« Je ne suis pas une femme civilisée, je suis une petite sauvage, élevée au milieu des grands bois et au bord des grandes rivières. Si ce que je vois me plaît, je le désire, et si je le désire, je le veux. »
Cette image esquissée sous la plume d’Alexandre Dumas, à l’ombre des forêts, dans le lit des torrents, au pied de la montagne, cette force qui va à travers une nature indomptée porte les traits de mon visage. On est de son âme comme on est d’un pays. … Je suis cette petite sauvage, fille d’une terre iconoclaste qu’on croirait inventée pour moi. Elle est mon refuge, mon rocher, île de beauté, île de courage, simple et fière, ma Corse bien aimée, mon intimité. Sa silhouette familière laisse penser à un être cher que l’on caresse pendant son absence, que l’on invente le temps d’une attente amoureuse. Joie de le retrouver, plaisir de l’étreinte retrouvée, et paix à son visiteur… Sur son rivage, Vanina, sœur de corsitude raconte notre chère patrie, sa chrétienté tranquille, sa pureté et sa fierté, son maquis aux mille et un parfums, sa montagne rude, ses oliviers centenaires qui tendent leurs bras échevelés vers le ciel. Ici une parole vaut un écrit et le respect se pare des couleurs de la dignité. Ici la trahison appelle la réponse. Ici la douceur porte les couleurs de la force et la droiture se veut brutale si elle est corrompue. Autour des grands lacs glacés règne le silence. Sa puissance. Sa grandeur. Sa réponse à la lâcheté des hommes. Je suis de ce pays de France, protégé de la clameur et de la folie par ses montagnes, ses tours génoises dressées en vigies sur la mer. Enfant de ce paradis charnel tout à la fois austère et matiné de douceur Italienne, j’arpente les ruelles de ses villages pimpants, et m’abandonne à la prière dans les petites églises ouvertes jour et nuit semées telles des étoiles dans un paysage divin. La Corse est mon palais. Princesse et paysanne, j’aime entendre la puissance du vent balayer la montagne mystérieuse, me plonger dans la fraicheur des cascades et des lacs profonds, me coucher sur les plages de galet. Sur leurs rives, j’aime lire, marcher, nager, pleurer sous la pluie, chanter et boire avec mes amis, allumer le feu dans l’âtre quand l’hiver menace. Face à la mer, je regarde les bateaux comme suspendus fuir la ligne d’horizon, voguer vers l’infini, mes rêves battant pavillon avec eux. Du haut de la montagne, depuis ce balcon sur la mer, mon regard embrasse la beauté de ce monde enchanté qui est le mien, où le matin tout est bleu et le soir tout est rose. Ma Corse, blonde et hospitalière par sa douceur, sensuelle et brute par sa nature exigeante, est un joyau pur posé sur des eaux vives. De cette terre bénie des Dieux, de ce ravissement permanent monte vers le ciel une prière incandescente, un Salve regina, appel à Notre Dame, chant de beauté et d’espérance, cri de la nation. La Corse c’est le vent qui se lève. Selon le poète Paul Valéry « il faut tenter de vivre » après avoir tourné les pages du livre.
Christine Goguet, février 2021
Crédits photo : Antoine Fenech
Christine Goguet est journaliste et auteur du livre Les Grands Hommes et Dieu, Éditions du Rocher, 2020.