Écrire/Être écrivain : Francisc Edmund Balogh

 

De la graine de parole aux fleurs de la métaphore (fantaisie)

Tout est arrivé lors d’une de mes petites balades sur le sentier du cœur qui mène loin, à travers la forêt de mes pensées, au-delà des collines, là où l’on tisse d’habitude des arcs-en-ciel. Un éclair avait touché soudainement le coin de ma rétine, me détournant de mon travail de cartographe ludique des nuages sous le ciel bleu. J’ai tourné mon regard dans la direction que m’indiquait la lumière inattendue. C’était une graine, (du moins ce qui me semblait être), comme un objet en ivoire, que j’ai tout de suite relevée de la poussière et que j’ai nettoyée avec attention avec le revers de ma veste, dans un geste de pénitence devant l’abandon qu’elle venait de subir. Je l’ai soulevée pour l’observer, c’était une jolie petite graine, un objet à part, comme un bijou conçu pour charmer le cœur d’une femme. Je l’ai mise dans ma petite poche extérieure, côté cœur, tout en continuant mon chemin. Le soir frappait aux portes du crépuscule, et j’ai eu l’impression qu’un chant de cigale m’accompagnait tout au long de mon voyage, en tout cas, c’est ainsi que je l’ai perçue. J’ai penché l’oreille sans pouvoir identifier d’où venait ce chant. Finalement, j’ai dû me rendre à l’évidence, le chant ne venait pas de la graine qui était dans ma poche.  Et pourtant, penser que cette graine avait quelque chose de miraculeux devenait pour moi une certitude. Je me doutais bien qu’il s’agissait de la chose la plus magique, la plus miraculeuse de toutes les graines du monde. Elle renfermait ma voix intérieure avec toutes mes chutes et mes ascensions, l’écho d’une parole, celui d’une métaphore. Oui, il s’agissait bien du germe de la parole. Devant cette évidence, mes pas sont devenus plus alertes, j’ai traversé la forêt, j’ai franchi les collines pour qu’une fois à la maison je mette sans tarder en terre cette graine, la confie au soleil, à l’eau et au sol, pour qu’elle devienne miraculeusement un arbre offrant son ombre pour le repos des passants, afin qu’ils puissent régénérer leurs corps, leurs âmes et leurs rêves.  Les jours se sont écoulés l’un après l’autre, pendant que l’arbre a donné d’autre fruits avec lesquelles j’ai fait un collier à mettre autour de ton âme. L’arbre de la parole et de la métaphore m’a offert des pépins pour les planter à profusion sur les collines, dans les valons, par-delà l’horizon, dans la respiration parfumée de l’aube et du coucher du soleil et de tout ce qui vit aux quatre coins du monde.

Jadis, ailleurs, sur cette colline dorée par le soleil, j’écris assis dans l’herbe et parmi les fleurs, le cœur en paix, porté comme une graine légère de pissenlit portée par un vent doux au-dessus de toutes les choses animées ou non-animées, jusqu’à arriver sous le regard des lecteurs. Il s’agit d’une écriture légère, convertie en un jeu, en un moment de joie enfantine, en un avion en papier déployant ses ailes dans un tourbillon fait pour durer toute une éternité.

Francisc Edmund Balogh, 14 septembre 2020

Francisc Edmund Balogh est un écrivain et poète roumain. Son premier recueil de poésies „ Melancolia lumilor paralele” [La mélancolie des mondes parallèles] publié en 2006 aux Editions Scriptorum de Baia Mare a été très bien accueilli par la critique. Lors de ses études à Montréal, entre 2006 et 2011, il a collaboré à des émissions littéraires comme Canadian Imigrant Podcast dans le cadre du cénacle de poésies bilingue « Ars Poetica ».  En 2015 il publie le recueil „Clarobscur și fum” [Clair-obscur et fumée] en collaboration avec Iulia Olaru. Depuis 2016, il publie dans des revues littéraires online comme Cenaclul Poetic Schenk, Club Qpoem, Literatura de azi, Extemporal liric, Literatura din Călimară. En 2020 ; il signe un groupage de poésies dans le volume collectif du Cénacle Poétique Schenk « Wort Vergessen » (Parole oubliée), poésies traduites en allemand. D’autres collaborations dans des revues comme ECreator,  Noise Poetry, Sintagme Codrene. Francisc Balogh publie également des poésies en anglais sur les sites World Nations Union Writers et World Literature Academy, Poetry UK, Poetry. Il est l’auteur de traductions de l’anglais en roumain des auteurs comme Pavol Janik et Manolis Aligizakis.

(Traduit du roumain par Dan Burcea)

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