Qui êtes-vous, où êtes-vous née, où habitez-vous ?
Je suis Tamara Magaram, une auteure parisienne, je suis née à Paris. J’ai grandi dans le 17e arrondissement, le quartier Pereire, les Ternes, maintenant je vis dans les Hauts-de-Seine.
Vivez-vous du métier d’écrivaine ou, sinon, quel métier exercez-vous ?
Je ne vis pas financièrement du métier d’écrivaine. Mon occupation d’auteure m’apporte l’équilibre et la ressource nécessaire à ma vie, c’est une sorte de carburant. Je travaille pour un média, j’ai toujours travaillé pour la presse, j’aime cet univers, l’information, la culture, l’accès facile au savoir.
C’est un secteur qui souffre mais qui sait se réinventer, et c’est là où germe le débat d’idées.
J’ai commencé dans la pub pour un magazine people et aujourd’hui je travaille pour un journal économique. C’est agréable et cela me maintient au contact des idées et du papier! C’est proche du monde du livre et de l’édition, avec peut-être une réactivité et un temps plus court dans les délais. Dans l’édition, quand on écrit un roman, on se situe sur un temps long, le désir qui naît puis le temps de la maturation, le temps de l’écriture, le temps du travail et des ajustements.
Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?
Il s’est passé quelque chose, comme une rencontre, vers treize ou quatorze ans, la découverte de Maupassant. Les premières sensations littéraires sont venues là. J’ai eu la conviction qu’un monde autre s’ouvrait à moi, et ce monde me semblait plus vivable que le monde quotidien. Une perspective infinie et absolue où tout ne semblait que réalité et émotions. Puis j’ai lu, de plus en plus, et ce monde ne s’est jamais refermé. J’ai commencé à écrire tard, même si je fantasmais d’écrire déjà à quinze ans. Il me manquait la confiance nécessaire. J’avais des freins intérieurs, de l’ordre de la confiance en soi, je me sentais trop minable pour écrire et je plaçais le statut de l’écrivain au-delà de tout.
Une fois ce plafond de verre brisé, sans doute après des années de souffrance et sous l’impulsion de la force du désir d’écrire, j’ai commencé à écrire, j’avais vingt-deux ans, et c’était par le biais de la nouvelle. Je ne me sentais pas capable de faire plus long et j’aimais l’impact de la nouvelle avec sa chute, et pourtant j’ai continué, je n’ai jamais cessé. C’est devenu une nécessité, une pratique vitale comme un exercice spirituel. Et j’ai sophistiqué l’action, j’ai complexifié ma démarche, aujourd’hui je n’ai plus cette écriture sauvage des démarrages, je fais des recherches, il y a une construction, une orientation et parfois une thèse cachée dans l’écriture. J’ai une approche naturaliste et spirituelle à la fois.
Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?
Il y en a plusieurs, c’est difficile à dire, selon les périodes je peux vous en citer un ou un autre. Et puis j’ai été frappée par la littérature mais aussi par la philosophie, par Nietzsche et Schopenhauer en particulier. Là comme je viens de vous parler de la naissance du processus littéraire, je pense à Maupassant et à Flaubert avec Madame Bovary , c’est né avec ces derniers, mais je pourrais aussi citer Kafka, la Métamorphose.
Et puis je ne peux pas taire les Russes, ils me sont essentiels. L’influence littéraire est pour moi une constellation d’auteurs.
Bon choisissons alors et gardons Madame Bovary.
Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?
Le roman, même si j’ai écrit de la poésie. Mes romans sont rangés en essais par certains. Je mêle un peu ces deux écritures. L’analyse de la psychopathologie des personnages me pousse à un réalisme extrême qui peut rappeler l’essai. Mais ces histoires sont des récits “ inventés” même si elles calquent le réel, l’approfondissent ou le transpercent.
Je mêle un peu ces deux écritures. La roman dans sa véracité atteinte doit se faire essai et vice versa. Un roman qui serait “ trop roman” ne m’intéresse pas. Le sujet de départ est le réel, et je garde constamment cela en tête.
Mon point de gravité reste le réel.
J’aime la poésie mais cela nécessite une disposition d’esprit quasi hypnotique pour créer, je peux en écrire, mais cet état , nécessaire à l’écriture poétique, ne se commande pas. Tous mes romans revêtent une dimension poétique, elle fait partie de l’existence. Elle réside en toute chose.
Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?
C’est variable, mais c’est toujours dans une tension nerveuse qui s’échappe de ma personne. Je peux écrire à la première personne ou à la troisième, selon le personnage et l’histoire.
Mes derniers romans ont été réalisés en plusieurs temps. Le temps de la recherche et de la pensée. Le temps de l’écriture. Un travail autour de la structure puis une relecture avec réécriture, plusieurs mois après, pour valider ou pas les premières intuitions.
