Depuis des années, nos contemporains ne cessent de courir après l’éclat mystérieux et illusoire de nos sociétés, en oubliant d’explorer leur propre univers intérieur riche de ses subtils rayonnements du vécu de l’être, ou de la pensée subtile, avant même de revêtir la forme des idées capables de raisonner pour leur propre destin circonscrit dans la durée plus ample du monde.
Une histoire du monde qui, dans des moments difficiles s’est posé la question Quo vadis, Domine ? (Où vas-Tu Seigneur?). La réponse que l’homme a réussi à trouver n’a pas été à la hauteur des enjeux de la politique de l’humanité qui a continué à poursuivre ses propres enjeux, lois et défis illusoires. Aujourd’hui, cette pandémie imprévisible a immobilisé l’humanité à la frontière du passé et du futur, en lui imposant le présent comme unique territoire. Mais quel présent, en fin de compte ? Celui de l’Homme récent (Patapievici) déraciné dans sa propre modernité qui montre, ces jours-ci, son visage reflété dans la fastueuse Cité du Vatican envahie par la solitude de l’imprévu spirituel et humain.
Le confinement généré par la peur de la maladie et de la mort a ouvert pour certains les cœurs à l’entraide et pour d’autres à se jeter sur les étales des magasins, poussés par un individualisme qui prouve le manque de compassions pour les autres. Comment pourrions-nous contrebalancer « le mal du monde » ? Se réfugier à l’intérieur de la littérature, de l’art ou d’autres œuvres des « auteurs gentils » pourrait être une solution devant ce besoin de s’abriter dans l’imaginaire.
Un célèbre et controversé aphorisme attribué à André Malraux – « Le XXe siècle sera spirituel ou ne sera pas » – refait surface dans l’actualité comme sujet de réflexion sur le monde future débarrassé de la pandémie. L’heure de notre solitude qui nous est imposée risque-t-elle de convoquer la solitude générale même après cette crise pandémique ? C’est une question à laquelle personne ne peut répondre pour le moment. Vivre l’instant avec joie et pour la joie trouve sa racine dans la conscience que Dieu nous a conçus ainsi, afin de nous ancrer dans ce désespoir, peu importe le chemin qu’empruntent nos destinées.
Dans la vie des sociétés humaines, des événements de cette ampleur, comme ceux que nous vivons en ce moment, changent de fond en comble, au moins à court et moyen terme, les fondements de la vie en commun. Mon expertise dans le domaine de l’exil d’après-guerre d’une partie de la population roumaine, me fait penser que dans des périodes difficiles, la spiritualité et la culture peuvent contribuer à conserver l’idée d’une alternative démocratique capable d’assurer la cohérence de la nation. La solidarité en est sans conteste sa forme la plus aboutie et la plus noble.
Mihaela Toader est une historienne roumaine, docteur en sciences politiques, SNSPA, 2013.
Elle a débuté en littérature en 2019 dans la revue Astralis avec Imprevizibila libertate.
Elle initie et coordonne plusieurs projets culturels et cous d’été, expositions documentaires : Biblioteca românească din Freiburg – izvor de cultură românească și loc al memoriei exilului românesc, 2013, IICCMER, Institutul Român din Freiburg – istorie și perspective cultural-europene, Ambassade de Roumanie à Berlin, IICCMER, 2014, Berlin, mais également entre 2017 et 2019de trois éditions de l’Ecole d’été de Sinaia sur l’exil roumain de l’après-guerre.
Elle est co-auteure du volume Sursele Securității informează, Editions Humanitas, Bucarest, 2008.
(Traduit du roumain par Dan Burcea)