Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous ?
Je suis Elisa Sebbel, primo-romancière, auteure de « La prisonnière de la mer ». Je suis née à Levallois-Perret en région parisienne. J’ai passé mon enfance et ma jeunesse dans le sud de la France. Puis après mes études, je suis partie aux Baléares comme lectrice et j’y suis restée. J’habite à Majorque depuis 24 ans maintenant, presque la moitié de ma vie.
Vivez-vous du métier d’écrivaine ou, sinon, quel métier exercez-vous ?
Je ne vis pas de l’écriture. Je suis enseignante-chercheuse à l’Université des Îles Baléares.
Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?
Ma passion pour la littérature est née très jeune. Des instituteurs à l’école, Mr Natoli entre autres, et des profs de français au collège. Mr Natoli avait une machine à écrire dans la classe et nous devions tous écrire notre petite histoire, en petits groupes. C’est comme ça que j’ai commencé à écrire à 9 ans.
Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?
L’auteure qui m’a le plus marquée est Marguerite Duras. À l’adolescence, j’ai lu « Moderato Cantabile » et tout au long de ma vie, je l’ai relu plusieurs fois. J’ai parfois besoin de retrouver sa voix particulière, cette sensualité des mots. J’y reviens toujours.
Pour moi, il y a aussi un avant et un après avec le poème « Correspondances » de Charles Baudelaire, l’expression des sens, les mots charnels qui sont presque physiques…
Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?
Je pratique la poésie pour moi et le roman en publication. Les deux se complètent. La poésie, c’est l’apprentissage des mots et des sons, la recherche poussée du sens et de la forme. C’est l’un des arts les plus difficiles. Le roman, c’est un autre savoir-faire : développer une histoire structurée, des personnages.
Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?
Mon premier roman, je l’ai écrit d’un trait. Il est juste sorti de manière assez instinctive. Pour le second, il y a eu de multiples réécritures. Peu à peu, j’apprends et m’améliore, j’espère. J’écris à la première personne, ce qui est assez limitatif, mais j’aime ce rapprochement avec ma protagoniste. Quand j’écris, je vois dans ma tête un film qui se déroule. Dans ce film, je suis Héloïse et je vois à travers ses yeux.
D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?
J’ai puisé le sujet de mon premier roman de mes recherches, le second, d’un sujet qui m’avait toujours intrigué. J’aime découvrir l’autre, essayer de le comprendre. On juge beaucoup. La critique est facile et pourtant la question à se poser devrait être : Et moi, qu’aurais-je fait si j’étais née dans ce pays-là, dans ces conditions-là ou dans cette culture-là ?
Évidemment, je parle toujours du rôle des femmes. C’est un thème qui me tient à cœur. Ces femmes du XIXe siècle ont souvent été oubliées. Qui se rappelle aujourd’hui des cantinières de l’armée napoléonienne ? Certaines ont pourtant reçu la légion d’honneur. Même de nos jours, pendant ce bicentenaire Napoléon, je vois peu de mention à leur sujet. Qui faisait rouler le pays pendant que les hommes étaient à la guerre ?
Quant au temps nécessaire pour produire l’œuvre de fiction, je suis plutôt lente. J’ai besoin de me plonger dans des recherches et de me baigner dans une ambiance avant d’écrire. Il faut bien connaître le cadre historique avant de se lancer dans la fiction. Et tout ça se fait en dehors de mon travail pour l’université, pendant mon temps libre. Je mets donc au moins deux ans.
Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?
Le titre vient en dernier. Pour le second, il est venu en cours d’écriture assez tôt, lors d’un dialogue.
Le titre est une métaphore du contenu.
Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?
Une question difficile. On n’invente pas les personnages, ils apparaissent. Après, oui, si l’on veut, on peut leur inventer une biographie. Mais un personnage n’obéit pas à l’auteur. Il est lui et agit à sa guise. Je sais qu’il faudrait faire, comme préconisent les cours d’écriture créative, des arcs des personnages avec leur faiblesses, leurs conflits et leurs désirs. Pour moi, ça ne marche pas comme ça. Ils apparaissent en écrivant (dans le film dans mon esprit) avec leur physique et leur caractère. Pour moi (vous allez croire que je suis folle), mes personnages sont aussi réels que vous et moi.
Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.
« La prisonnière de la mer » vient de sortir au livre de poche. Elle a la chance d’être dans la sélection du prix du livre de poche. J’espère qu’elle rencontrera de nouveaux lecteurs.
Je viens de remettre ma dernière version de la suite à mon éditrice. J’attends son retour. Et je commence, peu à peu, à concevoir le troisième tome, à lire sur le thème historique, penser à l’histoire, aux pays traversés. Finalement, je vais écrire une série de 4 tomes : chacun dans un pays ou continent différent avec un thème historique bien spécifique, toujours avec le couple Héloïse-Louis et leurs aventures, des personnages qui disparaîtront puis reviendront.
Docteur en littérature française, Elisa Sebbel est enseignante-chercheuse à l’Université des Îles Baléares. La Prisonnière de la mer (Fayard, 2019), son premier roman, a reçu le prix du jury du Mazarine Bookday 2018 et a été traduit en espagnol (Roca Editorial, 2020). Fruit de ses recherches, il dévoile un drame oublié de notre histoire : la terrible captivité de 5000 soldats napoléoniens et d’une vingtaine de vivandières sur l’île déserte de Cabrera de 1809 à 1814. Les mémoires fictives d’Héloïse qui retracent la première année dans ce camps de concentration avant l’heure est à la fois un récit sur la survie, la solidarité et la résilience et une belle histoire d’amour. Son second roman continuera avec la vie d’Héloïse et découvrira de nouveaux faits historiques oubliés.
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