La vie est une corne d’Abondance
Avec ses conséquences de plus en plus drastiques, souvent incomprises, inacceptables, cette épidémie en évolution parfois incontrôlable, nous submerge avec son lot terrible de souffrances, de peurs, de drames parfois, d’isolement et de mort, de prises de précautions attentives, de déferlement de vraies infos ou de bêtises sur les réseaux sociaux, sur les écrans de télévision, partout en fait. Partout ! On pense virus, on parle virus, on respire virus et respirer virus, c’est dangereux par les temps qui courent ! Il faut aérer sa tête aussi ! Il faut faire très attention et c’est vrai, on ne doit pas sortir sauf cas précis quand on est vraiment obligé et merci à ceux qui y sont contraints pour nous ! Etre enfermé, c’est un devoir moral ! C’est un Devoir !
Mais se retrouver seul, dans mon cas, dans un appartement calme avec des voisins respectueux, ce fut une fois passé le moment de surprise, d’étonnement, un retour sur moi-même, une introspection qui n’était pas prévue et qui s’est ouverte comme une main, un repli heureux, toutes les obligations incontournables qui me hantaient tantôt, s’effaçant, pour un temps, tout d’un coup. Une redécouverte de la nourriture, par exemple, sélectionnant mieux, sachant que faire les courses devenait une équipée, découvrant que, peut-être, avant, je gaspillais un peu et sans satisfaction particulière. Chaque fruit, chaque légume devient plus précieux ! La découverte d’un cadre moins pollué, d’un air qui prenait soudain en ville une odeur de nature faute de voitures, quelques passants parfois, que je vois de la fenêtre, calmes et profitant autrement de leur sortie contrôlée, les oiseaux qu’on entend de nouveau aux heures de pointe, quelque chose de méditatif qui se pose partout. Des fleurs colorées sur les pelouses tout autour qu’on prend le temps d’observer. La découverte d’une nature, d’une consommation urbaine qui doit être pensée totalement, absolument dans une autre conception.
Et si cela allait nous apprendre une nouvelle façon de vivre, à certains d’entre nous du moins ! Je suis sûr que je ne serai plus le même quand tout cela sera fini, si je survis. La vie est une corne d’abondance, les fruits tombent de partout et nous enseignent parfois quand tout va mal, de belles choses, mais on ne pense pas toujours les ramasser ! Une leçon d’humilité pour moi !
Pierre Jacquemin vit à Bordeaux. Il est l’auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Riveneuve:
- Constantin P. Cavafy – De l’obscurité à la lumière ou l’art de l’évocation, 2009
- Voyages à l’ombre de la lumière, 2012
- Errance sur les quais Bordeaux, 2015
- România, vertiges de saison, 2019