L’écriture est comme un jeu dans les matinées lumineuses ; elle est curiosité ; c’est une aquarelle verte, jaune et bleu sur la carte du monde ; c’est une énergie reçue par la capitalisation de la mémoire et dont le compte-rendu remplit le journal de toute une vie ; l’écriture est pulsation de vie.
L’écriture, c’est la solitude dévoilée se hissant des ténèbres de la nuit ; elle est à la fois liberté et captivité ; c’est la grammaire de nos retrouvailles ; la suspension à la réalité par des syllabes où les voyelles sont des ancres dans les ports illuminés avec intermittence par les phares de notre enfance.
L’écriture est la preuve des troublantes rencontres qui remplissent les espaces, créent des harmonies au-delà de la temporalité. Les paroles sont nos traités de paix, après tant de déclarations de guerre des voyageurs solitaires.
Les paroles écrites sont une force à l’état pur, qui triomphent de la douleur, de la haine ; ce sont les gouttes de pluie tombées sur nos doutes ; les paroles sont des incantations miraculeuses qui appellent l’amour, qui filtrent les cacophonies du monde, qui cherchent la source d’eau vive.
L’écriture est la clé qui nous aide à comprendre les temps légendaires cachés dans l’histoire de l’humanité.
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Mais qui sont les écrivains ? On croirait à la fois des demi-dieux et les plus humbles des hommes.
Ils ont rêvé que la terre était ronde avant les navigateurs et ont offert la lune à leurs bien-aimées avant les astronautes. Ils ont deviné la vibration du vol haletant au-dessus des eaux des libellules avant les entomologistes.
Les écrivains sont les vedettes des manuels scolaires et des anthologies littéraires. Ils se tiennent compagnie sur les étagères hautes des librairies. Ils sont les auteurs des meilleurs livres dévorés pendant les vacances ou de ceux lus dans les salles des bibliothèques, le crayon et le dictionnaire à portée de main. Qu’on les aime ou pas, on réussit toujours à y trouver l’écho de chacun de leurs auteurs. Et pourtant, les écrivains sont des personnes – qui furent jeunes jadis, en manque de café le matin, hantés par la recherche d’une esthétique originale capable de rendre lisible l’infini et l’éternité.
Avec dévouement et don de soi l’écrivain déconstruit le monde et le reconstruit avec talent, montant sur ses cimes les jours calmes ou agités par l’orage. Lorsqu’il nous invite dans son univers fantastique nous pouvons découvrir la vérité sur nous-même, mais selon leur rythme à eux; nous sommes en fait les bénéficiaires d’une transfusion de courage, de liberté, d’essentialité ; nous sommes suspendus dans l’intemporel, tout en faisant partie de la Grande Histoire.
Delia Bălăican est une écrivaine et historienne roumaine, rédactrice-en-chef de la Revue de la Bibliothèque de l’Académie roumaine.
Elle a participé en tant que co-autrice à l’anthologie România La Centenar. 100 De Poezii De Pe Frontul Marelui Război (Bucarest, 2018) et de la monographie Domeniul Cntacuzino Florești. Despre trecut, prezent și viitor (Bucarest, 2019).
Elle est contributrice au volume édité par l’Institut d’Histoire Nicolae Iorga, Războiul de fiecare zi: Viața cotidiană în tranșee și în spatele frontului în Primul Război Mondial (1914-1919).
(Traduit du roumain par Dan Burcea)