Rencontre
Esquive. Tournoiements. Pilier sans face. Pour un face-à-face.
Trou dans le tissu de l’air. Se jeter de tous les pores
– désemparement –
là où la tête cherche son au-dessus : les mots sans le corps.
Harassement horizontal, large, solide dans la poitrine
Les dents vers le haut ont tout remplacé : cœur, poumons, foie…
Mais elles me font vivre à leur place
Les dents solides : rencontre de chaque matin.
Quand tout chemin est une crevasse dont on ne connaît pas la profondeur.
On se contente
d’admirer ses bords et de la renverser :
la mettre sur la verticale
pour la couper et la soutenir.
Je joue autour d’elle
derviche de mes journées.
Et voici : ceci est mon corps
offert en pâture.
Pris et repris par un départ
une séparation pour la meilleure rencontre :
de ce qui n’atteint que les bords
– ou bien les bouts
– et d’en haut et d’en bas
– c’est selon : si vous êtes couché, endormi
– ou tout droit dans vos bottes
– pour l’éternité –
atteint les bords du sentiment qui s’écrit
en toutes lettres : s e n t i m e n t.
C’est lui, la crevasse dont on ignore la profondeur.
Toujours la mettre sur la verticale.
Une fois debout
la tronçonner.
Un derviche de chaque instant :
le sentiment.
Lequel ?
Enigme dont la profondeur double celle de la crevasse.
Quel sentiment ?
Mais le seul, voyons, qui fait tourner le monde.
Juste son affirmation – crevasse dans un glacier.
Et toujours une couture à faire.
Et comme sentiment
sédiment
la couture.
Tourbillonne-moi
Jusqu’à la crevasse infinie
Dans la glace changée en flamme solide
verticale
pilier.
Je ne tiens que ce qui me tient
mais avec plus de détours et de volutes.
L’arabesque – celle qui est ma vie.
Un cap à atteindre.
Un cap à tenir.
Un cap surtout à contourner.
Délice
d’hélices
qui traversent les vaguelettes antédiluviennes.
Aspirer par toutes les ouvertures-fermetures.
Pour qui la danse ? A qui la robe ?
Vers quoi les pans du Grand Epanchement ?
Sentiment.
Arabesque.
Trois poèmes
♦
Le jour me prend dans ses bras
dès le matin :
aussitôt que je suis réveillée, moi,
dès qu’elle s’est réveillée, elle.
Sa chaleur et son étreinte
sont suffisantes
pour sentir
que ma journée
dès l’aube
est déjà finie
que j’ai déjà vécu pleinement notre joie :
la sienne
et la mienne
confondues.
Le reste n’est que des mots.
♦
Qui n’est pas avec moi est aussi avec moi.
Des volontés multiples, différentes ont été
accomplies
dans une symphonie
que je transcris maintenant :
Qui n’est plus avec moi
est quand même avec moi.
Symphonie de volontés
accomplies.
♦
Il suffit que je me touche la tête
avec la main
et une étoile
naît.
Toute la journée,
étoile après étoile
est née
juste en me touchant
les cheveux, la tête
avec ma main gauche.
Sanda Voïca
Poèmes extraits du recueil inédit « Parenthèses pour germination »
Sanda Voïca. Née en 1962 en Roumanie. Etudes à la Faculté de langues étrangères de Bucarest. Professeur de roumain et russe entre 1985-1990. Correctrice et rédactrice pour les revues littéraires Contemporanul-Ideea europeană (Le Contemporain-idée européenne) et România literară (La Roumanie littéraire). Entre 1996-1999 a travaillé comme rédactrice pour Monitorul Oficial (le Moniteur Officiel ; l’équivalent du Journal Officiel en France), au Palais du Parlement. Publication en Roumanie de textes variés (poèmes, nouvelle, fragments de roman, notes critiques) dans les principales revues littéraires roumaines, et de son recueil de début, Diavolul are ochi albaştri (Le Diable a les yeux bleus), Editura Vinea (Vinea éd.), Bucureşti (Bucarest), 1999.
En 1999 elle s’installe en France. Depuis, elle écrit exclusivement en français. Publications dans de nombreuses revues littéraires, françaises ou étrangères (papier et/ou numériques) : Terre à ciel, Phoenix, Sarrazine, Décharge, Europe, Recours au Poème, Traversée (Belgique), Moebius (Canada), La Fabrique de l’art (France-Inde), etc. Présence dans plusieurs anthologies, dont Elles écrivent, elles vivent ici en Normandie, Paix… Ou dans des livres collectifs : Le système poétique des éléments (Invenit éd.), Du feu que nous sommes (Abordo éditions), etc. Quelques plaquettes (Ça vient de tomber (la rivière échappée), Des couleurs en profondeurs (éd. du Petit Flou), Et quelle volonté peut-on comparer avec celle de l’amour ? (Les Presses du vide). Les volumes de poèmes : Exils de mon exil, Passage d’encres éd., 2015, Epopopoèmémés, Impeccables éd., 2015, Trajectoire déroutée, Lanskine éd., 2018. En 2010, elle a créé et mené, pendant dix ans, la revue de poésie et arts plastiques (numérique et papier) Paysages écrits. Elle a cessé sa parution en 2019. Livres dits pauvres, avec des artistes : Ghislaine Lejard, Adeline Contreras, Maria Desmée, Daniel Leuwers, Maud Thiria-Vinçon. Notes critiques, publiées dans Paysages écrits, Poezibao, Europe, La Cause littéraire, etc. Préfaces pour les recueils des poètes : Dominique Zinenberg, Valérie Canat de Chizy, Morgan Riet. Plusieurs entretiens dans : Alkémie, Le Littéraire, Terre à ciel, Le Petit Journal, Librebonimenteur, etc.