Écrire/ Être écrivain : Bénédicte Flye Sainte Marie

 

Écrire, c’est mettre des mots sur le monde, sur la violence, l’absurdité ou la douceur de ce que l’on traverse. Ou au contraire trouver à travers les lignes que l’on produit un moyen de s’abstraire d’ici et maintenant, s’offrir un dérivatif incroyable, une bulle qui permet ensuite décupler nos bonheurs vécus et de mieux supporter ce qui nous heurte chez les autres mais aussi et surtout nos propres contradictions et médiocrités. Car je vous le concède, l’auteur ou l’écrivain, quel soit le nom qu’on lui donne et le statut qu’on veut bien lui accorder, est quelqu’un d’ontologiquement pénible car il a tendance à tout ressentir très fort, trop fort, à être transporté par ce petit rien joyeux qui a agrémenté sa journée mais aussi à être blessé par ce qui n’aurait même pas égratigné son voisin.

Je fais partie de cette école des « fugueurs », qui ne couche pas ses mots sur le papier pour s’y incarner littéralement mais plutôt pour réinventer un ailleurs où les pesanteurs extérieures n’existent pas. Quand je pense à tout ce qui m’attend dans les prochaines années devant mon clavier (certains savent peut-être que j’aimerais changer de registre et passer de l’essai sociétal au roman), je suis comme Auguste Gloop dans Charlie et la Chocolaterie, impatiente et gourmande devant l’immense champ des possibles qui s’ouvre devant moi (même si je préférerais, cher Roald Dahl de l’au-delà, ne pas finir comme lui). Dans ma tête, s’entrechoquent des idées en pagaille sur ce qui pourrait m’inspirer. Il y a celles, nombreuses et peu courtoises, qui s’éclipsent à peine arrivées alors que j’étais certaine de tenir un incroyable sujet, pareilles aux invitées d’une soirée qui fuiraient de peur de devoir discuter avec moi. Quelques-unes ont néanmoins la politesse de s’enraciner et je les couve et les garde sous mon aile, en espérant parvenir bientôt à les faire grandir.  

Écrire est aussi à mon sens indissociable du fait de jamais cesser de lire, lire et lire encore pour devenir moins ignorant, abolir les certitudes qui nous rendent intolérants et s’imprégner de ce qui se dit de plus beau, de plus vrai, parfois de plus essentiel. C’est enfin cultiver l’humilité et se réjouir le fait que des plumes qui ne savent rien de nous aient pu saisir si parfaitement ce qu’on gardait en soi et que l’on peinait à dépeindre ou à formuler, comme s’ils avaient réussi à nous sonder le cœur et les tripes. A tous ceux qui ont livré leur vérité dans leurs livres et m’ont aidée à cerner les miennes, je ne saurais jamais dire assez dire merci.

Bénédicte Flye Sainte Marie, 13 septembre 2020

Bénédicte Flye Sainte Marie est journaliste en presse magazine et auteure de trois ouvrages parus aux éditions Michalon “Le pouvoir de l’apparence”, “PMA, le grand débat” et le dernier en date “Les 7 péchés capitaux des réseaux sociaux”, sorti le 8 février 2020 qui évoque les divers biais par lesquels les réseaux sociaux influencent et déforment nos comportements quotidiens.

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