Qui êtes-vous, où êtes-vous né, où habitez-vous ?
Je me nomme Guillaume de Fonclare et je suis né un soir de printemps sur les contreforts d’un désert de neiges argentées, en 1968. Je garde de cette période un esprit prompt à la révolte, une certaine indépendance d’esprit et une volonté farouche de préserver ce qui m’est cher. J’ai fait le choix de quitter mon Midi natal pour la Picardie en 1995, et j’y ai passé la majeure partie de ma vie d’adulte. Puis, l’envie de soleil m’est revenue, aussi forte qu’un coup de Mistral, et j’ai regagné mes contrées méridionales l’année dernière, en plein confinement. Depuis, je bois des coups avec les copains, je retrouve l’accent du Sud et je galèje sur les sujets d’importance, pour peu qu’ils soient susceptibles d’en rire.
Vivez-vous du métier d’écrivain ou, sinon, quel métier exercez-vous ?
Je vis de ma pension d’invalidité, conséquence d’une maladie neuromusculaire qui me poursuit depuis vingt ans. J’écris pour le journal La Croix une chronique hebdomadaire tous les lundis, je fais un peu de conseil aux entreprises en management et en organisation, et lorsque l’envie m’en prend, je construis des récits ou des romans, dont l’élaboration occupe mes jours et mes nuits.
Comment est née votre passion pour la littérature et surtout pour l’écriture ?
J’aime écrire depuis que je sais former des lettres ; au collège et au lycée, j’ai participé à de multiples concours d’écriture, écrivant nouvelles et poésies avec plaisir et ardeur. Grand lecteur, j’ai pris un grand plaisir à découvrir la littérature européenne, des grands classiques aux modernes. J’ai fait comme beaucoup, usant de la torche électrique pour poursuivre ma lecture au-delà de l’heure du coucher, pelotonner sous mes draps et couverture jusqu’à tard dans la nuit. Je garde de ces moments le goût pour la lecture nocturne, même si la passion m’a un peu quitté avec l’âge.
J’ai réellement commencé à écrire à l’âge de trente ans, pour plaire, d’abord, ce qui était une mauvaise idée, puis, pour me dire, ce qui n’en était pas une meilleure. Mais plus à l’aise avec ce mode littéraire, j’ai commis quelques récits qui m’ont valu l’intérêt de grands lecteurs, ce qui m’a permis de publier mon premier livre aux éditions Stock. Plus que tout, j’aime l’acte d’écriture, griffonner les lettres ou taper sur le clavier de mon ordinateur ; je suis dans le rythme de mes phrases, balançant au son du stylo-plume sur le papier ou du cliquetis de mes doigts pressant les touches.
Quel est l’auteur/le livre qui vous ont marqué le plus dans la vie ?
J’ai eu ma période Jules Verne dans ma prime jeunesse, à l’âge de huit ou neuf ans. À quinze, un professeur de Français nous a fait lire Les Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar ; découverte stupéfiante qu’on pouvait faire de la Littérature en racontant l’Histoire. Le même enseignant nous a conseillé la lecture du Rivage des Syrtes, de Julien Gracq ; découverte bouleversante qu’on pouvait inventer l’Histoire en faisant de la Littérature.
Quel genre littéraire pratiquez-vous (roman, poésie, essai) ? Passez-vous facilement d’un genre littéraire à un autre ?
Je pratique essentiellement le récit, même si j’ai aussi publié deux romans, ce dont je ne suis pas peu fier. Ma pratique du récit tient au fait qu’il m’est plus facile d’écrire sur des sujets qui me touche personnellement que de faire de la fiction. Ce n’est pas une question d’égocentrisme, c’est juste un point de vue sur le monde que je tente de rendre universel en faisant de la littérature. Le passage de l’un à l’autre – récit à fiction – n’est pas chose aisée, sauf à considérer que l’écriture sur soi est une des formes du roman. Si l’on se dit, on n’est pas nécessairement sincère, et toute la difficulté est d’y arriver, justement, sobrement. Ne pas se mentir, c’est déjà une bonne chose.
Comment écrivez-vous – d’un trait, avec des reprises, à la première personne, à la troisième ?
J’écris d’un trait, en général. Les mots coulent simplement, et je ne cherche ni métaphores ni à faire des phrases définitives. On me le reproche parfois ; je n’en ai cure. Je crois avoir trouvé mon style, et la pratique de l’écriture n’est pas difficile en ce qui me concerne. Essentiellement à la première personne, mes récits s’articulent en courts chapitres, et j’essaie de penser à laisser respirer mon lecteur.
D’où puisez-vous les sujets de vos livres, et combien de temps est nécessaire pour qu’il prenne vie comme œuvre de fiction ?
Je travaille par cycle de deux à trois ans ; dix-huit à vingt-quatre mois de réflexion, de travail de recherche si nécessaire, et six mois de rédaction. La plupart du temps, je puise les sujets de mes livres des conversations avec mes proches, et je peux laisser courir un sujet plusieurs années avant de réellement travailler dessus. Je ne note rien alors, considérant qu’oublier un sujet revient à convenir qu’il n’avait pas d’intérêt.
Choisissez-vous d’abord le titre de l’ouvrage avant le développement narratif ? Quel rôle joue pour vous le titre de votre œuvre ?
Pour mes premiers récits, c’est l’éditeur qui a fait le choix du titre de mes livres. Puis, j’ai pu les déterminer par moi-même à compter du troisième opus. J’attache beaucoup d’importance au titre ; je les considère comme le premier mot de mes œuvres. En général, je le choisis assez vite, et j’ancre le reste du récit ou du roman sur ce fil rouge. Il peut m’arriver cependant que je laisse une plus grande part à l’imagination, et que le titre vienne à la fin de mon travail. Mais cela reste assez rare.
Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages et comment les inventez-vous ?
Je n’invente pas de personnage, y compris dans mes romans. Ils sont toujours issus de situation qui ont une réalité dans l’Histoire, qu’elle soit la grande Histoire ou une histoire plus personnelle. Dès lors, les personnages sont mes complices, et ils prennent une place importante dans ma vie ; nuit et jour, je les construis mentalement, je les imagine, créant pour eux scènes et dialogues en fonction de mon humeur du moment.
Parlez-nous de votre dernier ouvrage et de vos projets.
Début 2019, j’ai publié un récit – Ce nom qu’à Dieu ils donnent, chez Stock –, qui relate les aléas d’une quête spirituelle ; dans le même temps, je publiais un roman court – le bel Obus aux éditions Cours Toujours –, histoire d’un obus qui court tout au long du XXe siècle. J’ai un projet en cours avec les éditions Bayard pour un livre sur Jésus de Nazareth, et mon frère cadet et moi aimerions faire un livre sur les parcours de vie atypiques, du comptable devenu druide au cadre commercial entré dans les ordres. Mais, plus généralement, je ne sais si je continuerai longtemps à écrire, l’énergie que demande cette activité venant de plus en plus souvent à me manquer ; si c’est une réelle nécessité pour celui qui rédige, il n’en demeure pas moins que les contraintes sont nombreuses et parfois étouffantes. Je me pose donc beaucoup de questions à ce sujet.