Il arrive rarement qu’une formule que celle utilisée par Raphaël Delpard dans son livre « La Conférence de la honte, Évian, juillet 1938 – Une incroyable page d’histoire enfin révélée » (Éd. Michalon, 2015) ait la vocation de sonner si grave et si juste, surtout à la lumière de l’actualité inquiétante que nous vivons. En abordant le sujet des crimes perpétrés par le régime nazi et de l’attitude du monde occidental face à ce drame, l’auteur conclut : «Car si le crime nazi envers les Juifs et les Tziganes est imprescriptible, ce qui l’a rendu possible, c’est bien le silence des nations». Sans doute, cette affirmation doit être resituée dans le contexte des années ‘30 pour dire toute la gravité d’une situation dont on connait aujourd’hui le bilan désastreux. Sauf que, même sortie de ce contexte, sa réalité et son fardeau symbolique lui confèrent un statut indéniable de paradigme dont l’Histoire s’en empare pour expliquer comment se nourrit son infernale machine à fabriquer de la mort et de la destruction. Cette tension symbolique entre factualité et responsabilité maintient notre conscience collective dans une continuelle interrogation sur les failles et surtout sur les écueils de notre capacité à jouer un rôle dans le devenir de l’humanité.
Le travail d’historien de Raphaël Delpard ne se résume pas à cette dénonciation des faits, même si celle‑ci lui sert de fil conducteur dans sa réflexion. Se consacrer à un tel sujet exige pour lui un long travail de documentation sur les débuts du troisième Reich, sur la naissance et la progression de l’idéologie raciste et antisémite dont Hitler avait fait son crédo politique et son étendard belliqueux. N’oublions pas de mentionner ici le souci pour la portée pédagogique que cet auteur accorde habituellement à son écriture. Plus encore, le sous-titre de son ouvrage ouvre une perspective supplémentaire sur sa contribution à la recherche de la vérité sur des faits méconnus ou cachés au grand public. Pourquoi tout ce mystère autour d’une des plus grandes hypocrisies des dirigeants politiques de l’époque ? Comment expliquer leur attitude devant un drame d’une telle proportion qui concerne, dans les années 1938, des centaines de milliers de Juifs discriminés dans leur vie matérielle et sociale et contraints à quitter l’Allemagne nazie ? La Conférence d’Évian-les-Bains (6-15 juillet 1938) a donné à chaque délégué présent l’occasion de trouver les prétextes les plus odieux pour expliquer l’impossibilité d’accueillir une population en errance et menacée de destruction massive.
Raphaël Delpard a eu la gentillesse de nous répondre à toutes ces questions.
Pourquoi ce livre? Entre la nécessité du témoignage et le devoir de mémoire quelle a été l’impulsion la plus forte dans votre travail d’historien ?
Mes premières réactions ont été la surprise et la colère de voir que cette page d’Histoire avait été occultée pendant toutes ces années, qu’aucun livre n’y avait été consacré. Derrière, c’est profilé un travail de mémoire et la nécessité de rapporter encore une fois comment le comportement des hommes peut être vecteur d’un drame terrible.
Beaucoup d’ouvrages ont été consacrés à la période sombre du début du nazisme. En quoi, selon vous, ce sujet garde encore toute sa force aujourd’hui ?
Bien-sûr qu’il y beaucoup d’ouvrages, de livres, de films, concernant la montée du nazisme, la mise en place de la politique raciste, expansionniste, et cætera, mais, encore une fois, cette partie n’avait jamais été abordée puisqu’elle avait été occultée. Tout aussi comme d’autres sujets, comme, par exemple, celui de l’eugénisme, y compris en France, où il y a eu un ou deux trains de malades mentaux qui ont été déportés vers l’Allemagne pour être assassinés. Là aussi, il y a des responsabilités à éclaircir, est-ce que la SNCF était dans le coup, est-ce qu’elle savait qui étaient ces gens qui voyageaient dans les trains de sa compagnie. Enfin, ce que je veux dire c’est que dans cette période précédant septembre 1939, il y a encore des passages où l’Histoire n’est pas dite. En particulier, même s’il y a quelques livres qui ont été écrits là-dessus, l’attitude de la Société des Nations qui, je vous le rappelle et vous l’avez lu dans le livre Joseph Avenol qui était pro-allemand et assez anti-juif et qui non seulement a été un des artisans du refus d’organiser la conférence à la SDN, ayant pendant la guerre un comportement tout à fait regrettable. Bref, pour être plus précis, il y a toute une période de l’avant-guerre qui reste à découvrir et à travailler.
