Chacune et chacun d’entre nous vit le confinement à sa façon. Les ours mal léchés ne voient pas le problème, tandis que les hyper sociaux souffrent le martyre. Mais il y a une constante : pour tous, il y aura désormais un « avant » et un « après ».
Ceux qui ont perdu un proche, ceux qui ont été atteints par la maladie, ceux qui se sont portés volontaires pour aider, ceux qui ont eu le courage bon an mal an de continuer à travailler en dépit du danger, ou les chanceux qui seront passés entre les mailles du cruel filet, tous tant que nous sommes et en âge de comprendre, ne percevrons plus jamais notre monde comme par notre passé, court ou long.
Comme quelques-uns d’entre nous, enfant, chaque fois que je faisais ma difficile, mes parents et grands-parents m’ont rebattu les oreilles du sempiternel « on voit bien que tu n’as pas connu la Guerre ! ». Dorénavant, vous aussi pourrez asséner aux générations futures le « on voit bien que tu n’as pas connu le Confinement ! ». Maigre privilège, me direz-vous ; mais comme toute expérience, elle nous apprendra à revivre.
Concernée comme chacun, j’en suis arrivée au constat suivant : c’est comme si, quelque part, notre vie à présent conditionnée par son omniprésence menaçante avançait de pair avec le coronavirus. Comme lui, nous progressons, nous changeons, nous évoluons.
Congratulant de loin une amie pour son anniversaire, celle-ci m’a répondu qu’elle me prenait dans ses longs bras virtuels. Je me suis alors figuré notre nouvel avatar : nous voilà temporairement réincarnés en pieuvres qui enserrons de nos longs et nombreux tentacules les correspondants lointains et aimés. Jamais l’expression « avoir le bras long » n’a été si concrètement illustrée. Bref, comme le virus : nous mutons !
C’est vrai quoi, si ce sinistre envahisseur peut s’arroger ce droit à la transmutation, eh bien, nous aussi, na !
Certes oui, qui sait, nous devrons à l’avenir nous adapter, muter dans nos têtes et dans notre corps, et moi, si je peux choisir et tant qu’à faire, je préfère la belle et élégante octopodidée, nageant gracieusement dans les eaux purifiées de l’océan qui, lui, se réjouit de sa relative pureté retrouvée.
Concluons avec le nouveau mot d’ordre amical et solidaire : prenez soin de vous et de vous proches, et,
Courage à toutes et tous !
Juliette Nothomb – 31 mars 2020
Juliette Nothomb, Belge vivant à Lyon depuis 1999, a passé toute sa jeunesse à l’étranger et notamment en Asie. Elle est romancière et chroniqueuse culinaire pour l’hebdomadaire belge Télépro. Cuisinière autodidacte et passionnée depuis l’adolescence, elle met la main à la pâte dès qu’elle en a l’occasion.
Auteur de trois livres de cuisine (La cuisine d’Amélie, Albin Michel, 2008 ; Carrément Biscuits, La Renaissance du Livre, 2012 ; Carrément Pralines, La Renaissance du Livre, 2013).
Par ailleurs, elle a également publié deux romans jeunesse (Des Souris et des Mômes, Albin Michel Jeunesse, 2010 ; La vraie histoire de la Femme sans Tête, Albin Michel Jeunesse, 2011) ;
Roman culinaire, Les sept canailles de la Bleue Maison, Memory, 2014
Roman d’anticipation, Pénurie dans la galaxie, Editions Acrodacrolivres, 2016
Aux Editions Mardaga à Bruxelles, Aimer Lyon, un guide d’adresses tant utiles qu’agréables (2018).
Publications de 2019 aux Editions Acrodacrolivres :
– Saperlipopette, nouvelles
– Roméo & Julietteke, contes et nouvelles pour petits et grands, illustré par Momo Fuente
– Cuisine politiquement incorrecte, cuisine traditionnelle
– Petit dictionnaire philosophique des vocables et néologismes canins
– Elytra ( jeunesse) illustré par Anya Belyat-Giunta
Aux Editions de la Renaissance du livre :
Grisou, jeunesse, novembre 2019, illustré par Raphaël Bourgois