Il me faut en moyenne deux ans sur un roman, le temps de l’écriture est assez court, c’est le reste qui est plus long et lent. Il y a un processus de maturation qui m’échappe aussi, je ne peux commander le temps que cela prendra, je ne peux qu’accueillir un processus de création qui reste mystérieux.
D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?
Je puise les sujets de mes livres dans mon enfance, mon adolescence, ma vie passée, mon présent, ou la vie de mes ancêtres. C’est ma matière principale et c’est mon «familier». Après je ne sais pas si on peut choisir ses sujets, j’ai toujours ressenti que les sujets s’invitaient en moi, venaient à moi et qu’il me fallait écrire, car les ressentir, et en faire une sorte de rétention devient invivable. Le processus dure (en moyenne) deux ans.
Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?
Non, jamais. Le titre vient en dernier. D’ailleurs le roman en construction ne porte qu’un nom de code. Il est anonyme quand il se crée. Le titre est la dernière pièce à poser, une fois que le texte est abouti, il est fondamental car il doit révéler en quelques mots un souffle de plus de 200 pages…
Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?
Je ne sais pas s’ils sont inventés, ils existent réellement pour moi, c’est même un rapport assez charnel. Je les aime, j’ai toujours de l’affection pour mes personnages centraux. Je passe beaucoup de temps sur leur environnement, leur vécu, ce qui aurait pu forger leur caractère, leur psychologie. Je passe de nombreuses heures à reconstituer ou à comprendre leur passé. Sans cela ils manqueraient d’aspérité. J’observe leurs paradoxes, leurs réactions, leurs faiblesses. Mais leurs relations sont essentielles. Les personnages sont aussi des êtres sociaux, on peut les comprendre et les connaître en maîtrisant leur univers social.
Je les invite à s’ouvrir à moi, à se révéler. Il n’y a pas de maîtrise de ma part, c’est pour cela que je vous disais que je ne pense pas les inventer. Ils sont réels.
Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.
Mon dernier ouvrage paru est Les âmes guéries (chez Ramsay Éditions en 2020) est un roman complexe sur la relation à la mère, sur la maltraitance et la résilience. C’est un roman à la structure narrative particulière qui rappelle l’essai. Certains l’ont trouvé cinématographique dans son esthétique. J’ai passé 4 ans sur ce roman, et il m’a transformée, car ces années-là ont été pour moi des années de travaux intérieurs, d’enquête, de rencontres et d’observation. Il y a eu un avant et un après pour moi, et une solidité intérieure y est ressortie.
Le prochain L’Exode de Valia paraîtra le 21 septembre prochain chez Ramsay. C’est un roman qui commence en 1916 et qui se termine en 2012 avec deux espaces temps donnés. Il s’agit d’un roman fondé sur une enquête transgénérationnelle que j’ai effectuée. La quête des racines et l’identité sont au cœur de ce roman.
Je peux partager avec vous le résumé, c’est une avant-première personne ne l’a eu 😊
La photo de couverture représente mon ancêtre, mon arrière-grand-mère, Valentina Magaram.
1916, environs de Kiev – Empire Russe, Valia, jeune fille issue d’une famille juive aisée vit ses premiers émois, à l’aube de la révolution le pays vacille.
Elle fuit et cache sa judéité, puis entame un voyage à travers la Mer Noire, Constantinople, pour atteindre Paris dans les années 20.
Valia découvre la dureté de l’exil et le mariage au sein d’une communauté de princes russes déchus de leurs titres et de leurs richesses. Elle survit aux cruautés de cette vie d’immigrée et au poids de son histoire dans l’époque sombre et tourmentée que traverse la France.
En 2011 à New York, Natalia, trentenaire française qui vit aux USA, s’interroge sur le sens de sa vie.
Ancienne alcoolique, elle s’épanouit dans les réunions des AA… Un jour, son neveu Boris lui annonce qu’il part pour un tournage en Ukraine.
Natalia décide de lui révéler un secret sur leurs ancêtres.
Une mémoire enfouie des origines resurgit et bouleverse leur quotidien.
L’exode de Valia un roman sur l’exil, les métamorphoses et la renaissance. Ce récit retrace l’épopée d’une famille déracinée, au cœur d’un vingtième siècle meurtri, à travers le destin d’une femme forte, courageuse, prête à tout pour transmettre, survivre et donner à sa vie un sens digne des valeurs héritées de son passé.
Mes romans sont influencés par la psychanalyse, ils sont difficilement détachables de cette branche du savoir. Si je dois garder peut être un élément clef pour la lecture de mes textes, c’est la connaissance de soi, comme connaissance des autres et du réel. Sans mauvais narcissisme, je crois que l’écrivain a cette chance d’être en connexion avec son âme, son être dans sa lumière et sa noirceur. Ce lien lui permet d’écrire des mondes qui pourront permettre aux êtres de sentir cette “ connexion”.
Mon travail d’écriture est une souffrance sublimée et compensée en permanence.