Vous consacrez une bonne partie de votre ouvrage à la description des circonstances historiques, géopolitiques et même biographiques qui ont contribué à la prise du pouvoir allemand par Hitler et les nazis. Pourquoi cette longue parenthèse ?
Je crois que je l’ai mis d’abord parce que le livre n’aurait pas tenu debout, pour pouvoir expliquer comment les gens sont arrivés d’une part à ne plus tendre la main à des gens qui étaient indiscutablement en péril, même si à l’époque l’on ignorait totalement le programme et l’aboutissement de la solution finale qui a été dessinée en décembre 1941 et mise en place en janvier 1942. Il fallait donc expliquer l’attitude des uns et des autres sans quoi le message, si je puis dire, ne tenait pas debout.
Entre l’ascension fulgurante du régime nazi et l’indifférence coupable des États face à cette évidence sous prétexte de non-ingérence dans les affaires d’un État souverain et sous l’œil indifférent de la Société des Nations comment expliquer cette attitude?
Pour pouvoir répondre à cette question d’une manière pertinente, il faudrait presque expliquer l’attitude politique, géopolitique, économique de chaque État qui était représenté à la SDN et pouvoir expliquer ainsi les raisons de ce refus. Il y une raison globale qui est initiée par Roosevelt qui fait comprendre à travers ses ambassadeurs aux États qui ont été convoqués à la conférence que rien ne sera fait, que les frontières resteront fermées. Autrement dit, pour pouvoir répondre à votre question, il faudrait presque une seconde analyse, en regardant un pays après l’autre. C’est une longue explication, un long débat que je n’ai pas entre les mains, pour cela il faudrait replonger dans les archives. Par exemple, je développe dans mon livre la situation de la Suisse où Paul Grüninger qui a fabriqué de faux passeports, de faux visas pour que les Juifs autrichiens puissent, après l’Anschluss, entrer en Suisse. Malgré cela, il a fini par être rejeté par son propre pays.
Surprenante est aussi la manière dont l’esprit collectif allemand glisse imperceptiblement vers la haine des Juifs, pourtant très bien intégrés dans la société. Comment décrire ce glissement généralisé vers une mentalité de haine ?
Disons que lorsqu’une population se détourne d’une partie de ce qui la compose, c’est que l’information a réussi à les séparer de cette partie. Disons que, en fait, la grande force de la manipulation des foules du nazisme, mais on pourrait faire un parallèle avec la manipulation de foules de nos jours, c’est de rendre le Juif invisible. Souvent, lors de mes conférences, les gens me posent des questions, non pas relatives à ce livre, mais à la Seconde guerre, sur l’horreur de voir un soldat, un être normalement constitué, comme on dit, tuer froidement un Juif, homme ou femme et même un enfant. Mais j’ai toujours expliqué qu’Hitler avait réussi à inculquer aux soldats de la Wehrmacht, des SA, etc. l’idée que lorsqu’ils tiraient sur un Juif, ils tiraient dans le vide, ils tiraient sur personne. C’est ça qu’il faut comprendre ! Et ce qui est stupéfiant c’est que ces Juifs étaient complètement intégrés dans la société allemande, intégrés à un point que l’on ne peut même pas imaginer, ça dépasse les mots, ça dépasse l’entendement quelque part. Eh bien, une partie de la société allemande aussi c’est préservée elle-même : il ne faut pas oublier que dans les guerres il y a 10 ou 15%, 20 % maximum de gens qui veulent résister, les autres veulent survivre. Donc il faut aussi voir la situation de l’Allemagne à cette époque et la force de la propagande nazie qui réussit à cette époque de rendre le Juif responsable, comment dire, maître du malheur. Bref, pour être plus précis, il faut retenir que la raison principale de ce glissement vers la haine a été la réussite de la propagande de rendre invisible une population totalement intégrée qui était allemande d’abord et juive ensuite.
