Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous ?
Je m’appelle Lisa Balavoine, je suis une femme, une fille, une mère, une sœur, une tante, une amoureuse, une amie et, à certains moments, une écrivaine. Je suis née et je vis toujours à Amiens, dans le nord de la France. C’est une ville que j’aime pour ses briques rouges et ses canaux, c’est à la fois l’Angleterre et la Belgique. Les gens y sont chaleureux et sincères.
Vivez-vous du métier d’écrivaine ou, sinon, quel métier exercez-vous ?
Dans la vraie vie, je suis professeure depuis 23 ans. J’ai tout d’abord été professeure de lettres, puis professeure documentaliste. Je ne vis pas du tout du métier d’écrivain, pour le moment c’est un peu comme si je touchais un 13e mois … mais il me semble qu’écrire n’est pas un métier, ni un plan de carrière.
Je crois que si je vis de quelque chose, c’est surtout en me nourrissant du beau qui m’entoure, les rires de mes enfants, le regard de l’homme que j’aime, la présence de mes amis et celle des livres, de la musique, de la photographie. Sans ces présences, je ne vis pas, et le reste n’est qu’accessoire.
Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?
J’ai toujours aimé lire, depuis que je suis enfant. Ma grand-mère m’a appris à lire très tôt, je devais avoir quatre ans. Fille unique pendant un long moment, les livres étaient mes seuls amis. J’inventais des histoires que j’écrivais, puis des poèmes. Il me semble l’avoir toujours fait, mais sans forcément de régularité. J’ai ensuite fait des études de lettres, ce que j’ai adoré, je me suis spécialisée en littérature du 18e siècle. Je m’apprête à retrouver les bancs de l’université pour préparer l’agrégation et cela me réjouit. Je ne me suis autorisée à écrire véritablement qu’assez tard. Faire lire ce que j’écrivais m’a demandé beaucoup de temps et sans doute une certaine inconscience. Mon premier livre est paru alors que j’avais 43 ans, j’ai à la fois l’impression d’être une jeune écrivaine et en même temps d’entrer dans ce monde déjà vieille.
Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marquée le plus dans la vie ?
C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Adolescente, Jane Eyre de Charlotte Brontë a été une révélation. J’aimais tout de ce roman, ce personnage comptait beaucoup pour moi, j’ai lu et relu ce texte des dizaines de fois. Par la suite, beaucoup de lectures ont été très importantes pour moi : l’écriture blanche d’Annie Ernaux, l’autodérision de Philippe Jaenada, la poésie amoureuse de Paul Eluard, l’intelligence narrative des romans de Kundera, l’humour de Diderot, les aphorismes cyniques de Cioran, les romans noirs d’Ellroy… J’ai eu beaucoup de périodes en tant que lectrice et j’en ai encore. Mon livre préféré est un roman assez peu connu d’Anne Brochet, Trajet d’une amoureuse éconduite, un livre qui mêle textes et photographies, âpre et limpide.
Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?
Je crois que je pratique le roman, mais sans doute pas la forme romanesque traditionnelle. Je suis attirée par les formes courtes : fragments, microfictions … C’est dans l’écriture brève que je me sens chez moi. C’est sans doute pour cela que la poésie est très présente dans ma vie. J’envisage l’écriture comme une succession de polaroïds qu’on retrouverait dans une boite et qu’on sortirait au hasard, jusqu’à reconstituer la trame d’une histoire.
Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?
J’écris le plus souvent d’un trait, par flots, puis plus du tout. Je n’ai aucune méthode d’écriture hélas. Il me semble que par moments, cela me « tombe dessus » et à d’autres, rien ne vient. C’est quelque chose de mystérieux. Je laisse décider l’écriture quand ça lui chante. Je manque certainement de rigueur, mais c’est ainsi que je suis, contemplative, assez nonchalante et je ne cherche pas à changer. Je préfère le récit à la première personne, en tant qu’autrice mais aussi en tant que lectrice. J’aime lire quelqu’un avant de lire une histoire.
D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?
Les sujets de mes livres proviennent de la vie quotidienne et de ma mémoire. Le spectaculaire ne m’intéresse pas. Ce qui retient mon attention, ce sont toutes ces petites choses, ces instants de vie qui nous constituent et nous rendent vivants sans qu’on s’en aperçoive. J’aime les mouvements du cœur, j’essaie de les traduire. L’intime m’obsède. J’ai en tête ces mots issus d’une chanson de Vincent Delerm, « La vie passe et j’en fais partie ». C’est ce passage de la vie sur nous qui m’intéresse, ce qu’elle nous fait, ce qu’elle nous prend, ce qu’elle nous donne.
Pour ce qui est du temps, je suis très lente, mais d’un projet à l’autre, il m’arrive d’écrire très vite. Il n’y a pas de règles en ce domaine et je ne m’oblige à rien.
Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?
J’ai souvent un titre en tête dès le début d’un projet, mais ce n’est pas forcément le titre définitif. Quand le texte est fini, il me semble qu’un titre s’impose de lui-même. Le titre est majeur, c’est le premier contact que le lecteur a avec le livre, c’est un prénom, une identité, c’est déjà un roman.
Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?
J’ai plutôt l’impression de ne rien savoir inventer… Le personnage est bien souvent pour moi une sorte de double. Il y a toujours beaucoup de ma propre intériorité dans le narrateur de mes textes. Je trouve que c’est très difficile de quitter un personnage, alors peut-être qu’en leur ressemblant, en partageant avec eux des émotions qui me sont personnelles, je les garde en moi pour de bon.
Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.
Mon dernier livre est un roman pour adolescents, Un garçon c’est presque rien (publié chez Rageot en août 2020). Il s’agit de l’histoire de Roméo, un adolescent de seize ans, qui cherche sa place de garçon dans un monde de masculinité brutale dans lequel il ne se reconnait pas. Il est bien évidemment question d’adolescence, d’amitié, d’amour, de solitude, mais ce livre aborde aussi des questions de société : le harcèlement, le revenge porn. C’est un texte sur la parole et le silence, un texte sur ce qui lie entre eux les êtres.
Je travaille actuellement sur deux projets : je termine l’écriture d’un roman, ainsi qu’un recueil poétique pour lequel je collabore avec une illustratrice, Caroline Cruzinah. J’espère que ces deux projets verront le jour car ils me tiennent beaucoup à cœur.
Pour finir, j’ai également des projets plus personnels, je joue de la musique avec l’homme que j’aime, nous faisons des petits concerts, j’apprends à m’exprimer autrement que par l’écrit, cela me porte vers de beaux horizons.
Eparse, Lattès (2018) et Livre de Poche (2021)
Un garçon c’est presque rien, Rageot (2020)