Rebecca Wengrow : L’amour au temps du… Covid 19

La robe de printemps

Pour la première fois, elle enfilait une robe de printemps. Pas vraiment rouge, ni rose, un peu délavée par le temps. Mais elle était encore belle grâce à toutes les petites fleurs bleues et blanches qui s’y épanouissaient. Grâce à elles, elle pouvait tout espérer de cette robe. Elle avait un peu raccourci et désormais, découvrait ses genoux. La veille, il avait fait une si belle journée, que ce matin, elle n’avait pas hésité. Le corps sur lequel la robe s’était dépliée avec légèreté, respirait l’huile parfumée. Le col s’arrondissait sur une nuque dégagée où quelques cheveux s’échappaient d’un chignon négligé. Le V du décolleté remontait sur un regard cerné, dont les cils avaient été allongés. Le soleil des jours derniers avait tapissé ses joues de taches de rousseur qui lui donnait un air enfantin.
Elle était prête.
En se regardant dans le miroir, elle se dit qu’elle ressemblait à sa robe. Ensemble, elles avaient dévalé les années, comme on roule depuis le haut d’une colline jusqu’en bas.
C’était l’heure.
Tous les soirs ou presque, ils avaient rendez-vous. Il sonnait, elle apparaissait. D’abord il la regardait, il la scrutait même. C’est ce moment qu’elle préférait. Tendre et silencieux. Le regard juste avant la parole. Son regard. Ce qui suivait lors de leurs rendez-vous, dépendait de leurs humeurs. Ces deux-là s’aimaient depuis plusieurs années mais, depuis plus d’un mois à présent, ils apprenaient autre chose. Quelque chose de nouveau.
Comme d’habitude, il a sonné, elle est apparue. Il avait retroussé les manches de sa chemise blanche. Elle aimait ça.
Ne pas être contre lui, mais avec lui. Toute entière. Elle et sa robe de printemps.
Ce soir-là, ils ont décidé de danser. L’un en face de l’autre. Longtemps, « Our love is easy ».

Téléphone contre téléphone.

Tard, beaucoup plus tard, elle s’est endormie, la robe de printemps encore sur elle.
A travers l’écran, il pouvait presque entendre sa respiration. Il a sorti ses crayons de couleur, ainsi pendant qu’elle dormait, il pouvait l’observer et la croquer.

©Rebecca Wengrow


Née à Paris dans les années 60’, Rebecca Wengrow a publié, plusieurs livres et une pièce de
théâtre. Elle a participé à plusieurs ouvrages collectifs et collaboré à de nombreuses revues
littéraires.
Elle a réalisé de nombreux reportages dans le cadre de son travail à France télévision.
Rebecca Wengrow, qui a toujours voulu être écrivain, aime autant l’image que le verbe : « […]
j’ai toujours voulu adapter une de mes nouvelles en film. […] Mon écriture est, je crois, très
visuelle.»
Une Etoile cousue à main est son premier court-métrage qu’elle a adapté de sa nouvelle au
titre éponyme.
2006 : Une Etoile cousue main, nouvelle – éd. La Luminade
2007 : Reporter à France 3 région
2008 : Réalisation d’un reportage de 26 mn
2009 : L’impatience du tourment, nouvelle
2009 : Le Désespoir des heures de pointe » nouvelles – éd. BSC Publishing réédition
enrichie éd. Fortuna
2010 : La mendiante et le prophète, nouvelle
2012 : Les Névroses de Mlle Bloum, nouvelle – éd. Folies d’Encre
2012 : Les Vivantes – Théâtre. Première lecture
2014 : Trois Quarts d’heure d’éternité, roman – éd. Fortuna. Prix de la Forêt des Livres
2014 : Le Bruit des talons, nouvelle – collectif Nouvelles du couple
2014 : Les Chevaux sauvages, nouvelle – éd. Des Ailes sur un Tracteur
2014 : Même le cri des oiseaux , nouvelle – revue 813
2015 : Un col quoi , nouvelle – éd. 26 édition
2016 : Le baiser de l’algue à la pierre, nouvelle – Revue Continuum
2016 : Bourse à l’écriture du CNL
2017 : Les Vivantes, Théâtre – éd. l’Esprit Frappeur
2018 : Représentation de la pièce Les Vivantes -Théâtre de la Pépinière
2018 : Une Etoile cousue main – film
Une Etoile cousue main, le début d’une carrière… ª
Sélection « hors concours » Festival du cinéma israélien – Paris
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