Devant ce spectacle de violence et de désolation, les Juifs d’Allemagne agissent «sans précipitation, convaincus qu’il s’agit d’une effervescence de courte durée». S’agit-il, selon vous, d’une sorte de scepticisme suicidaire ou d’une catalepsie devant la rapidité du cours des événements ?
Oui, tout cela est lié à la question précédente, les Juifs allemands ne croient pas. Il faut vraiment attendre 1935. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu de familles qui ont essayé de s’en aller avant, bien sûr, mais véritablement, le grand moment du départ, la prise de possession du départ, la décision de s’en aller n’a commencé vraiment à entrer dans les esprits qu’à partir de 1935. Et puis, ceux qui mettent leurs biens entre les mains du Reich ne peuvent pas quitter l’Allemagne, les consulats ne délivrent pas de visas. Ils sont donc enfermés dans une nasse, dans un filet. On peut donc dire qu’à partir de 1935 naît une conscience du danger, et encore… Moi, je possède des témoignages que je n’ai pas mis dans le livre, des Juifs allemands qui ont été à Dachau et qui me disaient qu’ils avaient honte pour les Allemands, mais ils s’intégraient dans cette honte-là. C’est quelque chose qui est très difficile à comprendre et il m’est arrivé lors d’une conférence au Musée de la Résistance à Lille, les gens m’ont fait répéter ces choses, tellement ça paraît incompréhensible. Mais, c’est, hélas, la vérité. Il ne faut pas l’oublier qu’en Allemagne il y a eu des ministres, des ambassadeurs juifs, ils étaient Allemands. Et, puis il y a eu la rapidité de l’ascension d’Hitler au pouvoir. Hitler, les Allemands ne le connaissaient pas, il était connu en Bavière parce que c’était là où il exerçait ses talents. Et même les autres pays d’Europe, personne ne s’est inquiété de savoir qui il était. Et donc, la rapidité, la violence. Je raconte dans le livre comment Ribbentrop demande au président de la communauté juive de Berlin de se rendre à New York et de demander aux Juifs américains de continuer d’acheter des produits allemands, parce qu’il y avait un boycotte de ces produits. Il y a en effet un cercle d’effervescence, mais tout cela va se calmer. Il faut du temps. Les Juifs sont là depuis le premier siècle, il ne faut pas l’oublier ; ils ont fait toutes les guerres comme Allemands, ils ont fait la guerre de ’14, ils sont médaillés et d’ailleurs l’empereur écrit à Hitler (je recopie les deux lettres dans mon livre) en parlant de la valeur et de la vaillance des soldats d’origine juive. Donc, il y a la rapidité, la non-connaissance du personnage, n’oubliez pas que le principal moyen de communication c’est la radio, alors que nous savons que tout s’est fait dans les officines politiques. On sait bien de quelle manière son mouvement a gagné des sièges au parlement. Personne ne connaissait cet homme qui, après être devenu chancelier, détenait tous les pouvoirs ! On a beau à se gausser aujourd’hui en parlant de Mein Kampf ! Qui a lu ce livre ? Il était connu parce qu’il était acheté obligatoirement par les municipalités qui l’offraient tout aussi obligatoirement aux jeunes mariés. Ce qui explique pourquoi il s’est vendu à des millions d’exemplaires. Il y a donc cet amalgame, et puis les gens n’y croient pas ! Lorsque les Allemands voient les boutiques juives fermées, ils ne comprennent pas. Il a fallu mettre un soldat SA devant chaque boutique pour s’apercevoir qu’il se passe quelque chose. L’interdiction au début leur passe au-dessus de la tête.
