Portrait en Lettres Capitales : Alexandra Koszelyk

 

 

Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous  ?

Vaste question ! Je suis née le jour d’Halloween, une fête celte qui – à l’origine- symbolisait une passerelle entre les deux mondes. J’aime bien me dire que je me tiens toujours sur ce pont : entre deux rives : celle de la réalité et celle de la fiction.

Je suis née à Caen, en Normandie, et j’y ai vécu jusqu’à mes 30 ans. C’est une ville construite sur d’anciennes carrières qu’on peut visiter en partie durant les journées du patrimoine. Qui sait ce qui s’est passé en-dessous ?

Vivez-vous du métier d’écrivaine ou, sinon, quel métier exercez-vous ?

Mon premier roman a été publié en 2019, je suis toute nouvelle dans le métier. Il serait très difficile de pouvoir vivre entièrement de ma plume : peu d’écrivains y arrivent.

Je suis professeure de lettres classiques : j’ai la chance d’avoir deux métiers qui sont aussi des passions.

Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?

Cela a d’abord commencé par la lecture. Quand j’étais adolescente, j’allais chaque semaine à la bibliothèque, et j’empruntais toujours le maximum de livres. Je « consommais » quatre / cinq livres par semaine. Ensuite, c’est tout naturellement que je me suis tournée vers des études de lettres.

L’écriture est arrivée assez tardivement, vers mes 30 ans. Auparavant, je n’osais pas. Quand on fait des études de lettres classiques, du haut de la pyramide de livres, 30 siècles nous regardent : il y a de quoi être impressionnée.

Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?

Milan Kundera. J’ai tout d’abord plongé dans ses romans avant de découvrir L’art du roman, et les Testaments trahis.  L’idée selon laquelle un romancier doit s’effacer derrière ses personnages me plaît. La littérature est un vaste champ d’explorations, nous y cherchons continuellement à définir ce qu’est l’être humain dans toute sa complexité.

Aujourd’hui, Kundera se fait rare, il a réussi à complètement s’effacer derrière son œuvre. Je l’admire pour sa discrétion.

Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?

J’ai commencé par écrire de la poésie, puis des nouvelles, avant de passer au format long. Les lecteurs me disent souvent que j’écris des romans poétiques, que les deux genres s’entremêlent. Cela me va. Pourquoi faudrait-il choisir un genre si on est de nature à aimer les deux ?

Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?

J’écris un chapitre (pas forcément les uns après les autres), je le laisse reposer, puis je le travaille de nouveau avant de passer au suivant. J’ai la fâcheuse manie de relire très souvent ce que j’ai écrit, afin de trouver la musicalité qui me convient.

Je peux écrire à la première personne ou la troisième, mais jamais un « je » qui est moi, « je » a toujours été un autre.

Je crois que j’écris plus facilement « il / elle », tout simplement parce que je peux varier les points de vue, avoir une pluralité que le « je » n’offre pas. (Sauf si ce « je » est porteur de schizophrénie.)

D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?

Les sujets de mes livres sont des fantômes qui me hantent depuis tellement longtemps qu’ils sont devenus une partie de moi-même. Ce sont toujours des sujets qui me passionnent : il y a un temps de recherches (je redeviens une étudiante) avant de passer à l’écriture. Je ne me verrais pas passer autant de temps sur quelque chose qui ne m’intéresse pas.

Pour mes deux premiers romans, chacun a mis trois ans entre le début de leur conception et leur publication.

Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?

Oh jamais ! Le titre a toujours été trouvé à la fin. Par exemple, A crier dans les ruines a longtemps été baptisé « projet T », T comme Tchernobyl. Avant de devenir « Rayonnante », puis « les deux terres », puis « l’Arche verte ».

Le titre est la touche finale, le glaçage de l’œuvre. Ensuite, une fois le titre choisi, je relis le texte afin qu’il y ait un ou deux clins d’œil entre le titre et l’histoire.

Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?

Je deviens eux. (Quand je parlais de schizophrénie plus haut …) Mais c’est un acte volontaire.

Je ne saurais pas vous dire clairement par quel chemin passe mon imaginaire pour créer des personnages. Sans doute pourrais-je utiliser la figure d’un oignon ? Je commence par une première couche, puis une deuxième, et une troisième. Ensuite, au fil de l’écriture, le personnage évolue, s’affine, prend des chemins de traverse.

Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.

J’ai sorti aux Forges un roman au mois de janvier dernier : La Dixième muse. C’est une sorte d’odyssée, le cheminement d’un homme qui se prend tellement de passion pour Apollinaire qu’il rêve de ses muses. J’ai eu envie de flirter avec le roman gothique, d’aller aux frontières des genres, de les brouiller. Si le roman est sorti dans la collection « Fiction blanche » des Forges, certains libraires le rangent dans le rayon SFFF. J’aime bien me dire que ce livre navigue dans différentes eaux, je n’ai jamais aimé les étiquettes.

Sinon, j’ai deux nouveaux projets qui me tiennent vraiment à cœur (tout comme les deux précédents). J’ai même l’impression que plus j’écris, plus je fourmille de projets.

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