquante ans
Et ensemble nous montons dans le train
Le train entre dans un long tunnel
Je suis dans un compartiment étroit
L’innocence de mes seize ans me fait face
Il tient une cage, un chardonneret y loge, du sang à son bec
Contre toute attente, le sang gicle à mes yeux
De là, il remplit mon cœur à chacun de mes anniversaires
Nous filons sur le poitrail d’une plaine féconde
Par la fenêtre, nous regardons au loin
Le voile nuptial de ma sœur virevolte au vent
Dans sa paume une grenade pourrie
Dans sa bouche un cri muet
Mes soixante-cinq ans arrivent en ouvrant grand la porte
Et en diffusant son chagrin dans le compartiment
Son visage est une carte d’Afrique
Ses yeux la mer de Chine
Nous traversons un parterre fleuri
Les veines des forêts, les dessous de bras des montagnes
Nous observons les villages réduits à peau de chagrin
À cheval mon père fait la course avec la locomotive
Il me crie sans arrêt quelque chose
Mais je ne comprends pas
Le son de ses fers fait siffler mes oreilles
Sur ma droite se détache mes dix-neuf ans
Quand il m’aperçoit ses yeux s’illumine de joie
À cet instant précis, un faucon passe par la fenêtre
Et saisit le chardonneret dans sa cage
Au fond de ses petits yeux un grand effroi
À une station, le train s’immobilise
Des ombres tremblent sous les rayons de la pleine lune
J’ai dix ans, des narcisses poussent dans mes yeux
Je vends des oranges, des pommes ou bien de l’eau
Je sors les passagers de leur sommeil de plomb
J’attrape leurs rêves, en garnis mon giron
Jusqu’au matin, je vais et viens dans les wagons
Gémissements de malades, odeurs de vomi, peur de la mort
Je pénètre dans un wagon-lit sous les lumières suppliantes
Dès mon entrée, j’ai vingt-sept ans
Sur mes joues fleurissent des œillets écarlates
Sous une treille, ma mère allaite mon frère
Au centre, mes soixante ans assis en tailleur
Contemple le ciel, une bouteille de vin dans la main
Il me tend un verre en clignant de l’œil
À ce moment une étoile filante déchire l’obscurité à l’horizon
Soudain le vin se transforme en cornouille
Le visage frêle de mes quatre ans se reflète dans la vitre
Je caresse son dos de mes doigts tremblants
Je l’embrasse et disperse le chagrin de ses yeux
Imperceptible, l’ombre de mes soixante-dix ans nous recouvre
Ses mains sèment de la tendresse ou de la peur, je ne sais pas
Dehors, des tanks, des soldats, des sirènes
Enfin nous arrivons à une gare d’un blanc éclatant
Mes quatre-vingt ans ont une canne et nous font un pied de nez de loin
Les feuilles jaunies des acacias tombent
Les oiseaux migrent vers l’inconnu
La femme coupe ses cheveux roux
Le train est garé dans un hangar
Un poète abandonne un poème
Le vent entonne des complaintes

Otobiyografi
Bir tren geçiyor aklımın raylarından
Bir kadın kızıl saçlarını tarıyor
Şimşir bir tarakla, baharat kokulu taraçada
Saçlarından sorular dökülüyor eteklerine
Onaltı yaşım mahcup önüne bakıyor
Bir ergen incecik imgelerle şiire başlıyor
Çevresinde bekçiler, polisler, yankesiciler
Onüç yaşım gergin bir tay gibi eşiniyor
Bacaklarında koşma arzusunun sabırsızlığıyla
Rüzgar saçlarını tarazlıyor
Yemyeşil bir tren istasyonunda
Akasyalar altında, kuşlar arasında
Göz alabildiğine uzuyor raylar
Düşmeden, sendelemeden koşuyorum üzerinden
Dönüp geriye bakmıyorum otuzuma kadar
Sonra kırk yaşımın yanına çöküyor, bir cıgara yakıyorum
Elli yaşımın fersiz gözlerine üflüyorum dumanını
Birlikte bir trene biniyoruz
Tren uzun bir tünele giriyor
Dar bir kompartmandayım
Karşımda altı yaşımın masumluğu
Elinde bir kafes, kafeste bir saka, gagasında kan
Nasıl oluyorsa o kan gözlerime sıçrıyor
Oradan kalbime doluyor her yaşımda
Bereketli bir ovanın göğsünde yol alıyoruz
Pencereden uzaklara bakıyoruz
Ablamın duvağı uçuşuyor rüzgarda
Avucunda çürümüş bir nar
Ağzında lal bir çığlık
Altmışbeş yaşım giriyor kapıyı ardına kadar açarak
Üstündeki kederi kompartmana saçarak
Yüzü Afrika haritası
Gözleri Çin Denizi
Çiçek tarhlarının arasından geçiyoruz
Ormanların bağırsaklarından, dağların koltuk altlarından,
Bir deri bir kemik kalmış köylere bakıyoruz
Atlı babam yarışıyor lokomotifle
Durmadan birşeyler bağırıyor ardımdan
Ama anlamıyorum
Kulağımda çınlıyor nal sesleri
Sağ yanımda ondokuz yaşım beliriyor
Gözleri ışıyor sevinçten beni görünce
Tam o anda bir atmaca geçiyor pencereden
Kafesteki saka pusuyor
Küçük gözlerinde büyük kıyamet
Tren duruyor bir ara istasyonda
Gölgeler titriyor dolunayın altında
On yaşımdayım, gözlerimde nergis büyütüyorum
Portakal mı, elma mı yoksa su mu satıyorum
Yolcuları uyandırıyorum kan uykulardan
Düşlerini alıyorum, koynuma dolduruyorum
Sabahlara kadar gidip geliyorum vagonlarda
Hasta iniltisi, kusmuk kokusu, ölüm korkusu

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Minh-Triêt PHAM (France) 

Une joie et un grand honneur d’avoir rejoint la scène internationale du Festival de Poésie 2023 à Bucarest parmi plus de 170 poètes de 27 pays sur quatre continents.

Cet évènement revêt une atmosphère très spéciale, au sein de laquelle j’ai gardé une impression d’être en totale immersion… Englobé, fusionné dans cet univers qui partage les mêmes centres d’intérêts et les mêmes passions. Je me suis senti parfaitement compris, heureux et fier de pouvoir offrir à toute l’assemblée une déclamation de mes poèmes !

lecture de haïkus ~

dans les rires du public

ma raison d’être

C’est une sensation d’unicité et de liberté, juste indescriptible… De ces rencontres qui relèvent de l’extraordinaire ! Une véritable découverte, une expérience inoubliable…

l’écho des poèmes

au-delà des murs de la ville…

fin de l’été

#1

matin calme —

un cri de chocard

déplace la montagne

calm morning —

a chough’s scream

moves the mountain

calm în zori de zi ~

un croncănit de cioară

mută muntele

#2

nuit à la campagne —

les étoiles et les lucioles

communiquent en morse

countryside by night —

fireflies sending to the stars

missives in Morse code

noaptea la țară ~

stele și luciole

mesaje Morse

#3

lune froide —

son désir d’enfant

après l’IVG

cold moon —

her wish for a child

after the abortion

e lună plină ~

ce mult ar vrea un copil

după un avort

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