Commence ensuite un exode parsemé de terribles drames. Un de ces exemples qui conjugue désespoir d’une population déplacée et indifférence des gouvernements censés les accueillir est le périple du bateau Saint-Louis. Il a, même à nos jours, valeur de symbole.
Le Saint-Louis n’est hélas pas le seul exemple, mais je n’ai mis que celui-ci. Nous sommes, il ne faut pas l’oublier, en 1939, à la veille de la guerre. Ce qu’il faut savoir c’est que les ports étaient tous fermés. Le Saint-Louis est l’exemple immense, frappant du non-intérêt à la fois parce qu’il s’agit de Juifs et ensuite parce que l’on ne va pas se brouiller avec l’Allemagne. Il y a donc tout un aspect politique, culturel. La responsabilité de ce qui va se passer est mondiale, elle est planétaire, les exécuteurs nous les connaissons, mais ceux qui ont permis tout cela, c’est la terre entière. Nous parlons ici de Saint-Louis, mais il ne faut pas oublier qu’en 1944 il y a des Juifs boat-people qui essaient de se sauver d’Italie en essayant de rejoindre Chypre par la mer et la marine anglaise a reçu l’ordre de bombarder ces flottilles de rescapés.
Arrive enfin le moment de la Conférence des nations de 1938, à Évian-les-Bains. Qui est à l’origine de cette conférence et pourquoi s’est-elle déroulée en France, alors que le siège de la SDN se trouvait à Genève ? Vous parlez à ce sujet d’un vrai «engrenage des abandons».
On peut dire qu’à l’origine de cette conférence se trouve Roosevelt qui est poussé aux épaules par l’Association juive mondiale et chrétienne anglaise à l’organisation de cette conférence même si les USA, comme d’ailleurs l’Allemagne et l’URSS, n’étaient pas membres de la SDN. En revanche, concernant le refus que cette conférence se déroule à Genève, je suis incapable de vous répondre, car il m’a été impossible de trouver le procès-verbal de la réunion à huis clos où une telle décision a été prise. J’ai été baladé de service en service, de dossier en dossier sans trouver la transcription de cette décision. Là encore il s’agit d’un document qui appartient à l’humanité, si je puis dire, qui appartient à tout le monde et que l’on camoufle. La même situation avec la France qui s’y est collée pour organiser cette conférence. Il n’y a pas de réponse à la question, j’ai longuement fouillé sans succès pour savoir si la France avait un quelconque intérêt, car, en fin de compte, ça aurait pu être l’Angleterre, la Belgique pas l’Italie, bien sûr ni l’Espagne. En tout cas je n’ai pas de réponse à cette question non plus. Quant à l’engrenage des abandons, il s’agit de tous les abandons, de 1938, de Munich, et l’on peut dire que 1938 c’est l’année de tous les abandons.
Quelle leçon retenir du bilan honteux de la conférence d’Évian ?
La leçon à retenir c’est que nous sommes tous responsables des uns et des autres et que l’Histoire n’est pas vierge même si nous ne sommes pas encore en mars 1941 quand commence la déportation. Lors de mes conférences, on me parle de la migration en marche forcée des populations d’aujourd’hui en Europe. Je crois qu’il ne faut pas comparer ce qui n’est pas comparable : ces gens qui arrivent trouvent les portes de l’Europe grand ouvertes, ces portes ne sont pas fermées, il n’y a pas besoin de passeports, de visas alors que les Juifs allemands et autrichiens ne pouvaient entrer nulle part. C’est ça la grande différence. Alors oui, comme leçon, nous pouvons dire que ce qui arrive aux uns peut arriver aux autres et que personne n’est à l’abri.
Êtes-vous sceptique ou optimiste quant à l’évolution et à l’amélioration de la situation actuelle?
