Écrire/Être écrivain : Alain Hoareau

 

Cela commence comme un récit de voyage comme on soulignerait l’existant. En défiant le silence de l’écho de sa voix, au milieu de la scène, entre deux vides. Au voyageur tout est rencontre et je peux en rendre compte. Si je raconte celle d’un paysage, d’un animal, d’un objet ou celle d’une femme jusqu’au silence lui-même, il en restera une trace dans le sablier. Les grains en sont comptés alors je me hâte d’y tracer quelques lettres : écrire c’est se donner à vivre son voyage.

Il n’y a rien à inventer, juste transcrire. La création n’est pas mon affaire, je reste voyageur dans l’étonnement des jours. Tout a déjà été dit, mais jamais de cette façon-là. Jamais selon mon propre langage, mon propre rythme. C’est l’éclairage de cette différence qui permettra de dévoiler le sens, non de ce qui est, mais de ce qui passe à travers moi et de tendre un miroir qui allumera peut-être d’autres miroirs. Le langage commun ne permet pas de saisir la part sienne. Elle n’est, ni mieux, ni moins bien, elle est autre. Il existe une seule nécessité : engager la lumière.

Écrire est avant tout une forme, un objet, une matière propre à recueillir cette lumière. Écrire se tient tout proche de la composition musicale dans laquelle la structure détermine le sens, même imperceptible aux oreilles non averties, elle assure la transmission de l’émotion qui sera la première porte d’entrée, sans que l’émotion ne puisse tomber dans le bavardage. Cela continue comme un récit de voyage comme on relierait les existants en osant l’écoute de ce qui est autre, au milieu de la scène, entre deux vides. Au voyageur tout est découverte, il se tient jusque dans l’infime des différences. Dans ma trousse de voyage il y a cette loupe qui permet de capter le moindre mouvement propre à générer une lame de fond. Du tremblement d’une feuille aux hurlements de l’orage, de la nuit noire à la lumière de l’été, de celle de tes yeux aux miens, il y a la clé de cette nécessaire différence : le langage que j’invente. Il n’y a pas de création spontanée comme il n’y a pas de génération spontanée.

Le plus sûr moyen d’avancer est de prendre appuis sur l’existant. Je ne suis ni dans l’acceptation ni dans le rejet de ce que l’on a pu m’apprendre mais dans l’acceptation de ce que je suis capable de faire à partir de là. Ce qui repose sur le vide finalement s’apparente au vide. Le voyageur se tient entre deux vides. Cela finit comme un récit de voyage, comme on inviterait au prochain, osant défier le nombre de grains du sablier, avec l’espoir démesuré que quelqu’un viendra s’appuyer à son tour sur les traces qu’on aura laissées.

Je dessine un visage, le plus fidèle qui soit, que seuls vos regards me permettront d’observer. Sans me retourner j’emprunte les vôtres, notre voyage est le même, seule notre empreinte est différente.

Alain Hoareau le 26/07/2020

Alain Hoareau est professeur de guitare classique au Conservatoire à rayonnement départemental des Landes. Il est également consultant auprès des entreprises autour de thèmes divers comme le travail en équipe, la fausse note, la solitude du chef d’orchestre, l’importance de la transmission.

En tant qu’auteur il a publié aux éditions L’Harmattan de 2016 à 2019 cinq recueils de poèmes : Quatre saisons plus une, Lettre en vacance, Ajour, Préludes et fugues et Le jour opéra.

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