Moi qui suis d’un optimisme à tout crin, je suis d’un profond pessimisme par rapport à ce qui se passe actuellement dans le monde. Je suis écœuré, j’ai la nausée parce que tout ce qui a été bâti depuis des siècles par les uns et par les autres, même si l’on s’est battu les uns contre les autres, nous dirons que ça fait partie de la marche du monde, de l’évolution de l’humanité, de l’histoire des hommes – les hommes ont besoin de guerres, d’expansionnisme, ils ont besoin d’autorité –, mais ce qui se déroule actuellement sous nos yeux et qui va s’accentuer, va devenir terrible, car le pire est devant nous, va apporter des choses que nous n’avons encore jamais vues. Je ne parle même pas de pénuries, car il va y avoir des pénuries. Ce qui est devant nous va être terrible. Mais ce qui est terrible c’est de penser que c’est finalement, je vais mesurer ce que je veux dire, on va dire quoi un clan, un groupe, un groupuscule de gens qui ont décidé de changer la face du monde, de redistribuer les cartes des puissances. Lorsque vous regardez les guerres, la guerre de 1870, est la réponse des guerres royales et napoléoniennes de 1815, la guerre de ’14 est la réponse à celle de ’70, et celle de ’39-’45 c’est la réponse à la guerre de ’14 avec le redécoupage des territoires, les frustrations, les amertumes qui engendre finalement les guerres et les conflits et on va créer la même chose. La différence, la grande crainte, c’est qu’il y aura, comme toujours d’ailleurs, une minorité qui va résister devant une majorité qui est prise de peur parce que, depuis 1945, elle vit dans un certain confort, et c’est normal, mais l’on n’a pas habitué les gens à se battre de nouveau. Les gens des pays de l’Est ont dû se battre, certes avec des erreurs et des errances, pour rebâtir l’image de ce qui leur avait été volé par les bolcheviks. Ici, ce n’est pas la même chose, ici les gens sont indolents, ils n’ont pas le goût du combat, voilà ! Donc, ma grande crainte c’est que l’on va arriver, pour revenir au sujet de notre discussion, comme Hitler l’avait fait en son temps, à faire ressurgir des concepts que tout le monde avait acceptés par peur, tout simplement.
Je ne suis pas optimiste, je suis profondément pessimiste, profondément inquiet, triste, amer et bien sûr, je pense à moi-même, « qu’est-ce tu as fait, dès le premier jour où tu as pu voter, tu as pu agir, qu’est-ce tu as fait ?…
Mais je ne vous donnerai pas la réponse, bien sûr…
Propos recueillis par Dan Burcea
Note sur Joseph Avenol :
Joseph Avenol, secrétaire général de 1933 à 1940 de la Société des Nations, inspecteur des Finances, haut-fonctionnaire, ne doit sa nomination à la SDN qu’au simple fait que, suite à l’accord intervenu entre les grandes puissances lors de la création de la Société des Nations, le Premier secrétaire devait être anglais et son successeur français. Avenol est un suiviste, exécutant les ordres que lui donnent les nations adhérentes et ne déroge pas aux directives des gouvernements anglais et français. Caricature du haut-fonctionnaire, exécuteur, privé d’imagination et d’initiative. De toute façon, le sort des Juifs en fuite ne l’intéresse pas. La suite de sa carrière explique son peu d’empressement à résoudre la crise des réfugiés. Lors de l’invasion Allemande en Pologne, il est favorable à une politique de collaboration avec Berlin.
Note sur Paul Grüninger :
Paul Grüninger paie un lourd tribut pour sa désobéissance aux ordres en permettant à trois mille Juifs d’entrer en Suisse et de fuir à jamais l’enfer nazi. Il fut jeté hors de la gendarmerie, et vécut de petits métiers pour survivre. Instituteur avant d’entrer dans la gendarmerie, il ne put retrouver un poste d’enseignant. Ce n’est qu’en 1995, soit vingt-trois après sa mort, qu’il fut réhabilité, grâce à l’intervention et à l’action incessante des enfants d’un couple autrichien auquel il avait apporté de l’aide et qu’il avait sauvé.